Quelques leçons d'une histoire de la psychologie sociale/[some teachings from the history of social psychology] - article ; n°1 ; vol.13, pg 13-24

Erika Apfelbaum

Description

Sociétés contemporaines - Année 1993 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 13-24
ERIKA APFELBAUM SOME TEACHINGS FROM THE HISTORY OF SOCIAL PSYCHOLOGY Thepaperexploresthe following questions : Whileremainingdedicatedadvocates of the social psychological enterprise, why do we simultaneously have the urge to look back at our past and reflect on the conditions of the construction and elaboration of knowledge in social psychology ? How, and with what effects, do we construct this history ? And what exactly is at stake, both for us and for the discipline, when we are doing history ? The paper first examines the Golden Age (1945-1970), when social psychologists were primarily concerned with defining their different fields and paradigms, building their theories, and verifying hypotheses. During this period, there was little time and/or need for reflexive thoughts on our own research practice. What was known of our roots was limited to Allport's (1954 ; 1968) official history, which was designed to solidify a shared way of thinking within a scientific community and to serve as a warrantor and as a place of memory. This can be contrasted with a second type of historical representation which demonstrates a more critical aim and starts by questioning the underlying fundamental fictions of a discipline. The paper explores the 1970s — the beginning of an era of doubts, critique and crisis — during which the constituted knowledge bases started to be undermined. Such critical history, it is suggested, has a heuristic function for social psychology, and examples are given. Finally, the question is raised about howtoconducthistorical inquiry, especially in aproblematic framework; the development of social psychology in France is cited as an example.
Pour quelles raisons des chercheurs, qui restent par ailleurs entièrement partie prenante d'un projet psycho-social, entreprennent-ils défaire l'histoire de leur discipline ? Quels sont les enjeux d 'une telle démarche, tant pour la discipline que pour les chercheurs eux- mêmes ? Comment et avec quels effets cette histoire est-elle reconstruite ? Entre 1945 et 1970, les psychologues sociaux étaient avant tout occupés à élaborer les champs problématiques, les théories et les méthodologies. Il n'y avait, durant cet âge d'or, guère de besoin et peu de temps pour une activité réflexive sur sa propre pratique de recherche. La connaissance des origines de la discipline était limitée à l'histoire des filiations, telle qu 'elle a été reconstituée par Allport (1968). Cette histoire officielle avait pour objectif déclaré de proposer des fondements communs, constituants et garants d'une communauté scientifique. À cette histoire apologétique s 'oppose aujourd 'hui une autre forme d'histoire dont l'objectif plus critique interpelle les fictions majeures sous-jacentes à la discipline. On examine également la période des années 1970, l'ère des doutes, celle de la critique au cours de laquelle ont été mis en question les fondements épistémologiques constitutifs de la discipline. On défend l'idée que l'histoire critique a une fonction euristique pour le développement ultérieur de la discipline et l'on suggère quelques-uns des aspects qu'un tel travail d'investigation devrait inclure.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: SOCIETES_CONTEMPORAINES
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 16
• Langue: English
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Extrait

Erika Apfelbaum
Quelques leçons d'une histoire de la psychologie sociale/[some
teachings from the history of social psychology]
In: Sociétés contemporaines N°13, Mars 1993. pp. 13-24.
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Apfelbaum Erika. Quelques leçons d'une histoire de la psychologie sociale/[some teachings from the history of social
psychology] . In: Sociétés contemporaines N°13, Mars 1993. pp. 13-24.
doi : 10.3406/socco.1993.1096
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/socco_1150-1944_1993_num_13_1_1096Abstract
ERIKA APFELBAUM SOME TEACHINGS FROM THE HISTORY OF SOCIAL PSYCHOLOGY
Thepaperexploresthe following questions : Whileremainingdedicatedadvocates of the social
psychological enterprise, why do we simultaneously have the urge to look back at our past and reflect
on the conditions of the construction and elaboration of knowledge in social psychology ? How, and with
what effects, do we construct this history ? And what exactly is at stake, both for us and for the
discipline, when we are "doing history" ? The paper first examines the "Golden Age" (1945-1970), when
social psychologists were primarily concerned with defining their different fields and paradigms, building
their theories, and verifying hypotheses. During this period, there was little time and/or need for reflexive
thoughts on our own research practice. What was known of our roots was limited to Allport's (1954 ;
1968) "official" history, which was designed to solidify a shared way of thinking within a scientific
community and to serve as a warrantor and as a place of memory. This can be contrasted with a
second type of historical representation which demonstrates a more critical aim and starts by
questioning the underlying fundamental fictions of a discipline. The paper explores the 1970s — the
beginning of an era of doubts, critique and crisis — during which the constituted knowledge bases
started to be undermined. Such critical history, it is suggested, has a heuristic function for social
psychology, and examples are given. Finally, the question is raised about howtoconducthistorical
inquiry, especially in aproblematic framework; the development of social psychology in France is cited
as an example.
Résumé
Pour quelles raisons des chercheurs, qui restent par ailleurs entièrement partie prenante d'un projet
psycho-social, entreprennent-ils défaire l'histoire de leur discipline ? Quels sont les enjeux d 'une telle
démarche, tant pour la discipline que pour les chercheurs eux- mêmes ? Comment et avec quels effets
cette histoire est-elle reconstruite ? Entre 1945 et 1970, les psychologues sociaux étaient avant tout
occupés à élaborer les champs problématiques, les théories et les méthodologies. Il n'y avait, durant cet
âge d'or, guère de besoin et peu de temps pour une activité réflexive sur sa propre pratique de
recherche. La connaissance des origines de la discipline était limitée à l'histoire des filiations, telle qu
'elle a été reconstituée par Allport (1968). Cette histoire officielle avait pour objectif déclaré de proposer
des fondements communs, constituants et garants d'une communauté scientifique. À cette histoire
apologétique s 'oppose aujourd 'hui une autre forme d'histoire dont l'objectif plus critique interpelle les
fictions majeures sous-jacentes à la discipline. On examine également la période des années 1970,
l'ère des doutes, celle de la critique au cours de laquelle ont été mis en question les fondements
épistémologiques constitutifs de la discipline. On défend l'idée que l'histoire critique a une fonction
euristique pour le développement ultérieur de la discipline et l'on suggère quelques-uns des aspects
qu'un tel travail d'investigation devrait inclure.♦♦♦♦♦♦♦ ERIKA APFELBAUM ♦ ♦♦♦♦♦♦
QUELQUES LEÇONS D'UNE HISTOIRE
DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE1
RÉSUMÉ : Pour quelles raisons des chercheurs, qui restent par ailleurs entièrement partie
prenante d'un projet psycho-social, entreprennent-ils défaire l'histoire de leur discipline ?
Quels sont les enjeux d 'une telle démarche, tant pour la discipline que pour les chercheurs eux-
mêmes ? Comment et avec quels effets cette histoire est-elle reconstruite ?
Entre 1945 et 1970, les psychologues sociaux étaient avant tout occupés à élaborer les
champs problématiques, les théories et les méthodologies. Il n'y avait, durant cet âge d'or,
guère de besoin et peu de temps pour une activité reflexive sur sa propre pratique de recherche.
La connaissance des origines de la discipline était limitée à l'histoire desfiliations, telle qu 'elle
a été reconstituée par Allport (1968). Cette histoire officielle avait pour objectif déclaré de
proposer des fondements communs, constituants et garants d'une communauté scientifique. À
cette histoire apologétique s 'oppose aujourd 'huiune autre forme d'histoire dont l'objectif plus
critique interpelle les fictions majeures sous-jacentes à la discipline.
On examine également lapériode des années 1970, l'ère des doutes, celle de la critique au
cours de laquelle ont été mis en question les fondements épistémologiques constitutifs de la
discipline. On défend l'idée que l'histoire critique a une fonction euristiquepourle développement
ultérieur deladisciplineetl'onsuggèrequelques-unsdesaspectsqu'unteltravaild'investigation
devrait inclure.
Je voudrais proposer quelques repères pour mieux situer la place qui me semble
devoir revenir à l'histoire de la psychologie sociale et, pour ce faire, aborder, sans
prétendre les épuiser, les trois principaux aspects que cette question me semble
comporter. Pourquoi, comment et avec quels effets entreprend-t-on de faire 1 ' histoire
de sa discipline ?
s' intéressent Un premier aujourd'hui constat s'impose. aux conditions Dans de leur la constitution grande majorité, du savoir ceux en et psychologie celles2 qui
sociale, à la genèse de ses schemes d'intelligibilité, catégories de penser et
1. Cet article reprend les idées exposées dans la communication inaugurale à la première conférence
internationale sur l'histoire de la psychologie sociale (18-20 avril 1991).
2. Il suffit pour cela de relever les affiliations professionnelles et institutionnelles des intervenants à cette
conférence.
Sociétés Contemporaines (1993) n° 13 (p. 13-23)
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paradigmes, ne revendiquent pas ce statut d'historien(ne)s professionnel(le)s ; ils/
elles restent avant tout attaché(e)s à leur discipline et par conséquent sont partie
prenante d'un projet psycho-social. Il me semble donc légitime de s'interroger sur
les raisons qui les incitent, tout en continuant à «faire» la psychologie sociale, à
consacrer une part importante de leurs recherches à l'examen de ses origines et de
sa genèse. Quels sont donc les enjeux d'une telle entreprise ?
En 1984, l'historien Pierre Nora a consacré un ouvrage de plusieurs volumes aux
lieux de mémoire. En guise d'introduction, il analyse les rapports qu'entretiennent
mémoire et histoire ; cette dernière étant le résultat d'une opération intellectuelle,
d'une construction qui rend intelligible la mémoire que chacun garde des faits
passés, c'est-à-dire l'histoire vécue .11 souligne que notre époque, caractérisée par
une «accélération de l'histoire» a conduit à la fin de l'histoire-mémoire et a (de ce
fait) multiplié les mémoires particulières qui réclament leur propre histoire». Le
«passage de la mémoire à l'histoire» — dit-il encore — «fait (en quelque sorte) à
chaque groupe 1 ' obligation de redéfinir son identité par 1 a revitalisation de sa propre
histoire» et l'on constate en particulier que «chaque discipline s'est mise en devoir
de vérifier ses fondements par le parcours rétrospectif de sa propre constitution»...4
Notre préoccupation pour l'histoire de la psychologie sociale ne serait-elle donc
que la manifestation locale d'un mouvement général qui dépasserait largement le
cadre de notre discipline ? Il serait évidemment trop simpliste de prétendre réduire
notre activité de recherche historique à un simple effet de mode, même si la place
croissante que tient aujourd'hui l'histoire au sein des sciences sociales a certainement
infléchi nos façons de penser.
s' intéressant Produit du à l'histoire Zeitgeist, de elle sa propre l'est également discipline, à