Organisation sociale, guerre de captation et ethnogenèse chez les Reche-Mapuche à l époque coloniale - article ; n°150 ; vol.39, pg 85-117
38 pages
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Organisation sociale, guerre de captation et ethnogenèse chez les Reche-Mapuche à l'époque coloniale - article ; n°150 ; vol.39, pg 85-117

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Description

L'Homme - Année 1999 - Volume 39 - Numéro 150 - Pages 85-117
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Guillaume Boccara
Organisation sociale, guerre de captation et ethnogenèse chez
les Reche-Mapuche à l'époque coloniale
In: L'Homme, 1999, tome 39 n°150. pp. 85-117.
Citer ce document / Cite this document :
Boccara Guillaume. Organisation sociale, guerre de captation et ethnogenèse chez les Reche-Mapuche à l'époque coloniale.
In: L'Homme, 1999, tome 39 n°150. pp. 85-117.
doi : 10.3406/hom.1999.453568
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_150_453568Organisation sociale, guerre de captation
et ethnogenèse
chez les Reche-Mapuche à l'époque coloniale
Guillaume Boceara
A RAUCANS, Chiriguano, Guajiros, Yaqui, Chichimèques..., autant de
noms légendaires agissant comme véritables symboles emblématiques de la
résistance farouche à toute velléité d'assujettissement. Autant d'ethno-
nymes évoquant les frontières de la Civilisation et les limites de l'entreprise
inexorable du désenclavement planétaire. Groupes dont les principales
caractéristiques seraient d'être « sans Foi, sans Roi, sans Loi », c'est-à-dire
dépourvus des deux formes majeures du pouvoir que sont l'État céleste
(Dieu) et l'État terrestre (le chef), et auxquels il manquerait par consé
quent le ciment idéel et matériel nécessaire au tissage d'un lien politique
sans quoi il n'est pas d'ordre social ni de paix durables. Cette image négat
ive, que nous offrent les documents des premiers temps de la conquête,
est cependant contemporaine de descriptions qui font de ces guerriers de
la frontière de véritables héros et qui célèbrent l'énigmatique capacité de
résistance des indigènes face aux multiples stratégies de domination (vio
lentes ou subtiles) déployées par les Espagnols. Célébration qui résonne
d'ailleurs jusqu'à nos jours puisque si ces peuples accédèrent très tôt à l'im
mortalité pour devenir les « champions de la liberté »*, la tradition ethno-
historiographique continue à admirer cette si curieuse résistance doublée
d'une non moins surprenante capacité d'adaptation aux changements. S2
Or il faut reconnaître que ces populations de la frontière étaient, récem- 55
ment encore, aussi célèbres et célébrées que peu où mal connues. Car que ^
savait-on de l'être social de ces sociétés guerrières ? Comment expliquait- <^j
on, si ce n'est en termes de manque, que ces sociétés acéphales au sein t/)
desquelles régnait la confusion et qui, marquées au sceau de l'oisiveté, ne q
1. Bemand & Gruzinski 1993:474. SLU
L'HOMME 150/ 1999, pp. 85 à 118 daignaient produire un excédent économique que dans la perspective de
l'organisation de grandes beuveries, aient pu se pérenniser comme entités
spécifiques ? Dans certains cas on invoquait leur refus instinctif de toute
soumission à l'autorité. Dans d'autres on mentionnait leur attachement à
une tradition originelle, à une vérité première à peine ébranlée par les évé
nements. Dans des cas moins heureux encore on faisait allusion à un sup
posé instinct guerrier naturel en l'homme, et qui n'aurait été dompté,
inhibé, civilisé par aucun pacte ou contrat social. De sorte qu'elles soient
finaliste, essentialiste ou naturaliste, ces interprétations nous en disaient
finalement bien peu sur les logiques sociales, les pratiques, les représenta
tions et les catégories qui étaient mobilisées pour faire face à l'événement
ou organiser le fait guerrier. Ces groupes apparaissaient soit comme agré
geant des individus naturellement guerriers, soit comme produisant des
sujets épris de liberté et doués du pressentiment d'un mal à venir (l'Etat),
soit enfin comme des unités composées d'irréductibles sauvages défendant
âprement une tradition et une identité figées dans une essence éternelle
et anhistorique.
De nouvelles perspectives de recherche et approches théoriques ainsi
que la collaboration féconde entre l'histoire et l'anthropologie ont cepen
dant permis de remettre en cause un certain nombre de présupposés sur
lesquels s'étaient bâties les précédentes analyses. Tout d'abord en considé
rant la guerre comme un phénomène socioculturel et en l'envisageant
comme une institution centrale dans la configuration ethnique et la
construction identitaire (Chaumeil 1985 ; Taylor 1985 ; Molinie 1988 ;
Combés & Saignes 1991; Combés 1992; Sterpin 1993; Viveiros de
Castro 1993 ; Journet 1995). Ensuite, en rendant un peu d'épaisseur
sociohistorique à des sociétés qu'une interprétation, erronée selon nous,
des propos de Claude Lévi-Strauss tendait à considérer comme étant
dépourvues d histoire ou comme essentiellement froides2. Rompant ainsi
avec une tradition substantiviste et avec un naturalisme tenace, certains
travaux ont permis de penser le devenir des sociétés dites primitives et de
saisir dans quelle mesure elles étaient, elles aussi, le produit d'une histoire.
C'est ainsi que dans leur étude sur les Chiriguano, Isabelle Combes et
2. Dans une brève introduction au numéro spécial que L'Homme (1993, 126-128) consacra aux socié
tés amazoniennes, Claude Lévi-Strauss écrivait, comme en réponse à une question implicitement posée
par les récents travaux ethnohistoriques et archéologiques au sujet de populations engagées depuis des
millénaires dans un devenir historique : « Que devient, dans cette perspective, la distinction entre socié
tés froides et sociétés chaudes que j'ai jadis proposée [...] ? Elle n'a, à mon avis, rien perdu de sa perti
nence, à condition qu'on se garde d'y voir deux moments de l'évolution des sociétés humaines. Ces
notions, d'ailleurs relatives, n'ont rien de réel mais renvoient aux manières subjectives dont les sociétés
conçoivent leur rapport à l'histoire : soit qu'elles s'inclinent devant elle ou y adhèrent ; soit qu'elles pré
fèrent l'ignorer et qu'elles cherchent à neutraliser ses effets [...] Il arrive aussi que des sociétés froides se
réchauffent quand l'histoire les happe et les entraîne» (Lévi-Strauss 1993 : 9-10).
Guillaume Boceara Saignes (1991) démontrèrent que l'identité à fondement duel et Thierry
hiérarchique de ces anciens Guarani était en grande partie le produit d'une
ethnogenèse3. Quelques années auparavant, François-René Picon (1983)
avait montré que l'ethnie guajiro était le produit d'une histoire récente
(XVT-XVIIF siècle) et que c'était sous les multiples pressions exercées par les
Espagnols et en raison de profondes transformations sociopolitiques et
économiques que s'était créée une entité spécifique, les Wayú de la
Guajira4. Plus récemment, et pour nous limiter à des exemples de
recherches américanistes, Nathan Wachtel (1992) insista sur le fait que le
contact hispano-indigène avait conduit à l'émergence de nouvelles format
ions sociales dans les Andes méridionales et que la persistance de ces enti
tés jusqu'à nos jours ne signifiait aucunement qu'elles remontassent au
XVIe siècle. De sorte que X autre regardon le nouveau regard porté sur les
sociétés amérindiennes conduisit à les considérer comme un produit de
l'histoire et amena à prendre en compte les phénomènes de restruc
turation, de redéfinition identitaire, d'ethnification et d' ethnogenèse.
Corrélativement, s'esquissa l'idée selon laquelle pour saisir de façon perti
nente les effets du contact, il fallait étudier aussi, dans une perspective
ethnologique, la face espagnole de cette rencontre. Ce faisant, il apparut
nécessaire d'analyser les dispositifs et stratégies instaurés par les Hispano-
créoles afin d'assujettir ces Indiens rebelles, et de s'interroger sur le lien de
causalité existant entre, à un bout de la chaîne, la mise en place de dispos
itifs de contrôle étatiques et, à l'autre bout, l'émergence progressive, au
cours de la période coloniale, de formations sociales ou d'ethnies dont on
ne décèle aucune trace dans les premiers temps de la conquête.
La présente étude, qui port

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