Sur l’intérêt des sciences économiques pour les travaux de thèse en droit public des contrats
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Colloque du 23 Mars 2001, à la Sorbonne, consacré aux "Sciences juridiques de l'économie? Un défi pour les économistes et juristes européens!" Organisé par le GDR de droit économique et le Ladef Sorbonne, sous le haut patronage de Monsieur Jack LANG, Ministre de l'Education Nationale. SUR L’INTERET DES SCIENCES ECONOMIQUES POUR LES TRAVAUX DE THESE EN DROIT PUBLIC DES CONTRATS Par Laurent VIDAL, Doctorant à l’Université de Paris I REDEF [Recherches En Droit Economique Francophone] – Juillet 2001 http://ladef.univ-paris1.fr/redef.html 1S’interroger sur l’intérêt des sciences économiques pour des travaux de thèse en droit public des contrats possède plusieurs vertus. La principale d’entre elles consiste à tenter de répondre favorablement à l’injonction du professeur Jean-Jacques SUEUR, pour qui les juristes ne sauraient « penser le droit à l’intérieur de frontières qu’on [leur] aura préalablement assignées en 1feignant de croire qu’elles étaient là avant que le regard du chercheur ne s’y porte. » C’est donc en tout premier lieu un souci de curiosité, à défaut d’innovation, qui incite à fixer à des travaux de recherches en droit public un cadre qui déborde les limites assignées habituellement en cette matière au droit des contrats. Au nombre des autres vertus cardinales que possède cette interrogation sur l’apport des sciences économiques, et qui, assurément, ...

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Colloque du 23 Mars 2001, à la Sorbonne, consacré aux
"Sciences juridiques de l'économie? Un défi pour les économistes et juristes européens!"
Organisé par le GDR de droit économique et le Ladef Sorbonne, sous le haut patronage
de Monsieur Jack LANG, Ministre de l'Education Nationale.
SUR L’INTERET DES SCIENCES ECONOMIQUES POUR LES TRAVAUX DE THESE
EN DROIT PUBLIC DES CONTRATS
Par Laurent VIDAL,
Doctorant à l’Université de Paris I
REDEF [Recherches En Droit Economique Francophone] – Juillet 2001
http://ladef.univ-paris1.fr/redef.html
1
S’interroger sur l’intérêt des sciences économiques pour des travaux de thèse en droit
public des contrats possède plusieurs vertus. La principale d’entre elles consiste à tenter de
répondre favorablement à l’injonction du professeur Jean-Jacques SUEUR, pour qui les juristes ne
sauraient «
penser le droit à l’intérieur de frontières qu’on
[leur]
aura préalablement assignées en
feignant de croire qu’elles étaient là avant que le regard du chercheur ne s’y porte.
»
1
C’est donc
en tout premier lieu un souci de curiosité, à défaut d’innovation, qui incite à fixer à des travaux de
recherches en droit public un cadre qui déborde les limites assignées habituellement en cette
matière au droit des contrats. Au nombre des autres vertus cardinales que possède cette
interrogation sur l’apport des sciences économiques, et qui, assurément, méritent d’être
soulignées, nul doute que figurent également la remise en cause à laquelle elle conduit ainsi que
l’audace mesurée dont elle autorise à faire preuve dans la lecture de la doctrine et de la
jurisprudence administratives.
Mais comment, plus précisément, porter brièvement témoignage, en qualité de doctorant en droit
public, spécialisé en droit des contrats, de l’intérêt des sciences économiques pour un sujet tel
que : « L’équilibre financier des contrats en droit public » ?
Pour y parvenir, deux questions doivent être résolues : pourquoi de l’économie dans une thèse sur
l’équilibre financier des contrats en droit public, et comment, si l’on ose dire, de l’économie, dans
une thèse sur l’équilibre financier des contrats en droit public.
I. « Pourquoi » de l’économie dans une thèse sur l’équilibre financier des contrats en
droit public ?
Pour répondre à cette question, il faut se demander dans un premier temps quelle est la démarche
qui a présidé à l’émergence du droit économique (
A-
) et, dans un second temps, si cette démarche
a vu le jour en droit des contrats publics et si elle a pu s’y développer (
B-
).
Arrêtons-nous d’abord sur le champ commun de l’interrogation ou sur la démarche qui a présidé à
l’émergence du droit économique.
A- Le champ commun de l’interrogation ou l’émergence du droit économique
Il faut s’autoriser à ce stade à emprunter de nouveau au professeur Jean-Jacques SUEUR. Celui-ci,
dans sa recherche sur la genèse du droit économique en France, considère que le droit économique
est né avec la «
conquête par le juriste théoricien de son autonomie
… » lorsque celui-ci a su
résoudre la crise d’identité qui affecta la doctrine juridique de l’immédiat après-guerre. En effet, à
cette époque, «
c’est dans la technique juridique positive, dans le droit tel qu’il se fait et tel qu’on
le pratique… dans le droit légiféré, jugé… que les auteurs…
[entendaient]
trouver… les réponses
aux questions qu’ils se
[posaient]. » Dès lors, et en conséquence, le «
droit économique apparaît
lorsque… le juriste désormais détenteur autorisé d’une doctrine… - étudier le droit n’équivaut pas à
faire le droit -…, s’aventure à émettre des « hypothèses » et à formuler des « lois » sur le
fonctionnement du système juridique…
»
2
A la lumière de ces propos, la question pour le droit public des contrats devient alors aisée à
énoncer : la doctrine du droit administratif des contrats est-elle parvenue à se détacher du droit tel
qu’il se fait ? La réponse à cette question implique la prise en compte, et c’est le second point, de
la spécificité de la jurisprudence administrative.
B- La spécificité de la jurisprudence administrative
La réponse à cette question doit en effet emprunter la voie d’un constat préalable : celui de la
spécificité de la jurisprudence administrative. Or cette spécificité, qui doit inciter à la plus extrême
prudence, amène à son tour à reformuler de la sorte la question posée : compte tenu de la forte
particularité du rôle du juge administratif dans la formation de la jurisprudence, le processus
« d’autonomisation » qui a présidé à la naissance du droit économique est-il transposable en droit
public des contrats ?
1
Jean-Jacques SUEUR, Droit économique et méthodologie du droit, contribution aux Mélanges en l’honneur de
Gérard FARJAT, p. 297, 1999, Éditions Frison-Roche, Paris.
2
Jean-Jacques SUEUR, contribution précitée, pp. 291 et 292.
2
On dira, pour résumer et pour simplifier, que le droit des contrats, en droit public, s’est construit
de manière différente qu’en droit privé. C’est qu’en effet, les membres de la Haute juridiction
administrative ont très tôt développé une vision économique du droit des contrats. Ils ont, de fait,
répondu aux troisième et quatrième des dix commandements qui forment, selon le professeur
Claude CHAMPAUD, le réalisme juridique, à savoir, en premier lieu, que l’étude du droit doit être
induite de la réalité et non déduite des postulats théoriques et, en second lieu, que l’étude du droit
ne saurait être détachée de celle des phénomènes économiques et sociaux, politiques et culturels
qui l’induisent.
3
Les raisons et les modalités de cette approche économique cultivée par les
membres du Conseil d'État sont difficiles à cerner. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’elle ne
relève, précisément, ni d’une micro-économie, ni d’une macro-économie. Tout au plus doit-on
relever que le juge administratif a très promptement importé, en droit des contrats, des concepts
empruntés à d’autres matières, et à l’économie en particulier.
On s’excusera de ce propos qui semble entériner une approche cloisonnée des disciplines, mais il
est incontestable que les concepts sus-évoqués, tels que le juge administratif les a fait à sa main,
ne relevaient pas à l’origine de la science juridique.
Ce faisant, on répond à la première question posée : pourquoi de l’économie en droit public des
contrats ?
En réalité, pour atteindre deux buts :
- d’abord, pour tenter de nourrir les grilles de lecture classiques de la jurisprudence du
Conseil d'État, en les rendant plus sensibles aux rapports de force que charrie depuis plus d’un
siècle la réalité économique, les membres de la Haute juridiction étant à la fois spectateurs et
acteurs de ces rapports économiques. Pour ne donner qu’un exemple, la théorie de l'imprévision,
inaugurée par le Conseil d'État dans son célèbre arrêt de 1916, «
Gaz de Bordeaux
», n’a pas été,
loin s’en faut, sans conséquences sur les rapports entre compagnies concessionnaires et
collectivités concédantes. Le professeur Hubert CHARLES n’hésite d’ailleurs pas à écrire que
«
Théoriquement le concessionnaire assume un service public à ses risques et périls. Or le droit
positif a commencé par admettre, au nom du principe de continuité, la prise en charge de l’aléa
économique par le concédant, donc par le contribuable ; c’est la théorie de l'imprévision
».
4
- ensuite, c’est le second but de l’introduction de la science économique en droit public des
contrats, pour inciter le Conseil d'État, très modestement, et sous bénéfice d’inventaire de travaux
qui restent à approfondir, à renouer avec la sensibilité économique de sa jurisprudence antérieure,
laquelle, fondée à l’époque sur des concepts assez simples, nécessite aujourd'hui, de la part des
membres de la Haute juridiction, la prise en compte d’une nouvelle complexité.
Une fois les raisons dévoilées, comment dès lors introduire de l’économie dans un travail de droit
public portant sur les contrats économiques ?
II. « Comment » de l’économie dans une thèse sur l’équilibre financier des contrats en
droit public ?
Il faut tout d’abord souligner que si beaucoup de matières, en droit public, trouveraient intérêt à
croiser leur regard avec celui de l’économie, pour autant, toutes n’y ont pas un intérêt égal. On
peut cependant affirmer, sans grande hésitation, que le droit public des contrats y a un intérêt tout
particulier.
Cependant, à la question, comment de l’économie dans une thèse de droit public, on est enclin à
répondre par l’emploi d’un adverbe de manière, à savoir, difficilement. Et ceci pour deux raisons :
en premier lieu, parce que l’introduction de l’économie en droit des contrats nécessite d’opérer un
saut conceptuel non-négligeable (
A-
), en second lieu, en raison des doutes que sont susceptibles
de nourrir les membres de la communauté des juristes de droit public à l’égard des résultats de
cette tentative (
B-
).
3
Claude CHAMPAUD, Des droits nés avec nous. Discours sur la méthode réaliste et structuraliste de
connaissance du droit, contribution aux Mélanges en l’honneur de Gérard FARJAT, p. 95, 1999, Éditions Frison-
Roche, Paris.
4
Hubert CHARLES, Peut-on parler d’une conception républicaine du droit économique français ?, contribution
aux Mélanges en l’honneur de Gérard FARJAT, p. 117, 1999, Éditions Frison-Roche, Paris.
3
A - Un saut conceptuel indispensable
L’introduction d’une dimension économique dans une thèse sur le droit des contrats, exige, soit
l’apprentissage, en cours de thèse, d’une nouvelle matière, en l’occurrence l’économie - mais
chacun sait que les contraintes qui pèsent sur le travail de thèse rendent extrêmement difficile une
telle démarche -, soit, la possession d’une double formation, en droit et en économie. On notera
d’ailleurs, incidemment, qu’une telle double formation, si elle constitue la caution d’une approche
multidisciplinaire, rallonge d’autant le cycle des études et la date d’achèvement des travaux de
thèse. C’est pourtant le prix à payer.
Pour autant, cette double formation ne saurait suffire. Doté des outils conceptuels, il faut encore
parvenir à « accoutumer », si l’on ose dire, le droit à l’économie. Autrement dit, l’écueil majeur à
éviter, est de plaquer artificiellement les concepts tirés de la science économique sur la matière
juridique. D’où l’importance de la remarque précédente sur la plus ou moins grande prédisposition
des différentes matières à une telle greffe. Or, et pour emprunter encore au vocabulaire médical,
éviter les phénomènes de rejet oblige à un travail d’accommodation considérable.
5
D’où la
première difficulté.
Mais à cette difficulté de fond s’ajoute une difficulté de forme, à savoir l’accueil réservé par la
communauté des juristes de droit public à une telle tentative d’introduction de l’économie en droit.
B- L’accueil par la communauté scientifique
A l’évidence, les spécialistes de droit public ont depuis longtemps pris acte de l’influence de
l’économie sur la formation du droit. En témoignent les ouvrages et les publications
6
consacrés au
droit public de l’économie et dont la rédaction a été entreprise il y a déjà un certain temps. Le plus
récent d’entre eux est la dernière édition de l’ouvrage du professeur Pierre DELVOLVÉ, « Droit
public de l’économie ». Dans son manuel, le professeur DELVOLVÉ définit le droit public de
l’économie comme «
le droit applicable aux interventions des personnes publiques dans l’économie
et aux organes de ces interventions, ou encore, pour faire court, le droit de l’intervention publique
en matière économique.
»
7
On voit bien à la lumière de cette définition, du moins en ce qui concerne les rapports entre droit
des contrats et économie, que l’objet de l’étude n’est pas tout à fait le même. Il ne s’agit pas en
effet, dans une thèse sur l’équilibre financier des contrats, du moins pour l’essentiel, de décrire les
modalités de l’intervention publique sur le droit des contrats, mais davantage de permettre et
d’inciter à une autre lecture des contrats. Or cette nouvelle lecture implique l’importation d’outils
économiques, parfois même d’outils économétriques et/ou, parce que l’économétrie contient une
part de mathématiques, d’outils mathématiques. C’est à ce prix seulement, croit-on, que certaines
difficultés éprouvées par le juge pourront trouver une solution.
Il n’en reste pas moins que cette approche économique n’est pas sans obstacles. Elle risque en
effet de heurter une communauté scientifique qui, légitimement, peut craindre que cette
importation en droit d’une dimension économique relève de l’artifice. Pour cette raison, on
préfèrera qualifier l’apport des sciences économiques au droit public des contrats de sensibilisation
du droit des contrats à l’économie, plutôt que de lecture économique du droit.
5
Le professeur Jean-Jacques SUEUR résume très bien cette démarche, laquelle, en son temps, a présidé à la
naissance du droit économique. Ainsi a-t-on vu le concept de droit économique
« prendre la forme d’une
revendication méthodologique confusément perçue comme le besoin de décrire certaines transformations jugées
significatives dans le droit et dans la société globale. Or, cette description passe par la prise de conscience
d’une crise des catégories, concepts, etc. de la théorie traditionnelle du droit. Cette crise, certes, ne date ni
d’hier ni d’avant-hier, mais la nouveauté consiste dans l’interprétation qui en est fournie : elle devient
constitutive de la nouvelle discipline…
», Jean-Jacques SUEUR, Droit économique et méthodologie du droit,
contribution aux Mélanges en l’honneur de Gérard FARJAT, p. 292, 1999, Éditions Frison-Roche, Paris.
6
Voir le numéro de septembre 2000 de l’A.J.D.A. consacré aux rapports entre le droit et l’économie, et, plus
particulièrement, l’article du professeur Christine BRÉCHON-MOULÈNES, La place du juge administratif dans
le contentieux économique.
7
Pierre DELVOLVÉ, Droit public de l’économie, 1998, p. 16, Dalloz, Paris.
4
Conclusion
Quoi qu’il en soit de ces difficultés, et pour conclure, on veut voir dans l’existence même de ce
programme de recherches et dans la tenue de ce colloque des raisons de persévérer. Et l’on veut
croire qu’un sujet comme l’équilibre financier des contrats est susceptible de s’enrichir au contact
de l’économie. Enfin, on espère, modestement, avoir aidé à montrer que, du point de vue du
doctorant et pour certains sujets du moins, l’enseignement conjoint du droit et de l’économie
constituait une urgente nécessité.
5
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