Tribus ab eo quod romani trifarie fuerunt a Romulo deperditi : avatars d une étymologie isidorienne dans l Espagne médiévale - article ; n°1 ; vol.23, pg 397-411
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Tribus ab eo quod romani trifarie fuerunt a Romulo deperditi : avatars d'une étymologie isidorienne dans l'Espagne médiévale - article ; n°1 ; vol.23, pg 397-411

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Cahiers de linguistique hispanique médiévale - Année 2000 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 397-411
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 13
Langue Français
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Extrait

Vincent Serverat
Tribus ab eo quod romani trifarie fuerunt a Romulo deperditi :
avatars d'une étymologie isidorienne dans l'Espagne médiévale
In: Cahiers de linguistique hispanique médiévale. N°23, 2000. pp. 397-411.
Citer ce document / Cite this document :
Serverat Vincent. Tribus ab eo quod romani trifarie fuerunt a Romulo deperditi : avatars d'une étymologie isidorienne dans
l'Espagne médiévale. In: Cahiers de linguistique hispanique médiévale. N°23, 2000. pp. 397-411.
doi : 10.3406/cehm.2000.929
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cehm_0396-9045_2000_num_23_1_929AB EO QUOD ROMAM TRIFARIE TRIBUS
FUERUXTA ROMULO DEPERDITI:
AVATARS
D'UNE ÉTYMOLOGIE ISIDÇRIENNE
DANS L'ESPAGNE MÉDIÉVALE
Tout médiéviste en a fait l'expérience^ Plus on creuse dans le
sol de l'idéologie médiévale, plus on se trouve ramené vers ces
penseurs « cardinaux », à la charnière de l'Antiquité et des temps
médiévaux qui ont nom Boèce, Grégoire le Grand, Isidore de
Séville, etc. Cette remarque vaut aussi, et c'est l'objet même de ma
contribution, pour l'imaginaire des trois ordres, où il n'est plus
permis de postuler un mystère des origines, pas plus qu'une
solution de continuité par rapport à sa matrice indo-européenne.
I. De VUrbs à la glèbe : Isidore de Séville et Haymon
d'Auxerre
Pour la préhistoire de la tripartition médiévale, on trouve un
premier témoignage, fort vénérable, dans les très célèbres
Etymologiœ rédigées par Isidore de Séville (f 636). Au motif de son
ancienneté, il est même permis de voir dans ce passage (une
étymologie reliant le nom tribus à l'ablatif du numéral tres) l'un des
maillons fondamentaux assurant la transmission du paradigme
trifonctionnel entre l'Antiquité et les temps médiévaux :
§ 7. Tribus dicuntur tanquam curiae et congregationes distinctae
populorum, et vocatae tribus ab eo quod in principio, Romani
trifarie fuerunt a Romulo deperditi in senatoribus, militibus et
plebibus. Quae tamen tribus nunc multiplicatae nomen pristinum
retinenti.
1) Isidore de Séville, L IX, ch 4, PL 82, 349. 398 VINCENT SERVERAT
Ce passage isidorien appelle plusieurs remarques, dont la plus
fondamentale me semble être sa virtualité à la fois « sociologique »
et politique, selon une dualité qui se verra confirmée par les
modalités de sa réception médiévale. Il s'agit en premier lieu d'un
modèle d'organisation sociale, et ce dans la modalité « synthétique »,
soit un effort pour ramener la complexité du social à une
représentation très lisible, mais aussi outrancièrement simplifi
catrice. Au demeurant, l'évêque de Séville n'en est pas dupe : un
tel paradigme n'est censé refléter à ses yeux que la Rome des
origines, in príncipio, le nombre de tribus ou groupes sociaux s'étant
multiplié par la suite, selon un processus de spécialisation socio-
fonctionnelle, dont les Etymologiœ gardent la trace5*. Voilà pour le
versant que j'avais appelé « sociologique », en recourant à un
anachronisme si patent qu'il se passe de justification. Cela dit, les
trois classes de la société romaine y sont plutôt définies par des
catégories d'ordre politique et institutionnel : ce sont des curia et
congregationes distincte, des conseils et des assemblées, ce qui explique
sans doute la fortune de ce passage dans le cadre du droit politique
régissant les curies extraordinaires ou états généraux de l'époque
médiévale. Relevons, enfin, le caractère plutôt simultané de cette
partition sociale, alors que des textes postérieurs en souligneront la
succession temporelle, afin de conférer le prestige de l'ancienneté à
la classe des senatores par rapport à celle des milites.
Il faudra encore attendre deux siècles pour que le paradigme
isidorien soit appliqué, non plus à la Rome des origines mais à la
société médiévale, ce qui sera la tâche d'Haymon, moine à Auxerre
(/7.840-860), dans son Expositio in Apocalypám. Au moment de se
livrer à l'exégèse du toponyme Laodicée, tribus amabilis Deo, il se fera
l'écho, en effet, d'Isidore de Séville, mais qu'il va remanier dans un
souci assez remarquable d'acclimatation à la réalité de son temps :
les senatores y deviennent des clercs (sacerdotes), tandis que la plebs de
la Rome citadine est remplacée par les agrícola de la ruralité
médiévale. Disons au passage que la tripartition apparaît aussi
comme le modèle social du peuple d'Israël, ce qui en accroît, me
semble-t-il, la valeur légitimante :
Laodicia. Laodicea vertitur in nostra lingua tribus amabilis Deo.
A tribus scilicet ordinibus, qui forsitan erant in populo
2) II en apporte d'ailleurs la preuve tout au long de ce même chapitre (de civibus), qui est
riche de soixante-quatre définitions, après avoir consacré le précédent aux
guerriers (de milittbus), avec quelque cinquante-deux définitions : Isidore de Séville, L. IX,
ch 3 et 4, PL 82, 345-9. AVATARS D'UNE ÉTYMOLOGIE ISIDORIENNE DANS L'ESPAGNE MÉDIÉVALE 399
Judaeorum, sicut fuerunt apud Romanos, in senatoribus, scilicet,
militibus et agricolis ita et Ecclesia eisdem tribus modis partitur,
in sacerdotibus, militibus et agricultoribus, quae tribus amabilis
dicitur3.
Il revient à Georges Duby d'avoir pointé ce texte carolingien,
où il voit une ébauche préparant la théorisation, autrement plus
ambitieuse, de l'imaginaire des trois ordres chez Aldabéron de
Laon autour de 1017, ce qui place Haymon avant la filière anglo-
saxonne, d'un siècle par rapport à Aelfric (/Z.985-C.1005) et de
quelques décennies pour ce qui est d'Alfred le Grand (c.849-899).
Mais c'est Jean Batany qui a encore reculé de deux siècles les
premières versions du paradigme, en soulignant toute l'importance
qu'il convenait d'accorder au relais wisigothique, négligé par Duby,
tel qu'il se trouve formulé dans les Etymologiœ d'Isidore4. Plus
récemment, notre connaissance de cette filière — ou le « baptême »
du trifonctionnalisme — vient d'être enrichie par les apports très
notables de Dominique Iogna-Prat5.
Dans la suite de mon exposé, je vais m'intéresser à la postérité
hispanique de cette étymologie, dans une période prise entre les
siècles XIII et XV, embrassant les domaines castillan et catalan.
Avouons d'emblée qu'une telle tentative se heurte à un premier
problème, le précédent isidorien n'étant mentionné par aucun des
auteurs que nous allons passer en revue, selon toute vraisemblance,
parce que ce matériau idéologique avait été refondu dans des
ouvrages postérieurs. Sa trace n'en demeure pas moins visible, du
moins telle est mon hypothèse, dans les récits des origines romaines
qui correspondent au schéma minimum suivant : une bipolarité
senatores/ milites — à plus forte raison, s'il y est question aussi de la
plebs, — et dont on fait remonter la fondation au temps de Romulus.
Parmi les indices textuels trahissant l'origine isidorienne, il y aurait
l'emploi du terme milites^ en lieu et place $ équités au ordo equestris
sous la plume des annalistes romains".
II. L'oubli du peuple : le Tolédan et Alphonse X
Dans son Historia Rotnanorum, monseigneur de Tolède,
Rodrigue Ximenès, évoque bien entendu les origines de Rome,
3)Haymo, PL 117,953.
4) Batany, 1983, 10 et 20 n.3 ; Dumézil, 1982, 238-239.
5) Iogna-Prat, 1986, 101-126.
6) Dumézil, 1982, 238-239. 400 VINCENT SERVERAT
mais plutôt sous le mode de la bipartition, au lieu de la tripartition
sociale incluse dans le texte isidorien?. S'il mentionne la fondation
successive des senatores, au nombre de cent, et des milites, au nombre
de mille, Ximenès de Rada reste muet en revanche sur la masse de
la plebs. L'omission de l'étymologie tris/ tribus, incluant le peuple, y
est d'autant plus curieuse que le Tolédan démarque par ailleurs
Isidore, ou des vocabulistes qui en dépendent, pour la dérivation
senes/ senatores et, moins fidèlement, pour mille/miles^.
Pour cette mise à l'écart du peuple, une première raison serait
à rechercher du côté du contexte politique et i

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