Sorel, les Juifs et l antisémitisme - article ; n°1 ; vol.2, pg 7-36
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Description

Cahiers Georges Sorel - Année 1984 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 7-36
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Shlomo Sand
Sorel, les Juifs et l'antisémitisme
In: Cahiers Georges Sorel, N°2, 1984. pp. 7-36.
Citer ce document / Cite this document :
Sand Shlomo. Sorel, les Juifs et l'antisémitisme. In: Cahiers Georges Sorel, N°2, 1984. pp. 7-36.
doi : 10.3406/mcm.1984.883
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mcm_0755-8287_1984_num_2_1_883les Juifs et Г antisémitisme Sorel,
SHLOMO SANI>
Le lecteur contemporain des Réflexions sur la violence,
l'ouvrage de Sorel le plus connu, ne manquera pas d'être déconc
erté par une étrange réflexion. Le troisième appendice à cet
essai, rédigé en 1919, sous le titre « Pouf Lénine », comporte,
en effet, une remarque anti-juive particulièrement virulente :
« II semble que ce sont des Juifs entrés dans le mouvement
révolutionnaire qui soient surtout responsables des ordres
terroristes reprochés aux bolcheviks. Cette hypothèse me paraît
d'autant plus vraisemblable que l'intervention des Juifs dans la
république hongroise des soviets n'a pas été heureuse > *.
Une telle condamnation portée à rencontre des Juifs et de
l'esprit révolutionnaire, moins inattendue de la part de Marcel
Sembat ou de Clemenceau, dans l'atmosphère antibolchévique
de la fin de la première guerre mondiale2, revêt un aspect
d'autant plus pervers chez Sorel que celui-ci ne fait pas mystère:
du soutien qu'il porte à la Révolution soviétique.
Dans la préface écrite en 1907 pour ce même ouvrage»
Sorel avait pourtant placé la phrase suivante : «... la légende
du Juif-Errant est le symbole des plus hautes aspirations de
l'humanité condamnée à toujours marcher sans connaître le
repos > 8, qui, à maints égards, constitue une espèce de concentré
1. Réflexions sur la violence, Paris, Rivière, 1972, p. 385.
2. Voir sur ce sujet le livre de Léon Poliakov, Histoire de
l'antisémitisme, Paris, Calmann-Lévy, 3e éd., 1981, t. II, pp. 448-450.
3. Réflexions..., op. cit., p. 19. de sa philosophie sociale. Toujours dans ce même ouvrage, le
chapitre intitulé « La morale des producteurs > comprend une
intéressante comparaison entre le rôle dévolu par Sorel
à la classe ouvrière moderne et l'action du judaïsme antique
face au paganisme oriental : « La rénovation se ferait
par une classe qui travaille souterrainement et qui se sépare
du monde moderne comme le judaïsme se séparait du
monde antique > 4. Mis à part l'usage de la formule « banquiers
juifs > 5, les références aux Juifs dans les Réflexions sur la
violence, loin d'apparaître comme hostiles revêtaient le plus
souvent un caractère positif (notamment pour ce qui a trait à
la morale juive de la famille) 6.
L'absence de cohérence et la versatilité passent pour l'une
des marques de la pensée sociale et politique de Sorel. Les
variations dans l'appréciation portée sur les Juifs, dans les
Réflexions, puis dans l'appendice consacré à Lénine sont-elles
uniquement imputables aux différences de périodes ? La
réponse à cette question n'est ni simple ni unique. Il ne fait
guère de doute qu'à partir de 1906, alors qu'il achève la
rédaction des Réflexions, Sorel témoigne, notamment dans sa
correspondance, à rencontre des Juifs, d'une hostilité croissante,
qui atteindra son paroxysme vers les années 1911 et 1912 où il
participe à la rédaction de la revue conservatrice L'Indépen
dance. De plus, l'aspect du « judaïsme » qui fait l'objet d'une
appréciation positive dans les Réflexions, n'est pas le même que
celui qui est dénigré l'appendice.
En 1953 l'historien Edmund Silberner avait, au terme d'une
recherche sérieuse et exhaustive, attiré l'attention sur les
composantes antisémites relevées chez les penseurs socialistes :
de Fouriei1 et Proudhon à Marx et Bakounine ; il avait également
signalé, à ce propos, les écrits tardifs de Sorel 7. Les biographes
de Sorel n'ont guère insisté sur ce phénomène dans la mesure
où il n'apparaît que de façon marginale dans ses œuvres
maîtresses8. Il n'en demeure pas moins que ces expressions
4. Ibid., p. 296.
5.p. 66.
6. Ibid., p. 307. Voir également la remarque sur l'antisémitisme
pendant l'Affaire Dreyfus, p. 249.
7. Cf. Western Socialism and the Jewish Question, Jerusalem,
Bialik Institute, 1955, pp. 94-97 (en hébreu) et également «Anti-
Jewish Trends in French Revolutionary Syndicalism», Jewish
Social Studies, XV, juillet-octobre 1953, pp. 195-202.
8. Cf. par exemple Michael Freund, Georges Sorel Der révolu-
tinà're Konservatismus, Frankfurt am Main, V. Klostermann,
2e éd., 1972, pp. 111-112 et 348; Pierre Andreu, Notre Maître
8 anti-juives reviennent avec une relative constance dans certains
articles, et surtout dans sa correspondance. Mais un examen
attentif de ses écrits révèle la complexité de sa représentation
des Juifs et du judaïsme.
Sorel a fait référence aux Juifs et à l'antisémitisme, dans
certains de ses écrits, dès les années 1890. En 1893, il se
considère comme un socialiste et se joint à la rédaction de
L'Ere nouvelle : la première revue théorique marxiste apparue
en France ; puis en 1895, il participe également au Devenir
social qui a pris la suite de L'Ere nouvelle. Parallèlement, il
collabore activement à une autre revue du « socialisme scien
tifique » : La Jeunesse socialiste, créée à Toulouse par le jeune
Lagardelle. C'est précisément dans les pages de cette revue
qu'est paru en 1895, sous la signature «G>, un article de
Sorel intitulé : « Sémites et cléricaux > 9 (intercalé entre un
essai de Plekhanov et un extrait du Livre III du Capital).
L'article en question ne se réfère guère à Marx mais à
Renan, et son contenu peut difficilement être qualifié de
« marxiste >. Sorel, à en juger par la conclusion, s'est senti
incité à aborder la question de l'antisémitisme à cause de la
confusion régnant, selon lui, sur ce sujet, parmi les socialistes.
Il convient de rappeler, à ce propos, qu'en 1895 la gauche
politique ne s'est pas encore mobilisée en faveur du capitaine
Dreyfus condamné quelques mois auparavant. La presse social
iste est parsemée d'allusions anti-juives. A. Régnard avait
publié cinq ans plus tôt son livre Aryens et sémites, un recueil
d'articles parus antérieurement dans la Revue socialiste. En
1894, était paru un livre de Bernard-Lazare consacré à
l'antisémitisme caractérisé par un mélange de judéophilie et de
judéophobie. En février 1895 une recrudescence d'actes anti
sémites s'était produite en Algérie, et Viviani avait cru devoir"
vilipender, à la Chambre des députés, la « tyrannie juive »
régnant dans la colonie française. En avril, Jaurès rapportede
cette contrée, où l'antisémitisme bat son plein, un lot d'im
pressions peu favorables sur les Juifs là-bas. H ne fait donc
M. Sorel, Paris, Grasset, 1953, pp. 80-81 ; Irving Louis Horowitz,
Radicalism and the Revolt against Reason. The Social Theories
of Georges Sorel, Illinois, Arcturus Books, 2e éd., 1968, pp. 39-41 ; Goriely, Le Pluralisme dramatique de Georges Sorel,
Paris, Rivière, 1962, p. 223 et dernièrement John L. Stanley, The
Sociology of Virtue. The Political and Social Theories of Georges
Sorel, Berkeley, University of California Press, 1981, pp. 288-289.
9. La Jeunesse socialiste, I, juillet 1895, pp. 325-328. guère de doute que le mouvement socialiste, toutes tendances
confondues, a subi l'influence de l'antisémitisme moderne qui
connaît un nouvel avatar à partir des années 1880 10.
Dans son article « Sémites et cléricaux », Sorel souhaite
montrer aux socialistes quelles sont les sources de l'ant
isémitisme. « Tous les bons jeunes incapables de gagner leur
vie par le travail, n'ayant pour toute marchandise à offrir que
des épithètes redondantes, sont des ennemis de la culture
scientifique : c'est là un fait qu'il est essentiel de noter, car il
joue un rôle considérable dans l'antisémitisme » ll. Ainsi,
présente-

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