Paradoxe du signe visuel à l ère de la communication - article ; n°1 ; vol.21, pg 47-53
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Description

Quaderni - Année 1993 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 47-53
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 27
Langue Français

Extrait

Anne Cauquelin
Paradoxe du signe visuel à l'ère de la communication
In: Quaderni. N. 21, Automne 1993. pp. 47-53.
Citer ce document / Cite this document :
Cauquelin Anne. Paradoxe du signe visuel à l'ère de la communication. In: Quaderni. N. 21, Automne 1993. pp. 47-53.
doi : 10.3406/quad.1993.1037
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_1993_num_21_1_1037ossier Q)
On pourrait penser que l'ère de la
Paradoxe communication avec ses écrans, ses
vidéo disques, ses logos, la transparen
ce qu'elle affiche comme principe
du signe visuel
prioritaire, les scènes de la vie quoti
dienne données en show et en prime,
ses exhibitions et expositions, ses vi- . à Tère de la
trines culturelles, les arts plastiques
mis sur piédestal, entretient avec fer
communication veur la primauté du visible, et fait du
signe visuel la pierre de touche de sa
construction. -,
Anne
Or pour aussi paradoxal que cela paCauquelin
raisse, il n'en est rien et on assisterait
bien plutôt à la mise à mort du visuel et
du visible, ou tout au moins au refou
lement d'une grande partie de leurs ca
ractéristiques les plus habituellement
reçues.
La chose est certes étrange, elle passe
inaperçue, peut-être à cause de son
étrangeté même, ou si d'aventure elle
est remarquée, elle est immédiatement
interprétée à contresens. Et le lieu où
le phénomène est le plus marqué et, à
la fois, le plus caché, est celui où le vi
suel semblait jusqu'ici fondateur :
l'art.
Disons tout de suite les raisons qui le
tiennent caché :
QUADERNI N"21 -AUTOMNE 1993 PARADOXE DU SIGNE VISUEL A L'ÈRE DE LA COMMUNICATION 47 ®
présentant quelque chose du monde
garantit à son tour sa reconnaissance
en tant qu'objet de ce monde et atteste priorité participent -l'image d'une - les l'accent médias ontologisation les qui mis arts d'une devient ont sur visuels, investi sacralisation, la le sans principal culture, le qui limite. domaine de sert ce "arguvoire fait de en
la réalité et du monde et d'elle-même
en tant qu'objet.
ment" de l'information, voire, son es En somme, le signe visuel fait signe
sence même. vers lui-même et vers ce qu'il désigne
- la conversion des données numér à l'entour. Jusqu'ici, tout va bien.
iques en icônes écraniques lie,
semble-t-il, de manière indéfectible, le La chose se complique cependant au
signe visuel à la recherche scientifique coeur même de ces constatations
et artistique. simples. Pour ce qui est de l'art, les
avis se partagent, en effet, entre les te
SIGNE VISUEL ET ESTHÉTIQUE nants d'un signe qui ne renvoie qu'à
lui-même et ne fraye pas avec le mon
Traditionnellement un tableau, une de des références (Greenberg), ceux
sculpture, une installation, sont donnés qui tiennent aux renvois du signe vers
à voir. Quelqu'en soit le contenu -figu le monde (entendu comme complexe
ratif ou non- l'objet d'art est mis en socio-politique et culturel) et ceux qui
vue. Or, mettre en vue c'est installer un l'entendent comme désignant l'invi
signe ou un ensemble de signes sible au-delà du signe, l'insaisissable
stables, ayant ses limites définies. On essence de l'art. Les analyses mêlent
perçoit une figure sur un fond car elle souvent les trois points de vue et addi
s'en détache de manière éloquente. La tionnent les trois critères : qualité du
gestalt nous a donné, il n'y a guère, les signe matériel, qualité du rapport au
caractères et les lois d'une telle per monde et appel à l'indicible émotion.
Sans oublier naturellement l'originalitception.
é, c'est à dire l'inclusion de l'uvre
Que cette figure soit reconnue comme dans une histoire qui se veut en déve
loppement. (Dans les textes esthételle garantit que le signe a fonctionné
comme signe, qu'il a été vu. Qu'elle tiques l'ordre de présentation de ces
soit par ailleurs reconnue comme critères varie, mais généralement on
48 PARADOXE DU SIGNE VISUEL À L'ÈRE DE LA COMMUNICATION QUADERNI N°21 -AUTOMNE 1993 ©
me leur résultat Heureusement, la culgarde faire rêver). l'indicible pour la fin, histoire de
ture est là, je veux dire l'impératif cul
turel de rigueur qui impose aux uns
Ces analyses se trouvent cependant comme aux autres d'avoir à considérer
embarrassées quand il s'agit de rendre ces résultats comme uvres d'art,
compte de signes qui ne sont visuels c'est à dire objet appartenant
que secondairement : par exemple de droit au champ esthétique.
quand il s'agit de l'art conceptuel : une
facture, un billet de banque, une signa Le visuel est alors récupéré, et l'hon
ture. Ici, pas de matière, pas de patte, et neur de l'esthétique est sauf -au prix
pour l'indicible il est difficile d'y accé d'un contresens, mais que faire
der. Reste le rapport au monde, sur le d'autre ?
quel il est loisible de gloser. Ce qui s
ignifie bien entendu que l'objet posé là Forts de ce tour de passe passe, et
a moins d'importance que le fait de le confortés par la culture ambiante, voi
poser. ci donc les esthéticiens très mal armés
pour juger des "nouvelles images".
Tout l'effort de Duchamp a été de dé Pour eux, à n'en pas douter, ces nou
placer l'appréciation de la qualité vi velles images sont d'abord des images.
suelle du signe vers "l'affirmation irElles seront analysées comme telles,
onique" d'une qualité inoptique. en termes de signes visuels. En terme
d'objet ou d'uvre.
Premier pas vers une dé-visualisation
du signe visuel : il est renvoyé à l'ac Partis sur ces bases, les critiques dé
tion de signaler. montreront assez aisément qu'une pro
duction vidéo, une image numérique,
ne sont pas de l'art. Que leurs prétenC'est beaucoup demander au public,
comme aussi bien aux critiques d'art, tions à l'esthétique sont fallacieuses,
habitués à juger des qualités visuelles qu'elles ne sont ni originales, ni émouv
d'une uvre que de se priver de re antes, que la matière y manque, que
gard, et de porter leur attention sur des l'artiste en est absent, enfin qu'elles
sont tout simplement les produits opérations intellectuelles, en deçà de
d'une industrie dont les effets se mon- l'objet ou du non-objet, présenté
QUADERNI N°21 -AUTOMNE 1993 PARADOXE DU SIGNE VISUEL A L'ÈRE DE LA COMMUNICATION 49 ©
trent partout négatifs. d'ailleurs non comme tels mais utili
sent à leurs fins une propagande cultu
Pour être cosa mentale, diront-ils, la relle intense, par exemple en lançant
peinture n'en n'est pas moins d'abord des opérations spectaculaires comme
ou aussi de la matière peinte, une pré les expositions géantes, menées à
sentation ayant les traits d'un objet grands coups de publicité : Matisse au
jourd'hui, Van Gogh hier. Nous voici fini, cernable, possiblement descript
ible - surtout descriptible car sinon rassurés. On pense ainsi réconcilier le
que feraient les critiques ? - et inséré public avec les uvres. Mais le public
dans une histoire - celle de l'art. est conciliant par nature, et l'uvre,
quant à elle, s'en fiche.
L'effort pour récupérer Duchamp dans
la sphère du visible par le biais, juste L'histoire de l'art s'arrêterait-elle à la
ment, d'une histoire de la modernité, porte des nouvelles images, piétinant
avait été couronné de succès dans la sur le seuil ou tentant de contourner la
mesure où il y avait bien quand même chose? n semble que ce soit le cas à en
un objet visible, posé là. Avec les nou tendre les discours sur le sensible, le
quotidien, les arts dits "mineurs" (cuivelles images, évanescentes, non f
inies, proprement indescriptibles et in- sine décor, art du confort, médecine,
cemables, la tentative est déjouée à hygiène, art de vivre, art de la rue, etc.)
l'avance. On ne peut rien faire de ces appelés à renflouer le navire.
nouvelles images, sinon les accepter
comme la marque d'une aberration, L'ARTISTE ET LE RÉSEAU
sans doute, et espérons-le, passagère.
La conception romantique- qui est en
Ironie du sort : par ce refus bien scan core celle qui domine aujourd'hui et
dé, l

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