Une crise ignorée : comment s est perdue la propriété ecclésiastique dans l Italie du Nord entre le XIe et le XVIe siècle - article ; n°3 ; vol.2, pg 317-327
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Une crise ignorée : comment s'est perdue la propriété ecclésiastique dans l'Italie du Nord entre le XIe et le XVIe siècle - article ; n°3 ; vol.2, pg 317-327

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1947 - Volume 2 - Numéro 3 - Pages 317-327
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1947
Nombre de lectures 27
Langue Français
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Extrait

Carlo M. Cipolla
Une crise ignorée : comment s'est perdue la propriété
ecclésiastique dans l'Italie du Nord entre le XIe et le XVIe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 2e année, N. 3, 1947. pp. 317-327.
Citer ce document / Cite this document :
Cipolla Carlo M. Une crise ignorée : comment s'est perdue la propriété ecclésiastique dans l'Italie du Nord entre le XIe et le
XVIe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 2e année, N. 3, 1947. pp. 317-327.
doi : 10.3406/ahess.1947.3307
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1947_num_2_3_3307Une crise ignorée
COMMENT S'EST PERDUE
LA PROPRIÉTÉ ECCLÉSIASTIQUE
DANS L'ITALIE DU NORD
ENTRE LE XIe ET LE XVIe SIÈCLE
En Italie, le grand domaine ecclésiastique ou le grand monastère, cen
tres d'exploitation agricole, n'ont jamais eu la même importance que
dans les pays transalpins. Aussi bien, l'historiographie italienne n'a con
sacré que peu d'études, et le plus souvent insignifiantes, à l'évolution de
la propriété ecclésiastique. Une enquête approfondie sur les vicissitudes de
la foncière ecclésiastique en Italie n'en apporterait pas moins
des éléments de grande valeur historique et des points de vue assez neufs.
Mais une telle recherche est difficile, compliquée aussi à cause de ce
très vif contraste qui, ici, sépare une fois de plus l'évolution historique
du Nord de celle du Sud de l'Italie. Il suffit d'en juger d'après les résul
tats : dans le Nord, dès le milieu du xvie siècle, l'Église ne possédait plus
que de ю à i5 pour ioo des terres ; dans le Sud, au contraire, et jusqu'à
la fin du xvin8 siècle, elle en possédera de 65 à 70 p. ioo1.
Dans l'Italie du Nord, entre le xr3 et le xvr3 siècle, donc, l'énorme
patrimoine foncier ecclésiastique, constitué durant le haut moyen âge2,
a été littéralement liquidé avec toutes les conséquences que l'on peut
imaginer à l'avance. C'est ce que l'on voudrait exposer à larges traits.
Л
Autour de l'an mil, la révolution économique (et le fait est bien
connu) se fit sentir en Italie plus violemment et plus profondément qu'ail-
!
1. Pour le Nord, v. ci-dessous, pj Зав. Pour le Sud, les données de L. iBianchot,
Delia storia délie finanze del regno di Napoh, Palermo, 1&З9, p. 193, qui se réfè
rent au milieu du XVIIIe siècle, sont exactement confirmées par les « Tableaux
historiques et statistiques des États des Princes souverains d'Italie » de 1778
{Arch. Affaires Etrang. Paris, Mém. et doc., Italie 9) : « Les a/3 des biens du
royaume sont entre les mains des ecclésiastiques et ne peuvent en sortir ; l'ali
énation en est défendue par des lois formelles. »
3. Cette étude n'est que l'amorce d'une bien plus vaste enquête. La biblio
graphie et la documentation d'archives qu'on y trouvera ne font que résumer
celles de notre prochain ouvrage sur Le origini délia moderna propriété fondiaria.
Nous tenons à exprimer notre vive reconnaissance à Lucien Febvre et à Franco
Borlandi qui ont attiré notre attention sur de nombreux points et nous ont sug
géré des observations de tout ordre. 318 ANNALES
leurs. Et, sans doute, toutes les grandes transformations qui l'accompa
gnèrent : abandon massif des campagnes au profit des villes, disparition
des corvées, affranchissement des serfs, usage croissant de la monnaie,
mobilisation plus large de la richesse, montée de nouvelles classes hostiles
aux anciens privilèges — tous ces événements menacèrent le puissant édi
fice économique de l'Église : ils ne la détruisirent pas. En général, on
s'est trop laissé impressionner par le volume croissant des dettes des églises
et des monastères après la fin du xe siècle, et l'on a cru un peu vite à une
complète faillite économique des établissements religieux, en Italie, pen
dant les deux siècles qui suivirent l'an mil1. En fait, dans plusieurs cas —
dans presque tous les cas peut-être — les dettes sur lesquelles on a tant
ergoté n'étaient, à tout prendre, que simples dettes « d'ordinaire admin
istration ». A une époque où la monnaie voyait, de jour en jour, gran
dir son rôle, les établissements religieux, riches seulement en biens fonds
ou en objets précieux, étaient obligés, en cours d'année, de contracter
des emprunts. A l'époque des récoltes, l'argent était remboursé. Aussi
bien, les monastères clunisiens de l'Italie du Nord, entre la fin du xine et
le milieu du xive siècle, étaient-ils tous plus ou moins endettés : mais
leurs abbés déclaraient se trouver dans d'excellentes conditions financièr
es. Ils avaient, à l'époque de la récolte, de quoi faire face à leurs échéanc
es : et bene habent unde possunt solvere2.
Naturellement, cette situation avait entraîné des abus. Dans plusieurs
cas, des usuriers avaient su profiter de l'inexpérience de quelques abbés,
et des monastères s'étaient ruinés. Donc, çà et là, l'édifice économique de
l'Église montrait des lézardes3. De là à parler de ruine, il y a loin.
Il est vrai, cependant, qu'après l'an mil les plus grands et les plus
riches monastères de la première moitié du moyen âge étaient bien dé
chus. Mais, si San Colombano de Bobbio, San Silvestro de iNonantola,
Santa Giulia de Brescia, San Pietro in Ciel d'oro de Pavie ne gardaient,
au xnr3 siècle, qu'un pâle souvenir de leur ancienne magnificence, d'au
tres églises, d'autres monastères, comme Chiaravalle, Staffarda, Mori-
mondo, avaient au contraire étendu leurs domaines. A temps nouveaux,
nouveaux riches. Ce que Pirenne dit des capitalistes laïques* est curieus
ement valable pour ces capitalistes d'Église.
En conclusion, prise dans son ensemble, la propriété foncière ecclé
siastique s'est maintenue plus ou moins intacte jusqu'aux premières an
nées du XIVe siècle. Elle avait toutefois ralenti, dès la moitié du xne siècle,
ses progrès. Sans doute parce que les éventuels donateurs, marchands ou
nouveaux Signoři, n'avaient ni les motifs de donner, ni la générosité, ni
surtout les ressources des anciens empereurs et des familles comtales d'aut
refois. Autres temps, autres bienfaiteurs.
D'ailleurs, à l'intérieur des domaines ecclésiastiques, des transformat
ions décisives se produisaient dans le mode d'exploitation. La réserve
i. V. surtout F. Gosso, Vita economica délie abbazie piemontesi, Roma, iq4o.
Avec quelques atténuations A. Dorbn, Italienische Wirtschaftsgeschichte, Iena,
19З4, ch. II, parag. a ; — F. Caru, JI mercato nell'età del Сотпипе, Padova,
p. 35 ; — G. Salviou, « II monachesimo occidentale e la sua storia economica »,
Rivista italiana di sociologia, ign, p. за ; — etc.
a. Bibliot. Nat. Paris, Lat. Nouv. aoq. 3370, с. ю, 11, ia, kl ', «71, c. 60, 66,
66, 73. 3. V. des exemples significatifs en F. Gosso, o. c, ; — F. Caru, о. с, р. 35.
4. H. Pirennb, « Les périodes de l'histoire sociale du capitalisme », Bull, de la
cl. des lettres de l'Académie Royale de Belgique, igi4, p. 358-99. LA PROPRIETE ECCLESIASTIQUE 319
seigneuriale, comme dans les domaines laïques, avait complètement dis
paru avec les premières années du xrv* siècle. Alors le bail à loyer fixe,
temporaire ou perpétuel, connut, sur les propriétés ecclésiastiques, une
extraordinaire .diffusion. Les fictabiles — entendez ceux qui avaient reçu
une tenure ou une maison ou un domaine ad fictum — devinrent de jour
en jour plus nombreux sur les propriétés de l'Église. Et, déguisés en fie-
tabiles, apparaissent déjà de nombreux spéculateurs...
Ce sont souvent les prêteurs d'argent : l'abbé, pour les récompenser
des prêts consentis ou les faire patienter en cas de retard pour le rembour
sement, leur donne terres et maisons à des loyers (ficta) dérisoires. Parf
ois, ce sont des potentes qui usent de leur crédit ou de leur puissance
pour se faire concéder des fermages favorables. Ou bien encore des amis
ou des parents de l'abbé qui, grâce aux liens de parenté ou d'amitié,
obtiennent de gros domaines pour des loyers très bas.
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