NOTES, COMPTE RENDUS, INFORMATIONS 155 COMPTES RENDUS DE TRAVAUX ET D’OUVRAGES « Internet et le Sénégal : compte rendu de la thèse de Thomas Guignard » par Annie CHENEAU-LOQUAY. 11La thèse que développe Thomas Guignard est la suivante . L’analyse du « contexte de connexion » montre que l’influence de l’Internet sur la société sénégalaise demeure encore très limitée et conditionnelle et que le web favorise l’intégration des internautes sénégalais dans un « système symbolique occidental ». Cette vision négative est tempérée par l’analyse de la connexion des migrants au net. L’auteur construit son propre cadre théorique car les diverses approches en sciences de l’information et de la communication ne rendent pas compte de ce qui est en effet essentiel, les jeux de pouvoir mais aussi les capacités d’hybridation des sociétés d’un pays du Tiers Monde. Il utilise tour à tour les points de vue de l’économie politique critique qui privilégie le prisme domination/dépendance à l’échelle « macro » des médias, celui plus micro des « cultural studies » qui privilégie le récepteur au détriment de l’émetteur et adopte une position intermédiaire celle de l’hybridation des identités « floues et mobiles » dans la mouvance post moderne, mais, et c’est là la grande valeur de l’analyse, sans perdre de vue le contexte politique et idéologique dominant aujourd’hui, le libéralisme avec la marchandisation du monde à laquelle toutes les « identités » sont ...
COMPTES RENDUS DE TRAVAUX ET DOUVRAGES « Internet et le Sénégal : compte rendu de la thèse de Thomas Guignard » par Annie CHENEAU-LOQUAY. La thèse que développe Thomas Guignard est la suivante 11 . Lanalyse du « contexte de connexion » montre que linfluence de lInternet sur la société sénégalaise demeure encore très limitée et conditionnelle et que le web favorise lintégration des internautes sénégalais dans un « système symbolique occidental ». Cette vision négative est tempérée par lanalyse de la connexion des migrants au net. Lauteur construit son propre cadre théorique car les diverses approches en sciences de linformation et de la communication ne rendent pas compte de ce qui est en effet essentiel, les jeux de pouvoir mais aussi les capacités dhybridation des sociétés dun pays du Tiers Monde. Il utilise tour à tour les points de vue de léconomie politique critique qui privilégie le prisme domination/dépendance à léchelle « macro » des médias, celui plus micro des « cultural studies » qui privilégie le récepteur au détriment de lémetteur et adopte une position intermédiaire celle de lhybridation des identités « floues et mobiles » dans la mouvance post moderne, mais, et cest là la grande valeur de lanalyse, sans perdre de vue le contexte politique et idéologique dominant aujourdhui, le libéralisme avec la marchandisation du monde à laquelle toutes les « identités » sont confrontées. En ce sens le choix de faire appel aux théories de lespace public parait particulièrement judicieux, car il permet de souligner à lencontre des théories post modernes de la fin des territoires, la permanence de lespace public national intimement lié au territoire ce que le cas sénégalais va démontrer. Quelques remarques critiques peuvent être formulées à propos de cette partie théorique. Laspect développement, la vision linéaire techniciste et condescendante de lOccident vis-à-vis des pays « Tiers » est bien vue et critiquée ainsi que la domination de léconomisme et de la logique quantitative par rapport à celle des cultures et de leur diversité. Lauteur parle du rôle des organismes internationaux pour diffuser cette prééminence de la mesure du développement, CNUCED et PNUD. Lanalyse aurait pu là être davantage étayée en montrant en quoi leur discours manie la « carotte et le bâton » prescription et menace, et est repris dans les discours des chefs dEtat qui ont promu ce développement Mandela, Konare et Wade). Lidée est reprise à propos du Sénégal, dans létude des discours du Président et des médias, mais sans en voir suffisamment à mon sens lorigine, or sil y a quelque part manifestation dun « impérialisme et dune « domination » et aussi manifestation dune pensée unique cest bien là quils sexpriment. A signaler, les travaux de lInstitut universitaire détudes du développement (IUED de Genève). Dans un ouvrage sur la coopération suisse, préparé pour le Sommet mondial de la société de linformation Marie Thorndal montre de façon magistrale comment la « rhétorique du numérique » appliquée à lAfrique est ce quelle appelle « une pensée business », destinée à inciter les Etats à plus de libéralisme, en privatisant leurs 11 Thomas Guignard (2007), « Le Sénégal, les Sénégalais et Internet : médias et identité », thèse en Sciences de lInformation et de la Communication soutenue à lUniversité Charles de Gaulle Lille 3 le 26 octobre 2007. Le texte se présente en deux tomes, le premier de 400 pages comprenant uniquement le texte, le second les annexes comprenant les très nombreuses illustrations. Thomas Guignard <thomas.guignard@wanadoo.fr>, en ligne sur http://www.africanti.org/IMG/memoires/theseGuignard.pdf
sociétés nationales de télécommunications, en introduisant des sociétés du nord pour séquiper, avec le mot extraordinaire de Koffi Anan, «les entreprises nont quà faire le bien pour se faire du bien » 12 . Sur la fracture numérique la critique est trop abrupte et ne tient pas compte du fait que les approches disciplinaires puissent être différentes. Il est normal que les économistes travaillent à partir dindicateurs , que les géographes fassent des cartes et traitent des infrastructures et les sociologues de la sociologie. Il ny a pas à opposer les tenants dune approche par laccès à ceux dune approche par les usages et contenus. Certes il y a plus détudes sur les accès et les infrastructures (et les économistes ont tendance à lhégémonie) ce qui est logique puisque cest un obstacle incontournable et que les usages étaient minces jusque là ; mais aujourdhui la tendance sinverse. Il y a maintenant une importante littérature en anglais sur les usages 13 . Par contre cest vrai, sur les contenus véhiculés sur Internet par les Africains il y a peu de choses et cette thèse est pionnière. Le point de vue de la domination mériterait dêtre relativisé parfois pour faire ressortir davantage loriginalité des medias sénégalais. Le Sénégal dispose par rapport aux autres pays dune presse dopinion très prisée avec son langage particulier, ses portraits, son humour qui sont incompréhensibles pour les étrangers non initiés aux multiples arcanes de la vie politique locale. Certes le Cafard libéré sinspire du style du canard enchaîné mais les contenus sont bien autochtones. Certes RFI domine mais et cest indiqué, elle a beaucoup changé et cest aussi un lieu dexpression de la diversité des opinions africaines sans équivalent. La thèse prend tout son intérêt dans la partie 3 sur Internet. Cest une étude pionnière très riche et documentée qui offre des connaissances et analyses nouvelles sur cette question très peu travaillée encore à propos des sociétés Africaines. Lauteur souligne bien les disparités géographiques dans la production de contenus. Mais les chiffres bruts sont trompeurs. A propos de la présence du Sénégal sur la toile, il convient de signaler que lanalyse est biaisée si on ne tient compte que des noms de domaine géographiques car les Africains tout particulièrement utilisent beaucoup les noms génériques, « .com » pour les entreprises « .org » pour les ONG. Il nest pas très légitime de comparer le Sénégal (10 M. dh.) à la France (62 M. dh.) quant au nombre de sites ; il faudrait raisonner en termes de taux, x noms ou sites ou utilisateurs pour 100 habitants. A propos de lévolution du nombre de sites nationaux il faut se poser la question du passage à des noms génériques considérés comme plus prestigieux par les entreprises ? On a ici une très bonne analyse de la relation Etat / citoyen qui se conforme de plus en plus à une relation entreprise / client, le côté pratique et individualiste propre à lidéologie libérale est partout prégnant plutôt que la mobilisation des citoyens pour un projet de société. Toute létude des contenus du web 14 est convaincante vue sous le prisme domination et dépendance ; la pauvreté des sites des medias, leur régression même par rapport à la fin des années 90 est dautant plus nette que les sites des acteurs occidentaux sont devenus plus nombreux et plus performants. Limpossibilité de rivaliser avec les budgets des occidentaux en est la principale raison. Lanalyse du modèle de Google, « la loi du plus fort » est très intéressante et a une portée plus large que le cas du Sénégal. Le genre de publicités 12 Par rapport à lAfrique se perpétue avec Internet une véritable idéologie de la mission civilisatrice de lOccident. Voir : les travaux de Gilbert Rist ; le numéro « Les mots du pouvoir, sens et non sens de la rhétorique internationale » de la revue Enjeux de lIUED. 13 Voir : les travaux du réseau Community informatics . 14 Sites les plus nombreux liésau tourisme, à la publicité, à linfluence des multinationales américaines
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présentes sur le web sénégalais au-delà de signes de la domination de lOccident, montre bien aussi lhomogénéisation des références dans un monde globalisé où pour Google et sa régie de publicité, ce qui compte cest le nombre de personnes qui se connectent en français ; ce sont donc les plus habiles dans ce domaine comme lUMP, qui sont les plus représentés ce qui exclut les tout petits marchés africains et aussi des expressions de la diversité française bien incapables de lutter contre les stratégies marketing des grosses structures. Au Sénégal, les inégalités territoriales existent évidemment, mais cest le pays où les connexions sont les mieux réparties sur le territoire et les moins chères et le nombre de télécentres de loin le plus élevé par rapport à la population. En ce qui concerne le téléphone mobile la couverture du territoire comprend les zones peuplées même rurales et offre de nouvelles possibilités étant donné la structure christalérienne du réseau. On peut sinterroger sur lavenir radieux dInternet sur mobile : les avis divergent . U ne vision optimiste sappuie sur lexplosion inattendue de la téléphonie mobile pour affirmer quil en sera de même pour lévolution vers Internet, évidemment dans des proportions moindres ; cest oublier en effet le rôle du prépaiement, qui correspond à une économie de détail où tout se vend par petites quantités. Pour Internet certes il y a une certaine « immunité » des Sénégalais liée au coût et à la courte durée des connexions. Le haut débit change la donne. A Dakar dans les quartiers de la classe moyenne, le cyber sincruste dans le paysage et dans les petites villes, il devient le centre de loisirs pour les jeunes le soir qui se cotisent pour les 200FCFA de lheure à payer pour venir écouter de la musique ou voir des videos, en particulier la suite des feuilletons brésiliens les plus populaires. On retrouve là des usages collectifs par petits groupes de 3 ou quatre personnes 15 . La partie sur les limites dun modèle comparatif qui fait appel aux travaux sociologiques sur les formes dappropriation et sur la dimension communicationnelle vient nuancer cette impression dune situation toujours vue comme inférieure, mais lanalyse devrait être plus appuyée sur des données empiriques. Labsence de vision critique des travaux autour des processus dappropriation, est notable. On pense à tout le travail de Dominique Cardon autour de la notion « dinnovation par lusage » en filiation avec les travaux de Michel de Certeau mais qui, avec lui débouchent sur létude des « innovations ascendantes » produites par les usagers comme les nouveaux modèles de pratiques coopératives ouvertes et partagées nées sur le web, (logiciels libres, encyclopédies ouvertes etc). Ces pratiques sopposent au web marchand et amènent à préconiser de faire des télécommunications un bien public mondial. Il est nécessaire de tenir compte des différentes échelles, du global au local dans une approche systémique et pluridisciplinaire qui prenne en compte à la fois les jeux dacteurs mais aussi la matérialité du phénomène dans un contexte géographique et socio politique donné. Létude du rôle des migrants connectés 16 est particulièrement intéressante et innovante. Elle montre la créativité des Sénégalais quand ils sont affranchis des obstacles matériels inhérents à la localisation dans le territoire national. Lauteur montre bien la création de ces nouveaux territoires de relation centrés sur une région ou un pays daccueil ou multipolaires qui transcendent les frontières géographiques mais sans les oublier. La figure du migrant connecté et de la co-présence 17 , permet de relativiser la question des identités qui peut amener à une vision manichéenne et à trop figer la réflexion.
15 Lévolution des accès, des usages et des types dinternautes est rapide et pourra faire lobjet en effet dun prochain travail. 16 Chapitre 10. 17 Voir les travaux de Dana Diminescu du groupe « TIC et migrations » de la MSH à Paris.
Cette analyse vient étayer le fait que les usages du web par les Sénégalais se font selon une dialectique que lon peut appeler dextraversion et de recentrage. Alors que les usages des Sénégalais de lintérieur sont essentiellement tournés vers la recherche dinformations et dopportunités externes au pays et que les sites crées dans le pays sont plutôt pauvres, avec pour beaucoup de jeunes lespoir du départ, pour les sénégalais de lextérieur cest linverse ; leurs pratiques du web tendent à un rapprochement avec le milieu dorigine sous les multiples formes que sont le courrier, les forums, le chat, la lecture des journaux nationaux en ligne et avec ce phénomène nouveau que sont les portails généralistes ou plus ciblés sur une communauté. Une remarque cependant : le rôle du débat politique est évoqué sans peut être que soit souligné suffisamment le niveau élevé de politisation des internautes, reflet de celui des Sénégalais en général. Thomas Guignard insiste sur limportance de ces portails mais repousse lidée émise par D. Wolton dune perte didentité et de repères. Il montre bien, ainsi, la diversité des pratiques, les internautes étant capables de mobiliser des ressources selon leurs besoins. Il pose enfin une interrogation fondamentale, celle de la dilution, du retrait des médias généralistes traditionnels au profit de nouvelles formes créées par le web. Ce travail pionnier, dune grande qualité au total, fera date dans le champ détudes sur les TIC en tout cas en ce qui concerne lAfrique. « Appropriation des NTIC. Le cas des Espaces Publics Numériques: compte rendu de la thèse de Medhi Serdidi » , par Emmanuel EVENO. Dans son approche des Espaces Publics Numériques (EPN), lauteur 18 part dune double démarche : lune remontante, relative aux usagers et aux animateurs ; lautre descendante, soulignant la question du dispositif et de lhistoire politique des TIC. Ces deux entrées sont également envisagées du point de vue de leur interrelation afin de mettre en évidence lexistence dun « dialogue possible » entre ces perspectives. Cest entre « réalité » et « appropriation », entendues comme les deux facettes dune même problématique générale, que lauteur sinterroge sur la contribution de linitiation aux TIC et sur leur apprentissage, dans lobjectif de tenter dexercer une action dans et sur le monde social. Pour ce faire, le candidat ouvre sur un mot « Mon expérience », à entendre, comme lindique Françoise Albertini 19 non pas comme une prise de parole présomptueuse mais la trace, la preuve dun engagement philosophique clairement assumé qui le conduit et lautorise à investir scientifiquement la question. En tant quanimateur, il est dès le départ un « acteur essentiel » et se sert de sa praxis pour objectiver la démarche posée comme « recherche-action ». Lobjet, sans doute ancré initialement dans les Sciences de lInformation et de la Communication, demande à être réexaminé à la lumière des deux notions empruntées à la Sciences Politique, ce qui permet en outre de remonter dans le temps et dans lespace aux sources de la Démocratie athénienne : celle de « Bien Commun » et celle de « Justice Sociale ». Lancrage de terrain permet ainsi la réflexivité et encourage la mise en uvre dune méthodologie, à linterface des Sciences Humaines et Sociales, qui entend délibérément faire une grande place à lHistoire politique. 18 Serdidi Medhi (2007), « Appropriation des NTIC. Le cas des espaces Publics Numériques ». T hèse sciences sciences de la communication, soutenue à lUniversité Paris X Nanterre, juin 2007 ; 1 vol., 608 pages, 1 DVD-Rom. Direction de Jacques Perriault. 19 Daprès lintervention en cours de soutenance de Françoise Albertini, Maître de conférences en sciences de la communication, Université de Corse.
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La posture de recherche est originale et courageuse, elle rend bien compte, pour un candidat qui a des convictions, de la nécessité de dépasser loutil, rompant de la sorte avec les travaux réalisés sur des modes mièvres et dont les retombées sont pour la plupart inexistantes. Ici, larchitecture générale est construite autour de trois points de focalisation constituant les niveaux micro, méso et macro de lanalyse, chaque niveau étant envisagé dans son interrelation à lautre. Le travail présenté repose sur une construction solide, avec des hypothèses clairement énoncées, comme a pu le souligner Anne-Marie Laulan 20 . Bien que le sujet soit ardu, le style est clair, les idées, souvent complexes, bien analysées et décomposées. Le candidat recourt fréquemment à des schémas et représentations graphiques en couleur, daspect soigné. Sur le fond, on peut remarquer que le sujet porte sur lanalyse des politiques publiques, en sappuyant sur les Espaces Publics Numériques. De longues pages, à caractère daccumulation, retracent par le menu lhistoire de la création puis des dernières années de ces Etablissements. Lintérêt historique et documentaire de ces pages (pratiquement toute une partie), est indéniable ; toutefois, la lecture en exige un effort soutenu, dautant plus quaucune « analyse » ou interprétation ou commentaire nen vient jalonner lexposé ; le lecteur est à la fois asphyxié par la surabondance mais demeure sur sa faim de commentaires. Ce travail si important par ailleurs na pu prendre en compte certaines avancées récentes dans le secteur des EPN. Cest ce que souligne Marie-Hélène Féron 21 qui pense notamment à lévolution des publics qui viennent dans les espaces (plus dadultes et de personnes âgées) et à la prise de conscience de collectivités territoriales qui aujourdhui veulent favoriser la pérennisation de ces lieux par de nouveaux programmes Elle rejoint globalement les analyses qui sont faites tant sur le rôle des animateurs, labsence de formation ou plutôt la non qualification dun grand nombre dentre eux dans le secteur de lanimation, sur labsence également de réels projets despace qui auraient du être à lorigine de la création de ces lieux qui se sont simplement alignés aux grandes orientations de sensibilisation ou encore de la prise en compte des réels besoins des utilisateurs ou usagers . La situation est bien étudiée dans toute sa complexité et sa diversité, les arguments et hypothèses avancées pour expliquer certains états de fait semblent très justes. Elle corrobore le fait que le dispositif des emplois-jeunes a eu un effet pervers certain dans lembauche de ceux qui ont été appelés des animateurs sans que soit prise en compte une formation spécifique notamment autour de lanimation. On voit aussi que ce dispositif national qui avait comme objectif lembauche et la formation de ces jeunes a quelque peu échoué dans ses objectifs. Des titres professionnels ont bien été définis mais tardivement (en 2003 pour lATIC, le dispositif EJ ayant été initié en 1998 !)qui ne correspondent pas tant au réel besoin des animateurs mais servent plutôt à justifier des fonctions qui leur sont attribuées. Idem pour le nouveau titre professionnel de 2006, le CATIC, (dont il nest pas fait mention ici) qui permet à lanimateur de sortir de son espace pour exercer des missions de maintenance et de dépannage des personnes à leur domicile. Le rôle des collectivités locales dans le financement des EPN est quelque peu passé sous silence. Même si les grandes politiques nationales et régionales ont eu le défaut dapporter essentiellement des aides au démarrage et de sappuyer sur le dispositif des emplois-jeunes pour faciliter la création de ces EPN, les collectivités locales sont pour grande partie les principaux financeurs de ces lieux. Elles étaient conscientes que laide « Emplois Jeunes » ne durerait que 5 20 Daprès lintervention en cours de soutenance dAnne-Marie Laulan, Professeur émérite de sociologie. 21 Daprès lintervention en cours de soutenance de Marie-Hélène Féron, chargée de mission à lARTESI.
ans et quensuite elles devraient prendre la relève. Ce que certaines ont fait, et cest ce qui a évité la disparition de nombreux lieux Comme le note Michel Arnaud 22 , le point de vue choisi, à savoir lanalyse des politiques publiques, atteint ses limites du fait que celles-ci nont pas donné satisfaction, au-delà de linitiation à lusage des technologies de linformation 23 . Mais avaient-elles réellement un autre objectif ? Lauteur a choisi détudier seulement les espaces publics daccès à Internet et non pas les cybercafés ou autres lieux où peuvent cohabiter secteurs public et privé. Son analyse des problèmes de financement des budgets de fonctionnement des espaces publics daccès à Internet passe sous silence les options de financement propre, que ce soit les formations payantes à destination de salariés dentreprises, les services dans le cadre de léconomie solidaire par exemple, et la multiplication des sources de revenus dorigine privé. Il faudrait observer ce qui se passe avec les ONG dans des pays qui ne disposent pas de revenus publics pour les espaces daccès à Internet et qui pourtant réussissent à offrir des services à valeur sociale ajoutée à leurs populations cibles. Lobservation des usages des TIC en dehors des espaces publics financés par les pouvoirs publics révèle des innovations intéressantes en réponse aux besoins des communautés. La notion de bien commun selon Rawls est marquée au sceau de léconomie libérale. Sous couvert de privilégier laccès direct des individus aux produits et services, il se produit un écrasement de lespace de partage et une mise en exergue de la consommation individuelle. Dautres approches existent, sappuyant sur les intérêts des communautés à travailler ensemble. La société civile sest exprimée en marge du SMSI à Genève et à Tunis pour affirmer sa conception du bien commun avec en particulier un contrôle strict de la propriété intellectuelle, le développement des logiciels libres, laccès au savoir en ligne. Des réflexions sont en cours pour létablissement dun ordre juridique mondial cherchant à contenir les excès de la mondialisation de léconomie, autant déléments à prendre en compte pour moduler les critiques relatives aux mythes véhiculées par la société de linformation. Dune manière générale, lobservation de la situation française gagnerait à être enrichie en élargissant le point de vue aux enjeux mondiaux en notant les solutions apportées dans dautres configurations culturelles, sociales et politiques. En réponse à la demande déclaircissement concernant une définition du bien commun plus en accord avec les préoccupations du candidat, celui-ci évoque les travaux de Kymlicka qui développe la dynamique communautaire comme moteur pour la satisfaction des revendications de groupe. Il sagit là, comme le remarque Emmanuel Eveno 24 , de la première thèse soutenue en France sur le sujet des Lieux dAccès Publics à Internet. En cela, ce travail constitue une contribution évidente à la recherche. Or, ce travail est laboutissement dun parcours original, il est typiquement luvre dun chercheur-acteur et contribue aussi à alimenter le débat sur la « recherche-action ». Le travail eut-il été différent si le candidat avait été plus distant de son objet de recherche ? Sans aucun doute. Lune des grandes qualités de ce travail, outre le fait quil innove en introduisant cet objet dans le champ de la recherche, tient aussi à la capacité de son auteur à objectiver les questions que pose ce dispositif. Il ne tombe donc pas dans le piège traditionnel, le « chercheur-acteur » devenant prisonnier de sa relation avec son objet. Si la réflexion est bien là, lexpérience est comme implicite. Il eut été extrêmement intéressant davoir une restitution de celle-ci, non pas sous la forme dune trajectoire rationnalisée ex-post, mais comme ingrédient de la réflexion. Cette thèse allie des études de terrain -22 Daprès lintervention en cours de soutenance de Michel Arnaud, Maître de Conférences, HDR, Université de Paris 10 Nanterre. 23 Daprès lintervention de Michel Arnaud en cours de soutenance. 24 Daprès lintervention en cours de soutenance dEmmanuel Eveno, Professeur de géographie à lUniversité de Toulouse-Le Mirail.
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remarquablement documentées - à une réflexion théorique ample et bien charpentée. Or, faire remonter lexpérience dun animateur observateur est dun apport indiscutable à la recherche, loin des discours théoriques et prophétiques dont les lecteurs sont nous sommes souvent abreuvés 25 . Le texte de M. Serdidi est avant tout un travail de professionnel de laccueil et de la sensibilisation du public aux techniques numériques : lauteur ayant une longue expérience en la matière 26 . Son principal intérêt est, selon Jacques Perriault 27 , dalimenter la réflexion universitaire en relations de pratiques issues du terrain. Que veut démontrer lauteur ? Que le dispositif EPN est rigide et mal adapté en conséquence à la diversité des situations et des compétences des intéressés. La raison essentielle selon lui est que la politique publique qui les a mis en place est basée sur la notion dintérêt général. Que propose-t-il ? Dinverser la démarche et de faire une politique remontant des aspirations des terrains. Pour cela, il fait appel aux notions de communauté et de bien commun quil va chercher dans la philosophie politique. Lintérêt principal de son travail réside toutefois dans le recueil et lexploitation des données de terrain. La partie quil consacre à lobservation des déficits de compétence de gens qui fréquentent les EPN devrait être lue et méditée par les politiques en charge de leur implantation.Son étude se découpe en trois parties. La première examine la question des compétences des animateurs au regard des différents types de fracture numérique auxquels ils sont confrontés sur le terrain. Il souligne le malaise de ce corps professionnel qui na pas de véritable identité historique constituée. Il insiste particulièrement sur la fracture sociocognitive à laquelle il sest particulièrement attaché. Elle nest effectivement observable quau niveau dune microanalyse attentive et cest là un des apports principaux de son travail. Mais il montre aussi combien les animateurs despaces publics numériques sont peu armés pour pratiquer les pédagogies nécessaires en vue dy remédier. La seconde partie traite de laptitude des espaces publics numériques à favoriser lappropriation des TIC. Il revient à M. Serdidi davoir situé cette question dans la lignée des efforts qui sont faits depuis une trentaine dannées dans ce champ. La troisième partie se concentre sur lutilisation de la notion de « bien commun » pour traiter des politiques publiques relatives aux EPN. Cette notion de bien commun ( common welfare ) est souvent ignorée en France, car elle est de tradition germanique (Coménius) et anglo-saxonne. Elle suppose lexistence de communautés (Gemeinschaften, Tönnies) qui décident quel est leur bien commun. Pour M. Serdidi, ces communautés et leurs biens communs sont pour la plupart à inventer, car la notion dEPN est fondée en sens inverse que le concept jacobin dintérêt général. Il faudrait dailleurs mettre en place une gestion de la subsidiarité. Une politique publique fondée sur le bien commun serait une politique remontante basée sur les aspirations des gens concernés. Il est vrai que ce fut le cas un temps rappelle Mehdi Serdidi - pour la Maison du Savoir de Saint Laurent de Neste. Mais en dehors de ce cas, les exemples sont rares. M. Serdidi avance une autre hypothèse intéressante, celle des « inégalités justes » de Rawls. Il a été démontré depuis longtemps que beaucoup de technologies étaient sélectives (Gilbert). Il serait intéressant en effet de coupler cette hypothèse avec cette propension et cette agilité plus ou moins grandes selon les utilisateurs à se servir des TIC. Avec le « Bien Commun », le candidat change de terrain disciplinaire et méthodologique, selon Anne-Marie Laulan 28 . Il ne sagit plus de lobservation comparée des pratiques et des politiques mises en uvre, mais dune réflexion plus abstraite, dans le registre 25 Daprès lintervention en cours de soutenance dAnne-Marie Laulan. 26 En Alsace ; à la maison des chômeurs de Nanterre ; dans lEspace 13 (Paris). 27 Daprès lintervention en cours de soutenance de Jacques Perriault, professeur en sciences de linformation et de la communication, Université de Paris X Nanterre. 28 Daprès lintervention en cours de soutenance dAnne-Marie Laulan.
juridique et éthique : « Justice sociale et nouvelle technologie » succède à « linfluence du catholicisme social », pour sachever par des interrogations concernant la justice (sans doute veut-on dire moins dinégalité) et les nouvelles technologies. Le candidat, dans sa conclusion générale, reconnaît bien quil traite de « philosophie politique » après avoir eu recours dans la deuxième partie à la sociologie et à lhistoire des techniques. Le lecteur peut se trouver déconcerté par la multiplicité des cadres de références, le caractère « acrobatique » des postures du chercheur. Mais incontestablement, les citations et renvois aux auteurs sont nombreux, les discussions critiques approfondies. Le fait que la thèse sachève par une réflexion sur le « Bien Commun » marque le cheminement du chercheur, et pose quelques questions fondamentales. La problématique de la thèse porte-t-elle sur les EPN ou sur le « Bien Commun », dont les EPN ne seraient quune expression ? Au total, cette thèse est un excellent exemple dune thèse dacteur, qui est aussi une thèse de conviction. TIC, contrôle et contestation en Afrique du Sud post-apartheid : compte rendu de la « thèse de Nicolas Pejout », par Annie CHENEAU-LOQUAY. Choisir les TIC comme objet de recherche sociologique parce que cest un « fait social total », ne va pas de soi. Ces techniques - à la fois objet et outil de recherche - ne sont pas encore intégrées à lexercice scientifique standard sans doute en partie parce quelles exigent dacquérir des connaissances qui devront évoluer au rythme du changement technique. Demblée Nicolas Péjout indique dans sa thèse 29 quil veut banaliser le regard scientifique sur les pays en voie de développement, il récuse avec raison une sociologie qui serait du « développement ». Mais le regard « banalisé »sur un pays africain comporte à linverse le risque de gommer les spécificités qui donnent sens à lanalyse. Après une introduction décrivant la méthodologie et la problématique, Nicolas Péjout présente un travail original et bien documenté, organisé en trois parties complémentaires, la nouvelle économie Sud Africaine, le gouvernement et la démocratie électronique, la construction de la société des réseaux. La réflexion sorganise autour dune question : comment les technologies de linformation et de la communication (TIC) participent elles dune part aux phénomènes de contrôle, de domination, et de discipline de la société et dautre part à linvention dune dynamique de contestation de ces phénomènes. Il justifie cet angle dapproche par le fait que la promotion des TIC est un axe central de la politique Sud Africaine dans un pays emblématique du rapport dialectique entre contrôle et contestation depuis trois siècles. Dans la première partie, la nouvelle économie est présentée dans ses différentes acceptions, par rapport au mouvement économique actuel du néo-libéralisme et en référence aux États-Unis. Nicolas Péjout montre bien en quoi consiste la rhétorique autour des TIC en LAfrique du Sud. Elle est emblématique du discours développementaliste mis en uvre dans les années quatre vingt dix par les États-Unis avec Al Gore et par les organisations internationales. Nelson Mandela a été un des chantres de ce discours Africain, avec une vision 29 Péjout Nicolas (2007), Contrôle et contestation. Sociologie des politiques et modes dappropriation des technologies de linformation et de la communication en Afrique du Sud post-apartheid , thèse de Socio-Economie du Développement, soutenue le 25 Juin 2007, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris. 736 pages. Nicolas.PEJOUT@eurogroup.fr, thèse en ligne sur http://www.africanti.org/IMG/memoires/thesepejout.pdf
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mimétique du progrès technique porté par les TIC reprise dans les discours des autres pays (Sénégal, Mali, Cap Vert etc.). Lauteur présente les racines historiques de la nouvelle économie et souligne la précocité de cette construction 30 , puis montre le degré de sophistication des secteurs industriels concernés. Lanalyse se cantonne à léchelle nationale et lauteur assume labsence dune comparaison avec dautres pays Africains. Il montre en revanche (chapitre 3) la multiplicité des politiques publiques et lintérêt des gouvernements national et régionaux pour ces technologies. La multiplication des foyers de TIC (clusters TIC) fait partie de cette politique mais leur nature et leur intérêt ne sont pas précisés demblée, on en trouve la définition plusieurs pages après la première mention à propos dun projet particulier 31 . A propos de la « durabilité sociale » lauteur traite remarquablement de lancrage social de cette nouvelle économie dans un pays marqué par le dualisme de léconomie 32 et de la société 33 (chapitre 4). Comment réduire ces distorsions et faire de la nouvelle économie un facteur de croissance et damélioration du niveau de vie moyen ? Nicolas Péjout passe en revue les différentes initiatives dans le domaine de léducation puis de la formation puis en matière de discrimination positive le « Black Economic empowerment » BEE. Il décrit la panoplie des mesures associant le secteur privé au gouvernement qui tendent à accroitre la participation des noirs à la nouvelle économie. « 62% des entreprises classées affichent un actionnariat noir inférieur à 5% ». Dans la main duvre, malgré les efforts préconisés, les noirs et surtout les femmes occupent les postes subalternes dans le secteur des TIC comme ailleurs. Lapproche critique de ce système faite dans le pays lui même est très convaincante, connexion entre la sphère politique et économique, dans un « capitalisme de copains », une nouvelle bourgeoisie noire, un constat qui amène à revoir la politique gouvernementale en élargissant lémancipation socio-économique des noirs à tous les domaines, en particulier en investissant dans les nouveaux secteurs créateurs demplois ; - la sous-traitance pour des entreprises qui délocalisent, - les centres dappel, - les efforts pour positionner le pays comme pays émergent de léconomie numérique mondiale. Cette partie est très riche dinformations et les analyses sont très bien menées sur ce secteur mais la dialectique contrôle et contestation qui veut structurer la thèse, telle que résumée dans le tableau final nest pas très convaincante. Cest dans la deuxième partie sur la « gouvernance électronique » que la thèse du contrôle et de la contestation prend tout son sens. Demblée lANC (African National congress) le parti de Nelson Mandela, a attribué un rôle éminent aux TIC dans la réorganisation de lappareil administratif et plus largement dans la construction dun nouvel État., recherche dune interopérabilité maximale, centralisation rationalisée, un état sans papier. Lauteur note lambivalence des outils ; la dynamique de rationalisation de ladministration par sa mise en réseau aboutit à renforcer la centralisation et donc la dépendance des instances provinciales. Le volet externe de la gouvernance qui concerne la relation avec lusager va jusquà créer des unités de service mobiles dans les zones peu peuplées, parce que, apprend on plus loin, les inégalités de tous ordres dans laccès obligent à en diversifier les formes. Le gouvernement fournit des informations aux citoyens et organise la participation, options de 30 « En 1977, seuls les États-Unis et la Grande Bretagne consacrent plus dargent à lachat déquipements informatiques que lAfrique du sud » p 113. 31 Ce thème aurait pu permettre daborder la question des équipements en infrastructures et celle des complémentarités entre firmes pour plus de performances. Il est bien noté que ces dynamiques génèrent une économie denclaves mieux reliée aux flux économiques mondiaux quà leur propre environnement local. 32 Economie mode e/économie « informelle, marginalisée, non qualifiée ». rn 33 « un pays deux nations », schématiquement nation blanche prospère, noire pauvre.
réactions, collecte dopinions par des fora ce que Nicolas Péjout étudie ici sous langle dune sociologie politique en ligne. Il y a là un travail très original de lauteur à propos de trois fora de discussions électronique dans des partis politiques. Il propose un guide détude de ces fora mais curieusement pas le résultat de lanalyse elle même sous prétexte que « elle ne sintègre pas dans lespace public comme espace à la fois spécifique et potentiel de contestation du pouvoir légal ». Il montre toute la naïveté réelle ou fausse de croire en une démocratie directe via les fora, « une lubrification des rapports sociaux par le sourire institutionnel » selon la belle expression de Baudrillard plutôt que la création dun espace public au sens dHabermas. Après cet exposé factuel des outils de-administration on en vient au cur de la réflexion sur la formalisation et le contrôle étatique par les TIC. La démonstration est remarquablement conduite qui montre dabord que le projet véritablement totalitaire de contrôle de la population prend sa source dans la politique de lapartheid avec lexemple extraordinaire du secteur minier. Lobjectif de fond dune utilisation des TIC en Afrique du Sud et dans le reste de lAfrique (au Sénégal) est lespoir de parvenir à « formaliser linformel » pour le contrôler et le réduire et Nicolas Péjout insiste à juste titre sur le facteur clé que constitue le non enregistrement des activités dune grande partie de la population. Un des facteurs qui pousse à senregistrer est de bénéficier de droits comme la sécurité sociale encore faut il quelle existe. La description fouillée du projet HANNIS de contrôle panoptique de la société (une véritable paranoïa du classement, un encartement 34 , de la population) amène lauteur à sinterroger sur le prix à payer pour un tel gouvernement électronique. Absence de protection de la vie privée, des fichiers interconnectés, commercialisation des données personnelles, volonté de savoir et quête de pouvoir de la part de lÉtat, la figure du « Big Brother » se profile. Avec Foucault il est souligné ici toute limportance de lobservation des dispositifs matériels, des instruments, des techniques, pour appréhender les mécanismes fins du pouvoir. La technologie doit bien être regardée dans ses deux acceptions matérielle et idéelle, pas seulement la représentation et le discours mais leurs incarnations dans le réel. Il nen reste pas moins que cest la nature du pouvoir, démocratique ou non qui conditionne lusage qui est fait de ces outils de contrôle. Le chapitre 7 sur la gouvernance de ce gouvernement électronique décrit lÉtat Sud Africain comme un État « consortium » sous le sceau dune double privatisation, interne par le biais dun partenariat public privé pour léconomie des services publics, externe, une toile institutionnelle, avec la mobilisation de réseaux privés pour construire larchitecture de gouvernement électronique. Cette privatisation délégitime lÉtat, ce qui sapparente davantage à un gouvernement indirect quà une perte de contrôle. Il sagit bien là de lélaboration permanente de nouveaux modes de pouvoir et de gouvernance, un produit en réinvention permanente. LÉtat se réduit selon Nicolas Péjout à une agence de fourniture dinformations de biens et de services, il devient un manager un froid gestionnaire avec une vision commercialisée de lart de gouverner. Productivité, compétitivité, des clients de services publics au lieu de citoyens, cette nouvelle nature de lÉtat en Afrique du Sud dépasse ce seul exemple. Un état comptable sans grand projet, un modèle de lÉtat super marché va bien au-delà de ce cas, cest en effet le paradigme dominant porté par la diffusion des TIC depuis dix ans et cest là tout lintérêt de ce travail à portée plus générale. Pour prolonger et compléter son propos sur lévolution de lÉtat Nicolas Péjout sinterroge sur la gouvernance électronique en Afrique du Sud comme modèle et dans son contexte Africain. Mais il nindique pas nettement que ce pays se pose en leader dans la promotion dune politique de renaissance Africaine et dans le NEPAD (nouveau partenariat pour le développement de lAfrique) et aussi dans la gestion des réseaux intercontinentaux. Si lAfrique du Sud adopte un modèle, « représentation située marquée au sceau de certaines valeurs », il est adapté à deux niveaux, selon lauteur celui des 34 Multiplication des cartes de tous ordres pour les individus.
NOTES, COMPTE RENDUS, INFORMATIONS
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stratégies (indigénisation) et celui des tactiques (appropriation, endogénéisation). Il pose alors une question de fonds celle de la pertinence donnée à la priorité aux TIC, et au détour on apprend que les conditions de base, électricité et alphabétisation, ne sont pas complètement satisfaites. Une autre question très peu posée, celle de la contribution des Africains au développement des techniques est abordée sous langle de ladoption des logiciels libres et de leur adaptation aux langues locales, ou lon apprend que 8,6% des Sud africains parlent anglais (comme langue quotidienne ?). Sur les manières endogènes de faire, Nicolas Péjout sinspire de lapproche théorique de De Certeau mais ne développe pas le sujet, en quoi la consommation des TIC est elle originale, quelles sont les tactiques employées pour le mobile en particulier ? En fait les services de ladministration électronique sont peu utilisés. La troisième partie, la construction de la société des réseaux cherche à voir si les TIC sont des outils démancipation sociale. La question est traitée sous langle micro, par le biais des expressions de lidentité au niveau de linteraction sociale en ligne dans trois groupes de discussion, doù il ressort que sy exprime une forte violence raciale, un défoulement favorisé par lanonymat de linternaute. Mais pourquoi ce choix ? Est-ce révélateur de linsécurité qui règne dans le monde réel ? Est-ce une forme de contestation de lordre établi ? Ce matériel est il fiable pour une enquête sociologique se demande lauteur ? En effet, ce nest quaprès quest abordée enfin la question de laccès, à partir dun échantillon de 210 personnes, la plupart habitant Soweto mais avec des références aussi à dautres études à léchelle plus globale. On apprend ainsi que 14% seulement des Sud-africains âgés de plus de seize ans soit 3,96 millions de personnes utilisent Internet en 2002 dont 6% seulement sont Noirs. Une analyse de lusage des outils matériels, clavier, souris, écran à Soweto complété par des portraits dinternautes permet de montrer la dynamique dapprentissage et les formes dappropriation. La dernière partie théorique à propos du capital technique de Bourdieu et des « capabilités » de Sen nest pas très claire, on ne voit pas nettement le continuum avec les idées de Boltanski et sa cité par projets et le diptyque contrôle et contestation apparaît ici artificiel. Pourquoi ne pas avoir étudié plutôt les journaux en ligne et leurs fora ou les modes dexpression en ligne des partis ou les radios interactives pour cerner les modes dexpression de la contestation ? Dans lensemble en fonction des choix thématiques effectués, il est clair que les TIC servent plus à des fins de contrôle que de contestation en Afrique du Sud mais là nest pas lintérêt premier de ce travail. Il réside plutôt dans la richesse de lappareil théorique qui étaye des analyses empiriques qui mobilisent toute une gamme de connaissances et dépassent le seul cas de ce pays pour une portée plus générale. Cette étude pionnière sur un pays des Suds montre que cet objet détude permet déclairer dun jour nouveau le rôle de lÉtat et les formes de gouvernance qui se développent aujourdhui pour structurer et contrôler une population surtout avec la marchandisation des activités humaines et la lutte anti terroriste. Ces outils ne sont pas neutres mais polyvalents. Ils sont trop récents encore pour que les collectifs de citoyens en mesurent bien à la fois les opportunités et les risques et sérigent-en contre pouvoirs. De telles approches devraient être multipliées, elles sont encore trop rares, les problématiques sont en effet multiples ; suivre la question des accès et de leurs enjeux pour lAfrique ; analyser les contenus au travers des sites, observer les évolutions des fractures numériques et des formes de gouvernance, développer des études sectorielles sur la « nouvelle économie » etc. Ce travail dune grande qualité et originalité devrait faire date.