Wallace Stevens et l héritage mallarméen - article ; n°89 ; vol.25, pg 81-93
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Description

Romantisme - Année 1995 - Volume 25 - Numéro 89 - Pages 81-93
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M Jean Bessière
Wallace Stevens et l'héritage mallarméen
In: Romantisme, 1995, n°89. pp. 81-93.
Citer ce document / Cite this document :
Bessière Jean. Wallace Stevens et l'héritage mallarméen. In: Romantisme, 1995, n°89. pp. 81-93.
doi : 10.3406/roman.1995.3012
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1995_num_25_89_3012BESSIÈRE Jean
Wallace Stevens et l'héritage mallarméen
(pour relire éventuellement Sartre et Derrida)
L'héritage critique de Stéphane Mallarmé peut se lire hors d'une stricte histoire de
l'héritage du symbolisme dans les lettres du XXe siècle, et contre ce qui est la vulgate
critique de la modernité telle qu'elle est issue de Mallarmé. On retiendra de cette vul
gate critique une problématique de la fiction, une interrogation sur la visibilité de la
littérature, et la notation d'une pensée qui se veut pensée de la littérature, mais qui est
aussi pensée d'une pensée dont le XXe siècle s'attache à donner une définition et à
préciser la fonction. À partir de cette vulgate critique, contre cette vulgate critique, à
partir de deux commentaires de Mallarmé, ceux de Sartre et de Derrida, à partir des
références à Mallarmé et des réalisations littéraires qu'offre le poète américain
contemporain Wallace Steven (1879-1955), on dira un héritage critique de Mallarmé,
c'est-à-dire une manière de reprendre directement certaines leçons mallarméennes.
Ces leçons se résument dans le fait que l'entreprise poétique est une façon de situer la
poésie et la pensée même. Quels que soient les jeux argumentatifs de Stevens qui unit
explicitement poésie et fiction, quels que soient les jeux de Sartre qui
ne sépare pas la fausse obsession de la totalité qui caractérise Mallarmé d'une
approche paradoxale du Néant, quels que soient les jeux argumentatifs de Derrida qui
lit dans Mallarmé l'accomplissement de l'écriture blanche et, en conséquence, la réali
sation de l'invisibilité de la littérature, cet héritage critique et les lectures qu'il suscite
chez Stevens, Sartre et Derrida, se formulent encore en ces termes : la poésie et le
poète sont considérés selon les jeux mêmes de ce qui est hétérogène au poète, à la
poésie. Cette approche, paradoxale au regard de la vulgate critique, a d'abord pour
emblème Wallace Stevens. Wallace Stevens permettra une mise en perspective des
commentaires de Sartre et de Derrida, suivant la logique qui vient d'être dite, suivant
l'examen du statut et de cette situation de la fiction qui caractérise le poème,
ce qui se conclut, à partir de cet examen, d'une visibilité et d'une pensée de la littéra
ture.
De manière significative, la critique américaine a lu Wallace Stevens suivant deux
interprétations dominantes. Une première interprétation, particulièrement illustrée par
Harold Bloom (1977) l , place l'œuvre dans une perspective proprement américaine et
reconnaît dans le geste poétique l'aventure d'un moi qui entreprend de se donner une
parole et une destinée. Une seconde interprétation lit cette même œuvre dans une
continuité stricte avec Mallarmé (Michel Benamou, 1972) — continuité se comprend
ici comme une continuité thématique. On peut opposer à cette dualité de la réception
critique telle affirmation de Wallace Stevens, qui vaut à la fois pour une reconnaissan
ce de Mallarmé et pour l'aveu d'une influence diffuse : « On connaissait bien
Mallarmé quand j'étais beaucoup plus jeune. Mais on connaissait aussi beaucoup
d'autres poètes, par exemple Samain. Verlaine a eu une grande importance pour moi.
1. Les renvois dans le corps de l'article se rapportent à la bibliographie donnée à la fin de la contribut
ion.
Romantisme n°89 (1995-3) 82 Jean Bessière
J'aimais me répéter beaucoup de ses vers. Mais je n'ai jamais considéré de près ces
poètes. C'étaient simplement des poètes et j'étais semblable au jeune lecteur
commun » (Wallace Stevens, Letters, p. 636.). Au-delà de ses détails, ce débat, qui
n'exclut pas, paradoxalement, que l'interprétation américaine de Wallace Stevens,
telle que la conduit par exemple Harold Bloom, reprenne la vulgate critique contem
poraine issue de Mallarmé, est donc riche d'enseignements. Il est deux manières de
situer Wallace Stevens : par rapport à une tradition nationale qui dit elle-même la
manière dont se situe le poète, par rapport à une référence à Mallarmé, qui identifie
poésie et décréation, poésie et artifice symbolique. Ces deux manières de situer le
poète renvoient, dans la lecture proprement américaine, à la notation de la prévalence
du moi de l'écrivain, et, dans la lecture qui se veut fidèle à Mallarmé, à la notation de
la prévalence du négatif. Chacun de ces types d'interprétation suppose que ne soit pas
exactement lue la question que lit Wallace Stevens dans Mallarmé et qui est celle de
la situation que la poésie, le poème porteraient en eux-mêmes, par eux-mêmes. De
Mallarmé à Wallace Stevens, il pourrait être ainsi marqué une continuité qui récuse la
dualité de cette interprétation critique, et qui se noue dans la question que Wallace
Stevens retient de Mallarmé : en quoi la poésie peut-elle être elle-même et du monde,
alors qu'est retenue l'identification mallarméenne du poétique et du fictionnel : « ...le
dire, avant tout, rêve et chant, retrouve, chez le poète, par nécessité d'un art consacré
aux fictions, sa virtualité » (« Variations sur un sujet », Mallarmé, Œuvres complètes,
p. 368).
Une telle question exclut, d'une part, que Wallace Stevens retienne une hypothèse
forte du symbolisme et, d'autre part, qu'il identifie poésie et monde visible, monde de
la perception. Le rejet de l'hypothèse forte du symbolisme explique que le mot soit
identifié à la création de son monde, suivant le jeu de l'apparence qu'il choisit
(Collected Poems, p. 343). Le refus d'identifier poésie et monde visible justifie le peu
d'intérêt porté à l'imagisme d'Ezra Pound.
L'affirmation de l'autonomie stricte de la poésie, dans une ligne mallarméenne —
« La poésie est la somme de ses attributs » (Opus Posthumous, p. 166) — , est donc
indissociable du rappel de la fonction du poète — « Étudier et comprendre le monde
de la fiction » (Opus Posthumous, p. 167) — et de la reconnaissance explicite de la
fiction comme fiction — « La croyance ultime consiste dans la croyance en une fic
tion que l'on sait être une fiction » (Opus Posthumous, p. 163). Cette croyance est
inévitablement une croyance dans la poésie qui abolit toute croyance qui n'est pas
cette croyance lucide et réfléchie. L'identification de la poésie et de la fiction est ass
imilée à une manière de jeu irrationnel, dans là ligne de Mallarmé, dit Wallace Stevens
(Opus Posthumous, p. 219). Irrationnel veut dire que ce jeu est réfléchi, mais qu'il ne
suppose pas la maîtrise achevée de son propre mouvement et qu'il engage finalement
plus que la pensée. Ce jeu, poursuit Stevens qui fait à nouveau référence à Mallarmé
(Opus Posthumous, p. 221), n'exclut pas que le poète doive être possédé « par la
terre, par les hommes et par leurs engagements sur cette terre » (Opus Posthumous,
p. 229). Il y a là une ambivalence que la critique a généralement interprétée en termes
de rapports entre la poésie et la réalité. Wallace Stevens résout cette ambivalence en
reprenant, à partir de Valéry (Opus Posthumous, p. 273), la notion mallarméenne
d'acte poétique qu'il définit comme un acte de construction. Cela permet finalement
de caractériser la poésie et sa fiction comme une évidence comprise dans le cours de
la vie manifeste qui nous entoure : « L'action de l'irréel dans la réalité, c'est-à-dire
l'action de la poésie dans la vie quotidienne, ressemblerait à l'action d'une hallucination Wallace Stevens et l'héritage mallarméen 83
de l'esprit, à une réserve près [...] : les actes poétiques sont pris dans le cours de la
vie

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