Pouvoir et corruption en Chine populaire - article ; n°1 ; vol.11, pg 20-30
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Description

Perspectives chinoises - Année 1993 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 20-30
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Louis Rocca
Pouvoir et corruption en Chine populaire
In: Perspectives chinoises. N°11-12, 1993. pp. 20-30.
Citer ce document / Cite this document :
Rocca Jean-Louis. Pouvoir et corruption en Chine populaire. In: Perspectives chinoises. N°11-12, 1993. pp. 20-30.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/perch_1021-9013_1993_num_11_1_1612CHINE / SOCIETE
Pouvoir et corruption en Chine populaire
les nouvelles couches sociales de défendre leurs
intérêts contre la mainmise de l'Etat, dont l'action
Jean-Louis Rocca est jugée illégitime dès qu'elle dépasse le cadre
étroit du simple service de la société.
Malgré leurs divergences on aura remarqué la
parenté entre ces deux théories de la corruption. La corruption est devenue aujourd'hui un sujet
Certes, l'une valorise l'image de l'Etat, puissance sensible pour l'homme politique comme pour le
autonome qui modèle la société en fonction d'un chercheur. Cette sensibilité est due pour une grande
certain nombre d'objectifs collectifs, tandis que part à l'affaiblissement de la valeur heuristique des
l'autre reprend à son compte une conception de explications traditionnelles de ce phénomène(l).
l'Etat comme produit d'un contrat entre individus. Jusqu'aux années 1960, la persistance de la
Mais l'une et l'autre se réfèrent au même modèle -en corruption dans une société était censée traduire
gros l'Etat tel qu'il est censé s'être établi en Europe- son incapacité à mettre en place un système
et l'une et l'autre défendent le même déterminisme: bureaucratique moderne. Au sous-développement
la société occidentale est le terme final de l'évolution économique correspondait un
de toute société. La corruption n'est abordée que par politique, à l'absence d'un esprit d'entreprise,
le biais de cette aspiration à la modernité que sont l'absence d'une éthique bureaucratique. Le
censés ressentir tout individu et toute société. développement économique devait s'accompagner
C'est précisément la mise à mal de cette prétention de l'apparition d'une fonction publique caractérisée
de la société occidentale à être la société référence par l'attachement à l'intérêt collectif (même au
qui conduit à une remise en cause des théories de la détriment de immédiat de
corruption. On découvre depuis quelques années l'individu-fonctionnaire). Bien entendu, il n'était
que des Etats libéraux (Japon, Etats-Unis) pas question de faire une confiance exclusive à la
fonctionnent avec une forte dose de corruption moralité individuelle. Un ensemble de procédures
institutionnalisée; ou encore qu'un Etat moderne précises devait obliger le fonctionnaire à agir suivant
(la France) peut très bien s'arranger du clientélisme son devoir et à permettre un contrôle continuel de
qui règne dans certaines parties de son territoire (la l'appareil bureaucratique.
Corse pour ne parler que du cas le plus frappant). En rupture avec cette conception de la corruption,
A quoi est due cette incapacité des théories de la un certain nombre de chercheurs anglo-saxons ont
corruption à en saisir la réalité? Essentiellement au proposé une autre théorie. De façon cynique, ils
mépris dont elles font preuve envers l'historicité écartent toute référence à des notions comme la
propre à toute société et envers la nature particulière moralité ou l'intérêt public. Pour eux, l'homme n'est
de ses pratiques sociales et de ses représentations mû que par des motifs strictement égoïstes d'intérêt
culturelles. On est frappé en particulier de la facilité personnel. Cet utilitarisme fondamental dénie à
avec laquelle ces théories évacuent la question des toute bureaucratie une quelconque capacité à
origines du pouvoir étatique. Celui-ci n'est pas perçu promouvoir le développement économique. L'Etat
comme le produit de luttes politiques mais comme n'est pas un acteur du développement, mais le
une institution à conquérir. Autrement dit, la produit de la libre et constante confrontation des
question de la genèse de la domination politique et intérêts individuels. Il ne doit pas être un
de sa légitimité est largement évacuée. De même, "constructeur" du social mais son émanation. Ne
l'autre figure de la corruption -l'accumulation des serait-ce que parce que les fonctionnaires sont eux
richesses- est traitée comme quantité négligeable, aussi guidés exclusivement par la défense de leur
comme un élément fonctionnel et non comme un intérêt personnel, le pouvoir politique tend
enjeu et un moyen de la lutte sociale. On a bien continuellement à vouloir s'affirmer comme un
souvent l'impression que loin d'être des théories de pouvoir propre, autonome et empêcher ainsi
la corruption, ces analyses sont des tentatives pour l'apparition et l'affirmation politique de nouvelles
appliquer à des sociétés non occidentales une couches de populations porteuses de la figure
représentation mythifiée de l'histoire occidentale. tutélaire du progrès: le marché. Dans ce cadre, la
Pourquoi ce détour, malheureusement trop rapide, corruption change radicalement de visage. Il n'est
par les théories de la corruption? Parce qu'elles se plus ici question de faute morale du fonctionnaire ou
révèlent inutilisables en tant que telles pour de crise de l'Etat. La corruption est un moyen pour
comprendre le phénomène dans une société aussi
20 p PERSPECTIVES CHINOISES n N° 11 / 12 □ JANVIER / FEVRIER 1993 .CHINE SOCIETE /
nouvelles formes de légitimité.
Pour le chercheur, ce type de cheminement
est semé d'embûches. Le premier danger est de
tomber dans le culturalisme et de ne voir dans
les configurations culturelles ou politiques
actuelles que des résurgences anciennes. Or,
tout porte à croire que les formes et les fonctions
de la corruption d'aujourd'hui ne sont
compréhensibles que dans le contexte actuel.
Le deuxième danger est de privilégier d'emblée
un scénario concernant l'impact de la corruption
sur les deux grandes questions du pouvoir et de
l'accumulation. Or, comme nous le verrons, il
semble que la corruption soit, suivant ses formes,
tout à la fois un facteur d'évolution politique et
de blocage politique. Enfin, ultime écueil, la
tentation est grande de ne considérer l'espace
politique chinois que sous l'angle de la chronique
"pékinologique". Or, "l'activité politique est
toujours simultanément activité symbolique"(2).
Il sera donc tout autant question de
représentations du politique que de luttes pour
le pouvoir. De fait, et compte tenu de ces
embûches, les analyses qui suivent ne sont
qu'hypothétiques.
Les sources socialistes du pouvoir et de
la richesse
Si l'on prend comme références les analyses
weberiennes des formes de légitimité, les sources
du pouvoir socialiste tiennent à la fois au type
charismatique et au type traditionnel. Le Parti
spécifique que la Chine. Est-ce nécessaire de rappeler et son principal dirigeant Mao se présentent comme
que les notions d'intérêt public, de devoir du les dépositaires de la vérité, à laquelle la réalité doit
fonctionnaire, de puissance étatique sont des notions être soumise. Toute autre forme d'allégeance ou de
qui sont présentes dans l'espace culturel chinois, domination doit disparaître: l'individu ne doit obéir
mais sous une forme particulière? Il n'y a, par qu'au Parti et, pour le Parti, les individus sont tous
exemple, dans ce contexte aucune raison de interchangeables. La parenté entre totalitarisme et
considérer que la lutte pour le pouvoir politique doit domination charismatique est ici tout à fait
s'articuler autour de la référence à l'Etat- nation. De évidente(3). L'un et l'autre présentent d'ailleurs le
même, doit-on rappeler qu'en Chine, l'intérêt privé même type de fragilité: ils supportent mal la
n'est pas assimilable à l'intérêt individuel, et que "routinisation" et l'institutionnalisation. Or, à la
dans ce cadre l'utilisation du concept d'individu ou suite de l&#

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