Maternité sociale, rapports d adoption et pouvoir des femmes chez les Baoulé (Côte d Ivoire) - article ; n°3 ; vol.19, pg 63-107
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Maternité sociale, rapports d'adoption et pouvoir des femmes chez les Baoulé (Côte d'Ivoire) - article ; n°3 ; vol.19, pg 63-107

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Description

L'Homme - Année 1979 - Volume 19 - Numéro 3 - Pages 63-107
45 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Mona Etienne
Maternité sociale, rapports d'adoption et pouvoir des femmes
chez les Baoulé (Côte d'Ivoire)
In: L'Homme, 1979, tome 19 n°3-4. pp. 63-107.
Citer ce document / Cite this document :
Etienne Mona. Maternité sociale, rapports d'adoption et pouvoir des femmes chez les Baoulé (Côte d'Ivoire). In: L'Homme,
1979, tome 19 n°3-4. pp. 63-107.
doi : 10.3406/hom.1979.367999
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1979_num_19_3_367999MATERNITÉ SOCIALE, RAPPORTS D'ADOPTION ET POUVOIR
DES FEMMES CHEZ LES BAOULÉ (CÔTE D'IVOIRE)*
par
MONA ETIENNE
Mon propos, dans cette étude de l'adoption chez les Baoulé, n'est pas d'en
donner une description ethnographique exhaustive, mais plutôt d'en suggérer
la signification et les conséquences au niveau du destin individuel comme au
niveau de la structure sociale. En outre, sans entrer dans un débat touchant
à la spécificité ou à la généralité des faits baoulé, j'indiquerai par quelques données
comparatives que le don et l'adoption d'enfants, tels qu'ils se présentent là,
se retrouvent dans d'autres sociétés et renvoient à des traits d'histoire et de
structure semblables. Ce travail montrera, je l'espère, les raisons pour lesquelles
un champ de recherche remarquablement riche et complexe est resté si peu
exploré.
Pourquoi l'adoption ? Genèse d'une recherche
Le choix de l'adoption ne procède pas du souci d'étudier un de ces sujets
qui « concernent les femmes » au sens où ils les marginalisent, délimitant ainsi
* La recherche en milieu rural a été conduite dans la partie nord du pays baoulé (villages :
Abouakro, Andobo-Aluibo, Diamelassou, Ngatakro) de septembre 1962 à décembre 1963
— en collaboration avec Pierre Etienne et avec l'appui du gouvernement de Côte d'Ivoire
(ministère du Plan). En milieu urbain elle a porté sur le quartier de Port-Bouët à Abidjan,
pendant quatre mois en 1974-1975, grâce au soutien de la Wenner-Gren Foundation for
Anthropological Research (grant-in-aid no. 3067). Je remercie le ministère de la Recherche
scientifique de Côte d'Ivoire et l'Institut d'Ethnologie de l'Université d'Abidjan qui ont
autorisé cette recherche. Je remercie également pour leur collaboration intelligente et leur
patience mes enquêtrices, Kouamé Kodjoua Christine — qui fut aussi ma « tutrice » en
1974- 1975 — et Kouassi Affoué Yvonne, ainsi que les femmes — et les hommes — des
villages et de Port-Bouët. Des versions préliminaires de cet article ont été présentées au
76e Congrès de l'American Anthropological Association (Houston, Texas, 1977), à un colloque
de la New York Women's Anthropology Conference (1977) et au Collège de France (Paris)
dans le cadre du séminaire dirigé par le professeur Claude Lévi-Strauss en décembre 1978.
Que soient ici remerciées toutes les femmes qui ont contribué par leurs questions, leurs cr
itiques et leurs suggestions — notamment Gertrude Dole, Christine Gailey, Evelyne Guedj,
Constance Sutton et Susan Vogel — à l'élaboration finale de cette rédaction.
L'Homme, juil.-déc. 197g, XIX (3-4), pp. 63-107. MONA ETIENNE 64
un domaine inévitablement accessoire où les femmes ont un « rôle » tandis que
la vraie société est ailleurs. Bien au contraire, cette étude relève d'une préoccupat
ion fondamentale : contribuer à une critique féministe de l'ethnologie, c'est-à-dire
une critique qui vise à démonter les mécanismes qui — chez les ethnologues
femmes aussi bien qu'hommes — tendent à fausser la réalité des sociétés étudiées
à partir de prémisses et d'un cadre conceptuel où se reflètent les rapports entre
les sexes tels qu'ils existent dans notre propre société. Plus féconde que des
discussions abstraites autour de la question de la subordination et de l'exploi
tation des femmes, cette critique doit se poursuivre et par l'étude des textes
— notamment de leurs contradictions internes — et par l'exemple. On constate
en effet que la déformation par les ethnologues du vécu des autres s'exerce aussi
bien au niveau de la sélection des données — voire du choix même d'un objet —
qu'à celui de l'analyse. C'est donc à ces trois niveaux que doit se situer la critique.
Pour qui vient tard à la conscience de cette nécessité, le regret d'un savoir perdu
à l'occasion du travail sur le terrain est plus fort que l'inévitable inquiétude
ressentie face à des lacunes quelconques.
Dans le cas présent, il s'agit de faits en apparence banals, que « tout le monde
connaît ». Parce qu'ils sont observés avec une grande fréquence en milieu urbain,
on les attribue parfois trop facilement à des changements sociaux récents ;
dépourvus de signification et de structure propres, ils constitueraient une simple
adaptation des structures de la parenté à des conditions nouvelles. Ainsi, lors
d'un premier séjour chez les Baoulé de la région de Bouaké en 1962-1963, j'ai
constaté l'existence de transferts d'enfants, généralement vers le milieu urbain
(et aussi vers les plantations de Basse-Côte), et j'ai rencontré de nombreuses
femmes qui, sans avoir été orphelines, avaient été élevées par une autre femme
que leur génitrice. D'autres informations montraient que ce remplacement de
la génitrice ne s'effectuait pas nécessairement au hasard des besoins familiaux.
Mais, enfermée dans une méthodologie qui tout en préconisant l'étude des femmes
reléguait au rang de l'accessoire — voire du frivole — des rapports dont les
hommes n'étaient ni les agents principaux ni le centre, je n'ai su être assez atten
tive aux possibilités qu'offraient les données. Elles me sont apparues très cla
irement lors d'un deuxième séjour sur le terrain en 1974-1975 quand, motivée par
une volonté délibérée de reconnaître dans les femmes baoulé les agents de leur
propre destin, et consciente d'avoir négligé un champ de recherche peut-être
révélateur à ce propos, j'ai approfondi des questions auparavant à peine formulées
et poursuivi un examen systématique des cas d'adoption1.
1. Mes fiches de renseignements pour toutes les femmes des villages étudiés en 1962-1963
comportaient cependant la question : « Par qui a-t-elle été élevée? » — question omise mal
heureusement pour les hommes. Les réponses obtenues et les données recueillies lors d'inter
views avaient permis de constituer un matériel incomplet mais exploitable pour le milieu
rural. En 1974-1975, mes informatrices urbaines, surtout les plus âgées, ont pu compléter MATERNITÉ SOCIALE ET POUVOIR DES FEMMES 65
Si mon orientation féministe était déterminée de manière générale par dé
nombreux travaux qui avaient paru entre-temps, cette visée précise — l'adop
tion — m'était suggérée par un travail de Nicole-Claude Mathieu (1977) 2 qui
démontre la dissymétrie, le déséquilibre d'une pensée ethnologique faisant de
la femme l'objet et jamais le sujet de la maternité, la rejetant — et elle seule —
vers le biologique. Après avoir démonté les contradictions internes qui ressortent
des analyses que font les ethnologues de leurs propres données, N.-C. Mathieu
souligne en effet le rapport entre la réification de la femme et le peu d'attention
qu'ils accordent à tout un ordre de faits susceptibles de redresser ce déséquilibre,
et montre que la maternité, tout autant que la paternité, peut recevoir une
définition sociale. Elle cite à ce propos l'infanticide, l'avortement et l'adoption.
Sur cette dernière, « il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire [...] comme signe de la
manipulation sociale de l'engendrement biologique » (Mathieu 1977 : 43-44).
Parce qu'il coïncidait avec ma propre préoccupation critique, parce que la mention
de l'adoption renvoyait précisément à une réalité baoulé que je savais avoir
négligée, ce travail est devenu, sur le plan pratique et sur le plan théorique, le
point de départ de la présente analyse3.
Toutefois, reconnaître que l'adoption peut tirer la maternité de son enlisement
apparent dans le biologique et la releve

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