Violence, sport et discours médiatique. L exemple de la tragédie du Heysel - article ; n°1 ; vol.1, pg 453-471
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Sociologie de la communication - Année 1997 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 453-471
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 107
Langue Français
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Extrait

Michel de Fornel
Violence, sport et discours médiatique. L'exemple de la tragédie
du Heysel
In: Sociologie de la communication, 1997, volume 1 n°1. pp. 453-471.
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de Fornel Michel. Violence, sport et discours médiatique. L'exemple de la tragédie du Heysel. In: Sociologie de la
communication, 1997, volume 1 n°1. pp. 453-471.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_004357302_1997_mon_1_1_3853SPORT ET DISCOURS VIOLENCE,
MÉDIATIQUE
L'exemple de la tragédie du Heysel
Michel de FORNEL
Réseaux Reader CNET - 1997
453 - concernés, supporters, organisateurs, asso
ciations, familles de victimes, police, etc.
En rendant compte de tels événements et
en les analysant, les médias ont participé à
la disponibilité publique du thème de la
violence dans le sport. Les méfaits des
hooligans se sont ainsi ajoutés à la liste des
« problèmes du sport », au même titre que
les organisationnels des clubs.
Le traitement médiatique a consisté
avant tout à rapporter et à commenter de
tels événements violents en les dotant de
propriétés clairement identifiables. Ainsi,
ce qui s'est passé au stade du Heysel a été
décrit comme « l'horreur, la tragédie, le
massacre, le crime » par le présentateur du
journal de la télévision belge. L'événe
ment a été traité comme une catastrophe
collective, liée au caractère incontrôlable
des mouvements de panique d'une foule La violence dans les stades de foot
ball, en particulier celle des support de spectateurs. Les comptes rendus ont
donc porté avant tout sur l'importance du ers, est souvent abordée en réfé
nombre de « victimes innocentes » et sur rence à une série d'événements qui se sont
le bilan de la catastrophe (1). Mais l'évdéroulés ces dernières années. La tragédie
énement a aussi été relaté en considérant du Heysel constitue un de ces événements,
avant tout les responsables du drame, les et même un des plus dramatiques que le
supporters anglais, à l'origine des mouvefootball ait connu en Europe : le 29 mai
ments de panique (2). Un débat s'est im1985, lors du match de finale de la Coupe
médiatement engagé sur la nécessité de d'Europe des Clubs Champions opposant
sanctionner ces derniers. Plus généralele club de Liverpool à la Juventus de
ment, les événements violents sur les Turin, une centaine de supporters anglais
stades se sont vus associés à une catégorie chargent des supporters italiens qui occu
d'acteurs - les hooligans - responsable de pent la tribune Z. Il en résulte un mouve
ces événements. Le thème du hooliga- ment de panique qui conduit à l'écroul
nisme a été ainsi introduit dans l'agenda ement d'un pan de mur de la tribune. Les
des problèmes de société qu'il faut régulispectateurs, en majorité italiens, se retrou
èrement traiter en fonction des exigences vent bloqués entre les assaillants et les
organisationnelles (comme l'existence grillages qui bordent le terrain. Le bilan est
d'autres événements aussi importants) et de 38 morts et de 450 blessés.
de l'actualité.
Cette tragédie a été largement comment La tragédie du Heysel a été définitiv
ement rattachée à la chronique du hooliga- ée par les médias, qu'il s'agisse de l'év
énement lui-même ou de ses suites, comme nisme anglais. Les médias l'ont souvent
le procès qui a mobilisé tous les acteurs utilisée comme un cas exemplaire. Pour ne
(1) Les titres des journaux étaient les suivants : « Massacre au Heysel » (La Cité), « Scènes de panique et d'hor
reur. Heysel : plus de 40 morts » (Le Soir) ; « Mercredi noir au Heysel. Un déchaînement bestial fait plus de
40 morts » (La Libre Belgique) ; « Tragédie au Heysel. Liverpool-Juventus : 39 morts (dont 5 Belges) et 250 bles
sés à la finale de la Coupe des Champions » (La Dernière Heure) ; « Le football a tué hier soir au Heysel » (Le
Drapeau rouge) ; « Juventus-Liverpool : 36 doden ». (Het Belong Van Limburg).
(2) Le journal La Meuse-La Lanterne publie un encart en première page « Au nom de nos 400 000 lecteurs »
et supplie : « Chassez pour toujours les Anglais de nos stades » ; La Cité met en première page la formule :
« Dehors les Anglais ».
455 - sant la catégorie « hooligans ». En préprendre qu'un exemple, la chaîne
Antenne 2 diffuse, quelques années après sence d'incidents violents, il suffit d'utili
le drame, un reportage sur un spectateur de ser cette catégorie pour que l'occurrence
la tribune Z qui souffre du « syndrome de tels incidents aille de soi. Si le drame
du survivant ». Ce dernier est retourné, du Heysel garde, en tant qu'accident tr
avec une équipe de télévision, sur les lieux agique, un caractère inattendu, il s'inscrit
dans un contexte - l'activité typique d'une du drame. Son récit est entrecoupé des
catégorie d'individus - qui lui confère un commentaires du journaliste, qui prennent
typiquement la forme suivante: sens et le banalise (4).
Une telle présentation de la violence n'a
cependant émergé que progressivement (la) (Reportage A2)
dans le discours des médias. Ces der
Journaliste : ici cette bijouterie a été dé niers ont dû déterminer peu à peu la ma
valisée par les hooligans ; bracelets, che nière dont il fallait catégoriser, décrire et
commenter les scènes de violence dans les valières, alliances, tout a disparu ; mont
ant du vol, 500 000 francs ; pourtant un stades. Un des intérêts principaux que pré
poste de police est situé a 50 mètres de là. sente l'examen de la couverture médiat
ique de la tragédie du Heysel est que l'on
(1b) J : 29 mai, dix-huit heures, il fait dispose du commentaire en direct des jour
une chaleur épouvantable, tribune X les nalistes sportifs venus couvrir le match. On
hooligans, tribune Y spectateurs neutres peut y observer comment l'événement vio
essentiellement les Belges, tribune Z les lent se présente avec un caractère double
Italiens. de contingence et de surprise, opérant un
renversement de situation, de la « fête »
au « drame ». L'événement violent intro(le) J : dans le stade vide les chants
d'oiseaux ont remplacé les cris des hoo duit une discordance majeure dans le cours
ligans ; R.a retrouvé sa place ; selon les d'activité prévu. Son traitement constitue
psychologues, R. D., 33 ans, souffre de la un problème pratique pour les journal
culpabilité du survivant ; peut-être au 'en istes sportifs, qui doivent faire face à une
retournant sur les lieux du drame, pré rupture du cadre de la rencontre sportive.
cise ce rapport, il pourra dépasser cette Un tel cadre présente une stratification
complexe et la désorganisation interaction- névrose.
nelle qu'entraîne sa rupture ne se prête pas
Ces commentaires mobilisent de façon à une simple description sous forme d'im
routinière la catégorie « hooligans ». putation de responsabilités. Ce n'est que
Comme Га montré Harvey Sacks (1972), par la mise en œuvre de procédures de
l'emploi d'une d'un type donné configurations narratives particulières,
permet de mobiliser un ensemble ď infe comme celles que réalisent les journaux t
rences stéréotypiques sur un groupe du fait élévisés ou les reportages documentaires,
même que celui-ci a reçu une attribution que l'événement tragique apparaît comme
catégorielle (3). Ainsi, le commentaire n'a le résultat prévisible de l'existence des
« hooligans ». Il se présente alors avec pas besoin d'expliciter les motifs d'action
du groupe de supporters responsable du l'intelligibilité d'une histoire pourvue des
caractéristiques de nécessité et de vraisemdrame. Le comportement de ces supporters
s'explique de lui-même, à partir du mo blance propres à une narration factuelle.
ment où on réfère à ces derniers en L'étude de la violence dans les stades ne
(3) Sur l'activité ordinaire de catégorisation, Voir SACKS, 1972. Ce dernier a montré que les agents sociaux par
tagent des procédures et des méthodes de raisonnement pratique q

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