Un néo-classique russe : à propos de trois lettres du prince Alexandre Beloselski - article ; n°1 ; vol.42, pg 83-95
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Un néo-classique russe : à propos de trois lettres du prince Alexandre Beloselski - article ; n°1 ; vol.42, pg 83-95

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Description

Revue des études slaves - Année 1963 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 83-95
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Alain Besançon
Un néo-classique russe : à propos de trois lettres du prince
Alexandre Beloselski
In: Revue des études slaves, Tome 42, fascicule 1-4, 1963. pp. 83-95.
Citer ce document / Cite this document :
Besançon Alain. Un néo-classique russe : à propos de trois lettres du prince Alexandre Beloselski. In: Revue des études slaves,
Tome 42, fascicule 1-4, 1963. pp. 83-95.
doi : 10.3406/slave.1963.1809
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1963_num_42_1_1809NEO-CLASSIQUE RUSSE : UN
A PROPOS DE TROIS LETTRES
DU PRINCE ALEXANDRE BELOSELSKI (1>
PAR
ALAIN BESANÇON
Pariant des Russes qu'il avait connus (2), et qui n'avaient lu que Voltaire,
Casanova rapporte dans ses Mémoires : « Je leur disais qu'il fallait lire les
livres où Voltaire avait puisé son savoir et que peut-être alors ils parviendraient
à être plus savants que lui. Je me souviens d'un sage qui à Rome me disait :
* Gardons-nous de discuter avec un homme qui n'a lu qu'un seul livre '.
Tels étaient les Russes d'alors » ^3^. A ces esprits superficiels Casanova oppose
aussitôt le prince Beloselski dont il trouve sublime la Dianyologie, un petit
essai sur l'entendement humain. Or, Beloselski est aussi l'auteur de trois dis
sertations sur les beaux-arts présentées sous la forme de lettres à une comt
esse, sans doute imaginaire (4). Hélas! dans deux de ces lettres, tout au moins,
le prince russe se montre presque entièrement l'homme d'un seul livre. Cela
est loin de leur ôter tout intérêt, mais, avant d'aller plus loin, il convient d'infli
ger à Casanova cette déception posthume.
U) Pour tout ce qui concerne l'étonnant personnage de courtisan russe et d'écrivain français
que fut le prince Beloselski, on nous permettra de renvoyer par avance à l'étude exhaustive
que M. André Mazon va mettre sous presse. La portée de la présente note est infiniment plus
modeste : nous ne parlerons que de trois textes qui vont être d'ailleurs publiés in extenso
dans l'appendice de cet important ouvrage, et sur lesquels l'auteur nous a fait l'honneur d'atti
rer notre attention et de nous demander notre sentiment. S'agissant d'une des premières contri
butions russes à l'esthétique et d'un témoignage important sur l'état du goût en Russie au temps
de Catherine, ils méritent en effet un examen particulier.
<2> Stroganov, Šuvalov.
(» Mémoires, édition de la Pléiade, Paris, 1960, N.R.F., t. III, p. 460.
(4) La date exacte de ces lettres n'est pas connue. Elles ont été certainement écrites après
le retour de Beloselski en Russie en 1794, probablement, estime André Mazon, pendant la
dernière période de la vie du prince. ALAIN BESANÇON 84
I
La plus longue des trois lettres de Beloselski constitue un petit traité d'esthé
tique, qui se divise, selon les bonnes règles de la rhétorique, en trois parties.
La première est un hors-d'œuvre, sans agencement systématique. Les
souverains ont toujours su protéger les arts; ceux-ci doivent s'inspirer de la
vérité et de la nature, des anciens et des modernes. Il faut bien distinguer le
genre populaire, bas mais agréable, et le genre vil et burlesque, toujours
révoltant comme le sont trop souvent Teniers et Rembrandt. Ici s'intercale
une digression assez longue sur l'origine et l'acception du mot Bambochade.
Des objets désagréables, mais non vils, peuvent pourtant être introduits dans
le tableau si le sujet s'y prête.
Vient alors un essai sur le Beau. Platon semble en voir le signe dans l'Amour
qui nous entraîne vers le Beau absolu et par conséquent en chercher le critère
dans le plaisir. Mais, à ce compte, le Lama aura-t-il raison de trouver belles
les dévotes Kalmouckes? Non; le beau est relatif. L'auteur, dans son enfance,
croyait le trouver dans un joujou; plus tard, dans le sourire de sa maman,
plus tard encore les traits de quelques demoiselles aperçues au bal,
dans ceux d'une jeune fille, premier et chaste amour. Le Beau n'était donc que
l'effet de la sensation, puis du sentiment, puis de l'Amour. Enfin « je vis les
filles de Niobé, la Vénus de Médicis, Antinous, l'Apollon du Belvédère, le
Laocoon, le Torse, et je compris que le beau idéal ne se trouve que dans la
nature entière et nulle part dans ses individus; que le choix seul en fait le
fondement et qu'il ne peut être mesuré et jugé que par la seule convenance... ».
« La convenance dans les arts me paraît la seule et unique source du Beau. »
Mais il ne faut surtout pas confondre « le Beau de convenance, fondé sur le
bon dans la nature, et le beau de convention fondé simplement sur les prévent
ions des gens de goût en Europe ».
La troisième partie de la lettre est occupée par une description succincte
des parties du corps humain telles qu'elles doivent être pour être belles selon
le beau de convenance : le nez, la forme du visage, les cheveux, le front, les
yeux, les cils et les sourcils, la bouche, l'oreille, les extrémités, la poitrine de
l'homme et celle de la femme.
Tout ceci, rédigé dans une langue fleurie, sinon tout à fait correcte, évoque
immédiatement des réminiscences : Diderot, Winckelmann — et donne aussi
l'impression d'un manque d'unité, de morceaux souvent ingénieux collés
arbitrairement les uns à la suite des autres. On a la curiosité de chercher les
sources possibles. Et tout s'explique si l'on considère que Beloselski, avec
désinvolture, copie par pages entières un livre qui résume les courants esthé
tiques de la fin du xvine siècle, mais un livre fabriqué en collaboration, et dont
la matière est composite, à l'occasion légèrement contradictoire. Ce livre est
le Dictionnaire des Arts de peinture, scupture et gravure, par M. Watelet,
de l'Académie française, honoraire de l'Académie royale de peinture et TROIS LETTRES DU PRINCE ALEXANDRE BELOSELSKI 85
sculpture, et M. Levesque, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
agrégé à l'Académie des Beaux- Arts de Saint-Pétersbourg (1). A Paris, 1792.
La distinction entre le populaire et le vil est empruntée à l'article Bas №.
Watelet écrit :
« Ainsi la représentation des effets de la peste doit présenter les détails les plus
affligeants, les plus pénibles, les plus rebutants : les malades que guérissent les apôtres,
les blessés et les morts répandus sur un champ de bataille; la plupart des martyrs
ou la mort tragique de plusieurs héros offrent le même caractère de bassesse, mais
tous ces sujets ont des privilèges, les uns fondés sur l'histoire et dans leur célébrité,
les autres dans les opinions reçues ou dans les cultes respectés. »
Et Beloselski écrit de son côté :
« Ainsi la représentation des œuvres de la charité, des effets de la peste, des
Malades que guérissent les Apôtres, les cadavres en convulsion dans les batailles;
des Saints-martyrs, de la résurrection de Lazarre, du Suicide de Caton, dont je possède
un si beau tableau de la main de Prete-Genovèse, offre sans doute des détails on ne
peut plus pénibles, mais rien de bas. Tous ces Sujets là ont même des privilèges de
noblesse fondés sur l'histoire, sur la religion ou même sur la moralité. »
La dissertation sur la Bambochade est résumée de l'article Bambochade (3\
Ainsi, Watelet :
« Lorsqu'on considère l'art d'un point de vue moins élevé que celui que j'ai osé
prendre à l'article Art et dans le premier Discours (4), toute imitation est estimable
si elle offre la vérité et si elle est conforme aux pratiques de la peinture. Une Bamboc
hade peinte avec la plus grande ressemblance dans les formes, dans la couleur, dans
les objets est un excellent tableau. Il vaut mieux personnellement, si l'on peut
parler ainsi, qu'un tableau de l'histoire la plus importante mal exécuté, comme un
villageois honnête, de bon sens et remplissant parfaitement son état est préférable
au plus grand seigneur qui ne se soumet à aucune convenance » (6).
Et Beloselski :
« En considérant l'Art d'un point de vue moins élevé que l'ordinaire, il faut avouer
que toute imitation est estimable si elle offre la Vérité. Et sûrement une Bambochade
peinte avec la plus grande ressemblance dans les formes et dans la couleur fa

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