Sem et Japhet, ou la rencontre du monde gréco-romain et des livres sacrés des Juifs - article ; n°1 ; vol.23, pg 55-75
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1997 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 55-75
La rencontre entre judaïsme et gréco-romanité demeure énigmatique. Pendant les trois siècles qui précèdent l'ère chrétienne, une floraison d'ouvrages Peri Ioudaiôn a fait entrer Sem dans les maisons de Japhet, alors même qu'un courant antijudaïque naissait.
Les Grecs n'ont pas lu l'histoire sainte des Septante, traduite au IIIe siècle mais à l'usage d'abord des tribunaux égyptiens. La Torah comme code juridique n'attirait guère. Pourtant les Grecs connaissaient certains contenus de ces livres, soit par les communautés juives qu'ils côtoyaient, soit par les historiens judéo-grecs écrivant pour eux une histoire à la grecque. Nourris de culture grecque, ces auteurs ont utilisé une approche — et des procédés — historiographiques grecs pour relater l'histoire juive. Cela la privait du même coup de son caractère propre et ne contribua pas à améliorer les relations des Juifs avec le monde gréco-romain.
The encounter between Judaism and Graeco-Romanity remains something of a mystery. The three hundred years before Christ saw a flourishing of works Peri Ioudaiôn which introduced Sem into the houses of Japhet, even though the same time saw a rising tide of anti-Judaism. The Greeks did not read the sacred history of the Septuagint, which was translated in the third century B.C.E., but primarily for use in the Egyptian courts of justice. The Torah held few attractions as a legal code. Nevertheless, the Greeks knew something of the content of these books, either from the Jewish communities alongside whom they lived, or from Judaeo-Greek historians who wrote history à la grecque for a Greek audience. Steeped in Greek culture, these historians used the approaches and devices of Greek historiography to relate Jewish history. The consequence of this was to deprive Jewish history of its own character, something that did not contribute to improve relations between the Jews and the Graeco-Roman world.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Nicole Belayche
Sem et Japhet, ou la rencontre du monde gréco-romain et des
livres sacrés des Juifs
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 23 N°1, 1997. pp. 55-75.
Résumé
La rencontre entre judaïsme et gréco-romanité demeure énigmatique. Pendant les trois siècles qui précèdent l'ère chrétienne,
une floraison d'ouvrages "Peri Ioudaiôn" a fait entrer Sem "dans les maisons de Japhet", alors même qu'un courant antijudaïque
naissait.
Les Grecs n'ont pas lu l'histoire sainte des Septante, traduite au IIIe siècle mais à l'usage d'abord des tribunaux égyptiens. La
Torah comme code juridique n'attirait guère. Pourtant les Grecs connaissaient certains contenus de ces livres, soit par les
communautés juives qu'ils côtoyaient, soit par les historiens judéo-grecs écrivant pour eux une histoire "à la grecque". Nourris de
culture grecque, ces auteurs ont utilisé une approche — et des procédés — historiographiques grecs pour relater l'histoire juive.
Cela la privait du même coup de son caractère propre et ne contribua pas à améliorer les relations des Juifs avec le monde
gréco-romain.
Abstract
The encounter between Judaism and Graeco-Romanity remains something of a mystery. The three hundred years before Christ
saw a flourishing of works "Peri Ioudaiôn" which introduced Sem into "the houses of Japhet", even though the same time saw a
rising tide of anti-Judaism. The Greeks did not read the sacred history of the Septuagint, which was translated in the third century
B.C.E., but primarily for use in the Egyptian courts of justice. The Torah held few attractions as a legal code. Nevertheless, the
Greeks knew something of the content of these books, either from the Jewish communities alongside whom they lived, or from
Judaeo-Greek historians who wrote history "à la grecque" for a Greek audience. Steeped in Greek culture, these historians used
the approaches and devices of Greek historiography to relate Jewish history. The consequence of this was to deprive Jewish
history of its own character, something that did not contribute to improve relations between the Jews and the Graeco-Roman
world.
Citer ce document / Cite this document :
Belayche Nicole. Sem et Japhet, ou la rencontre du monde gréco-romain et des livres sacrés des Juifs. In: Dialogues d'histoire
ancienne. Vol. 23 N°1, 1997. pp. 55-75.
doi : 10.3406/dha.1997.2326
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1997_num_23_1_2326Dialogues d'Histoire Ancienne 23/1, 1997, 55-75
SEM ET JAPHET
OU LA RENCONTRE DU MONDE GRÉCO-ROMAIN
ET DES LIVRES SACRÉS DES JUIFS
Nicole BELAYCHE
Université de Paris IV
On s'est déjà beaucoup penché sur les contacts entre Judaïsme et
hellénisme et/ou romanité1, beaucoup moins, en revanche, sur la
rencontre entre des textes considérés comme révélés et une civilisa
tion étrangère à la conception d'un Dieu transcendant, du moins dans
sa religiosité officielle. Plus exactement, les études sur la réception
des livres juifs ont soit buté sur un constat d'absence (ils ne sont pas
cités par les gréco-romains avant leur diffusion par le truchement
chrétien2), soit servi essentiellement au dossier de la datation des
traductions de la Bible hébraïque en grec.
Les trois ouvrages essentiels demeurent V. TCHERIKOVER, Hellenistic
civilization and the Jews, New York, 1959 ; M. HENGEL, Judaism and
Hellenism. Studies in their encounter in Palestine during the Early
period, Philadelphie, 1974 et MOMIGLIANO, 1979 (cf. abréviations infra).
"Il est impossible de mesurer le rôle du texte dans le mouvement de conversion ni
du reste d'apprécier l'importance de celui-ci", P. VIDAL-NAQUET, "Les Juifs
entre l'Etat et l'Apocalypse", С N ICOLET dir., Rome et la conquête du monde
méditerranéen. 2/ Genèse d'un empire, Paris, 1978,p.864;WlLL-ORRIEUX, 1986,
p. 91 et l'ensemble du dossier chez G. DORTVAL, "La Bible des Septante chez les 56 Nicole Belayche
Or, au cours des trois siècles qui précèdent l'ère chrétienne,
une floraison d'ouvrages en grec Péri Ioudaiôn a fait entrer Sem
"dans les maisons"3 de Japhet, ce qui a donc alimenté les modes de
relation entre les Juifs et les "nations". Dès 1895, Théodore Reinach,
dans la préface de ses Textes d'auteurs grecs et romains relatifs au
Judaïsme*, estimait que "déterminer ce que les Grecs et les Romains
ont pensé des Juifs, c'est expliquer le traitement qu'ils leur ont fait
subir". Plus modestement, je m'interrogerai ici sur ce que les Grecs et
les Romains ont lu des textes juifs, question qu'Eusèbe de Césarée se
posait déjà au livre IX de sa Préparation évangélique. L'examen
proposé est parti de deux travaux d'un apport inestimable. Au
moment où La Bible d'Alexandrie éditée par M. Harl et son équipe
fournit un matériau remarquable5, la collaboration d'E. Will et de
C. Orrieux a offert une réflexion stimulante sur les processus d'accul
turation qui tissent la toile de fond de ce propos6. Car, sans avoir lu
l'histoire sainte des Septante, manifestement les Grecs
connaissaient certains contenus de ses livres. Ils disposaient entre
autres des histoires d'auteurs judéo-grecs, écrites pour eux et "à la
grecque", mais qui n'ont ~ apparemment ~ pas atteint le but
escompté d'explication du Judaïsme.
Pourquoi la lecture directe des textes bibliques a-t-elle été
négligée et pourquoi les historiens juifs ont-ils échoué à donner une
image juste de leur histoire ? Notre investigation s'arrêtera au
premier siècle de notre ère. D'une part, alors, l'essentiel de la
"vulgate" païenne relative aux Juifs est fixé et l'historiographie
juive disparaît pratiquement7. D'autre part, c'est le moment où deux
événements modifient radicalement le paysage historique. Les Juifs
perdent l'ancrage national du Temple à l'issue de la première
révolte en 70 et le monde romain commence d'être confronté au
auteurs païens (jusqu'au Pseudo-Longin), Lectures Anciennes de la Bible, Cahiers
de Biblia Patristica, Strasbourg, 1, 1987, p. 9-26.
3. D'après Gn. 9,27.
4. P. IX (le recueil est désormais remplacé par GLAJJ). Pour la présentation des
sources, cf. aussi SCHÙRER, I et III 1.
5. Cf. les éditions par livre depuis La Genèse, Paris, 1986 et l'introduction
générale, M. HARL, G. DORIVAL et O. MUNNICH, La Bible grecque des Septante,
Paris, 1988.
6. 1986 et 1992. L'approche est facilitée par G. DELLING, Bibliographie zur
judisch-hellenistischen und intertestamentarischen Literatur, 1900-1965,
Berlin, 1969 etC DOGNIEZ, Bibliography of the Septuagint / de
la Septante (1970-1993), Leiden, 1995.
7. Cf. MOMIGLIANO, 1992, p. 24-26.
DHA 23/1, 1997 Sem et faphet. . . 57
christianisme qui s'ancre sur l'Ancien Testament et en assurera la
diffusion.
Comme Flavius Josèphe l'avait justement noté8, la curiosité
des Grecs envers le peuple juif est assez tardive. Bien que les pre
miers contacts remontent à l'époque perse9, les sources grecques sont
silencieuses jusqu'au IVe siècle avant notre ère10. Du fait que, selon
la conception historiographique grecque, ancienneté est synonyme de
noblesse, cela ne manqua pas de susciter une première défiance envers
ces supposés nouveaux venus11. La période alexandrine marque — qui
s'en étonnera ? — une rupture décisive. Le peuple juif entre alors,
pour plusieurs siècles, dans une entité hellénophone qui se veut
universelle. Dans un Proche-Orient hellénistique puis romain,
l'indépendance (ou l'autonomie) juive ne se maintient que du
Ile siècle avant notre ère jusqu'à Auguste12. Ces données historiques
expliquent que les auteurs grecs n'aient commencé de se préoccuper de
ce petit peuple obscur que quand il entra sur leur scène politique13 et
que les auteurs juifs se soient efforcés de se fondre dans la gréco-
romanité14.
Chronologiquement, les informations "sur les Juifs" chez les
historiens païens hellénophones sont antérieures aux présentations
rédigées par des auteurs juifs15. La documentation est, hélas,
dépendante d'auteurs postérieurs (païens, juifs et chrétiens) et se
réduit à des citations par nature fragmentaires, extraites de leur
8. G Ар. I, 60-68.
9. Cf. MOMIGLIANO, 1979, p.

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