Réflexions d un témoin - article ; n°3 ; vol.48, pg 691-701
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1993 - Volume 48 - Numéro 3 - Pages 691-701
Reflections of Witness.
A survivor of the Auschwitz and Bergen-Belsen camps; the author records the convergence of memories by camp survivors, stresses the opacity of program of extermination that reduced the abilities of the victimes to defend themselves, and call attention to some dangers which still threaten.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 133
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Simone Veil
Réflexions d'un témoin
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 48e année, N. 3, 1993. pp. 691-701.
Abstract
Reflections of Witness.
A survivor of the Auschwitz and Bergen-Belsen camps; the author records the convergence of memories by camp survivors,
stresses the opacity of program of extermination that reduced the abilities of the victimes to defend themselves, and call attention
to some dangers which still threaten.
Citer ce document / Cite this document :
Veil Simone. Réflexions d'un témoin. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 48e année, N. 3, 1993. pp. 691-701.
doi : 10.3406/ahess.1993.279166
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1993_num_48_3_279166DE LA MEMOIRE CONSTRUCTION
REFLEXIONS UN TEMOIN
Simone VEIL*
Je tiens tout abord remercier les organisateurs de ce colloque de
avoir invitée et de avoir ainsi donné le privilège de participer cette
réunion de travail entre historiens Naturellement je ne prétends pas im-
miscer dans vos débats car je me situe sur un plan tout fait différent Ma
réflexion sur le thème de votre rencontre est celle un témoin qui fut victime
des événements en cause et qui des années plus tard reste en permanence
soucieux en connaître et en comprendre la genèse le déroulement et les
conséquences un témoin qui cherche cependant conserver un jugement
objectif autant que cela lui soit possible
Depuis des années attends beaucoup des historiens pour nous aider dans
notre quête obsessionnelle trouver des réponses ce qui demeure largement
inimaginable et incompréhensible Nous sommes en effet passés de époque
des témoins au temps des historiens relativement peu entendus ici Sans
doute pendant longtemps leurs écrits et leurs voix auraient-ils été prématurés
les historiens ne pouvant être les premiers exprimer et porter des juge
ments Ce sont abord les politiques confrontés obligation de prendre des
positions voire des décisions qui ont eu donner leur interprétation néces
sairement soumise opportunité politique et aux pressions du moment Les
journalistes et opinion publique ont eu également leur propre vision non
exempte de subjectivité et émotivité Les historiens ne peuvent eux appré
hender les faits au jour le jour sauf en avoir une vision tronquée et par trop
imparfaite Aussi ne faut-il pas étonner mais au contraire se réjouir de leur
prudence et de la conscience mise ne pas vouloir avancer trop tôt
Mais je le dis nouveau le temps des historiens est venu et nous avons
besoin eux pour édifier ce socle de connaissances constitué par leurs travaux
qui permettront aux chercheurs au cours des siècles venir de poursuivre
cette uvre toujours inachevée est Histoire
Simone Veil ministre tat ministre des Affaires sociales de la Santé et de la Ville
ancien Président du Parlement européen été internée Auschwitz et Bergen-Belsen de
mars 1944 mai 1945
691
Annales ESC mai-juin 1993 pp 691-701 CONSTRUCTION DE LA MEMOIRE
Le point de vue que je serai amenée exprimer pourra diverger sensible
ment des vôtres 11 pas lieu en être surpris le regard et expérience
de la victime sont nécessairement limités un vécu personnel biaisé par sa
spécificité et affectivité Pourtant il ne me paraît pas inutile il en est
encore temps entendre les témoins que nous sommes avec notre propre
perception des événements et des situations selon notre sensibilité Même si
les récits des anciens déportés ne sont pas toujours concordants ne serait-ce
que parce que chacun des survivants connu une histoire personnelle et
parce que les tabous et les arrière-pensées en font partie la plupart se
rejoignent ils évoquent les sentiments ils éprouvaient en déporta
tion et la fa on dont ils appréhendent cinquante ans plus tard tant la dépor
tation que les difficultés du retour
Chaque fois que anciens déportés se rencontrent ils ne peuvent
empêcher de parler indéfiniment des camps et tous les souvenirs
remontent la surface Nous avons notre approche spécifique pour le faire
avec des sentiments où se mêlent la joie des retrouvailles étonnement
avoir survécu et angoisse que nous portons en nous de ce même miracle
est dans le rire et une forme humour noir qui choque souvent les autres
que nous échappons émotion qui nous étreint
Il me faut tout abord revenir rapidement sur quelques faits est le 27
mars 1942 que le premier convoi de Juifs quittait la France Il comprenait
1112 déportés des hommes exclusivement pour moitié des étrangers qui
venaient de Drancy après avoir été arrêtés pour la plupart le 19 août 1941
pour moitié des Fran ais tous arrêtés leur domicile le 12 décembre 1941 et
partis de Compiègne après un bref passage Drancy Parmi ces derniers
beaucoup appartenaient ce que on appelle élite intellectuels ingé
nieurs médecins avocats etc. totalement intégrés dans la société Les
étrangers en revanche dont certains étaient en France que depuis quel
ques années ou même moins vivaient le plus souvent dans des conditions
précaires confrontés des difficultés de toutes sortes absence de ressources
et de relations mauvaise connaissance du fran ais entraînant une méfiance
de la part du voisinage etc De ce convoi plus de 90 sont morts dès les
premiers mois Le Mémorial de Serge Klarsfeld précise peine un mois
après leur arrivée Auschwitz 525 étaient morts En 1945 il avait 20 sur
vivants dont 19 sont rentrés en France
Les témoignages bouleversants de ces quelques survivants ont été récem
ment recueillis par les réalisateurs du film Premier convoi présenté par la
télévision la simplicité presque la sérénité avec lesquelles ils parlent de leur
expérience et de leurs sentiments donnent leur récit une authenticité et
une violence quasi insoutenables Pour tous les anciens déportés même
ils ont fait partie un convoi beaucoup plus tardif et ont donc pas
été soumis des conditions de vie aussi effrayantes ce document traduit très
exactement leurs propres sentiments
Ce premier transport parti de France vers Est était pas la première
déportation de Juifs dans laquelle la France se trouvait impliquée Dès
automne 1940 des Juifs allemands arrêtés en Rhénanie avaient été dépor
tés en France et internés au camp de Gurs dans les Pyrénées-Orientales
camp destiné origine aux républicains espagnols époque excep-
692 VEIL TEMOIGNER
tion organisations humanitaires comme la CIMADE personne ne semble
être soucié du sort de ces Juifs allemands et ces faits sont restés quasi
inconnus Un certain nombre de ces internés sont morts Gurs les autres ont
tous été déportés Auschwitz où sans doute la plupart sont morts En raison
de leur situation particulière il en est pas fait mention dans le livre de
Serge Klarsfeld et ailleurs les éventuels survivants auraient eu aucune
raison de revenir en France en 1945
Les rafles de 1941 étaient que le prélude aux arrestations de masse dont
la rafle du Vel Hiv reste le symbole Bien elle soit uvre de policiers
fran ais agissant sous les ordres des autorités fran aises est Berlin
avait été prise la décision de déporter de France au moins 100 000 Juifs et
la Gestapo escomptait que la rafle du 16 juillet 1942 permettrait en arrêter
30 000 Il en eut environ 15 000 dans cette seule journée beaucoup
avaient été prévenus dès la veille au soir grâce des fuites venant de la police
Dès cette époque en France comme dans toute Europe occupée les
choses sont évidentes extermination des Juifs est devenue pour les auto
rités du Reich un impératif et même une priorité Et pourtant la réalisation
de ce génocide programmé comportait parfois des aspects incohérents et
absurdes voire paradoxaux difficiles encore hui comprendre ou
croire
Ainsi comment expliquer que des Juifs aient pu rester Paris la
Libération en portant étoile agissait-il de tromper la population et les
Juifs eux-mêmes en leur faisant croire que ils étaient en règle ils ne ris
quaient rien Il est vrai que pour ces cas exceptionnels qui ont durant quatre
ans couru le risque permanent être arrêtés et déportés nombreux sont
ceux qui ayant foi en ce soi-disant légalisme ont compris que trop tard le
piège qui leur avait été tendu
Le système concentratio

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