Éducation et mobilité sociale : la situation paradoxale des générations nées dans les années 1960 - article ; n°1 ; vol.410, pg 23-45
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Economie et statistique - Année 2007 - Volume 410 - Numéro 1 - Pages 23-45
Éducation et mobilité sociale: la situation paradoxale des générations nées dans les années 1960
Les difficultés rencontrées par les générations nées dans les années 1960 ont été illustrées par de nom¬ breux travaux qui soulignent notamment l'existence d'inégalités entre les générations, en termes de salaire ou de mobilité en cours de carrière. De telles inégalités, au détriment des générations nées au tournant des années 1960, apparaissent également lorsque l'on mesure l'évolution des flux de mobilité Intergénérationnelle au fil des cohortes de naissance successives. En effet, si la part des individus qui par¬ viennent à s'élever au-dessus de la condition de leurs parents demeure toujours supérieure à celle des déclas sés, l'écart entre les deux flux diminue considérable ment: en 2003, parmi les 35-39 ans, les ascendants ne sont plus que 1,4 fois plus nombreux que les descen¬ dants. Cette dégradation des perspectives de mobilité sociale est généralisée aux enfants de toutes les origi¬ nes sociales. Pour les individus issus des classes popu¬ laires, les trajectoires ascendantes sont plus rares, et pour ceux nés dans des milieux sociaux plus favorisés, les trajectoires descendantes se multiplient. Cette dégradation s'explique par des raisons structurel¬ les (sous l'effet des difficultés économiques, la structu re sociale s'élève moins rapidement vers le haut). Pour autant, elle est paradoxale car le niveau d'éducation de ces générations est sans précédent. Ces deux évolu¬ tions contradictoires amènent à questionner l'évolution au fil des générations du poids du diplôme dans le sta¬ tut social atteint. L'affaiblissement du lien entre diplôme et position sociale est mis en évidence, ce qui remet en cause l'idée de l'avènement progressif d'une société plus méritocratique.
Education and Social Mobility: The Paradox of the 1960s Generation
The difficulties encountered by people born in the 1960s have been illustrated by many works which particularly emphasise generational inequalities, in terms of salary or career mobility. Such inequalities, which are more marked for people born at the turn of the 1960s, are also evident when we measure the changing flows of intergenerational mobility in successive birth cohorts. Indeed, while the proportion of individuals who manage to improve on the situation of their parents is still higher than the pro¬ portion of those who do worse, the gap between the two is diminishing considerably: in 2003, there were only 1.4 times more people who increased their social status than those whose social status declined. The falling prospects for social mobility affect children from all social backgrounds. Upwards trajectories are rarer among working-class people, and downwards trajec¬ tories are becoming more common among individuals from more comfortable backgrounds. This can be explained by structural factors (as a result of economic difficulties, the social structure is pulled upwards more quickly). Nevertheless, the situation is paradoxical because these generations enjoy unprec¬ edented levels of education. These two contradictory changes call into question the changing importance attached to qualifications over the years as a measure of social status. The weakening link between qualifica¬ tions and social position is highlighted, casting doubt on the notion of the gradual advent of a more merito¬ cratic society.
Bildung und soziale Mobilität: paradoxe Situation der in den 1960er Jahren geborenen Generationen
Die Schwierigkeiten, mit denen die in den 1960er Jahren geborenen Generationen konfrontiert sind, werden durch zahlreiche Arbeiten belegt, in denen insbesondere das Vorhandensein von Ungleichheiten zwischen den Generationen im Hinblick auf die Entlohnung oder die Mobilität während der Berufslaufbahn herausgestellt wird. Solche Ungleichheiten, die zu Lasten der Anfang der 1960er Jahre geborenen Generationen gehen, treten ebenfalls auf, wenn man die Entwicklung der Mobilitätsströme der einzelnen Generationen in Bezug auf die sukzessiven Geburtenkohorten misst. Der Anteil der Individuen, denen verglichen mit ihren Eltern ein sozialer Aufstieg gelingt, liegt zwar nach wie vor über demjenigen der Absteiger das Gefälle zwischen beiden Strömen nimmt aber erheblich ab: Im Jahr 2003 sind unter den 35bis 39-Jährigen nur noch 1,4-mal mehr Aufsteiger als Absteiger. Diese Verschlechterung der Aussichten auf soziale Mobilität trifft auf die Kinder aller sozialen Schichten zu. Bei den Individuen aus den unteren Schichten ist ein sozialer Aufstieg seltener, und bei denjenigen aus wohlhabenderen sozialen Schichten nimmt der Abstieg zu. Zurückzuführen ist diese Verschlechterung auf strukturelle Gründe (wegen der wirtschaftlichen Schwierigkeiten verlangsamt sich der soziale Aufstieg). Sie ist indes paradox, da diese Generationen ein bis¬ lang einzigartiges Bildungsniveau haben. Diese beiden widersprüchlichen Entwicklungen werfen die Frage auf, welche Bedeutung dem Diplom beim erreichten sozialen Status im Laufe der Generationen zukommt. Deutlich wird die Abschwächung der Beziehung zwis¬ chen Diplom und sozialer Stellung, was die Vorstellung der Entstehung einer meritokratischeren Gesellschaft in Frage stellt.
Educación y movilidad social: la situación paradójica de las generaciones nacidas en los años 60
Numerosos trabajos que destacan en especial la exis tencia de desigualdades entre las generaciones en tér minos de salario o movilidad a lo largo de la carrera, han ¡lustrado las dificultades encontradas por las genera ciones nacidas en los años 60. Semejantes desigualdades, en detrimento de las gene¬ raciones nacidas en torno a los años 60, aparecen también cuando se mide la evolución de los flujos de movilidad intergeneracional al cabo de las cohortes de nacimiento sucesivas. En efecto, si la parte de los individuos que consiguen elevarse por encima de la condición de sus padres sigue siendo superior a la de los desarraigados sociales, la diferencia entre ambos flujos disminuye considerablemente: en 2003, entre los 35-39 años, los ascendentes sólo son 1,4 veces más numerosos que los descendientes. Esta degradación de las perspectivas de movilidad social es generalizada para los niños de todos los orígenes sociales. Para los individuos procedentes de las clases populares, las trayectorias ascendentes son más raras y, para los nacidos en medios sociales más favorecidos, las tra¬ yectorias descendientes se multiplican. Esta degradación se explica por razones estructura¬ les (bajo el efecto de las dificultades económicas, la estructura social se eleva a menor velocidad). Y sin embargo es paradójica, ya que el nivel de educación de estas generaciones es sin precedente. Ambas evolucio nes contradictorias plantean la pregunta de la evolución al filo de las generaciones, del peso del diploma en el estatuto social alcanzado. El debilitamiento de la rela¬ ción entre diploma y posición social es evidente, lo que cuestiona la idea del advenimiento progresivo de una sociedad más meritocrática.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 122
Langue Français

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SOCIÉTÉ
Éducation et mobilité sociale : la situation paradoxale des générations nées dans les années 1960 Camille Peugny*
Les difficultés rencontrées par les générations nées dans les années 1960 ont été illus-trées par de nombreux travaux qui soulignent notamment l’existence d’inégalités entre les générations, en termes de salaire ou de mobilité en cours de carrière. De telles inégalités, au détriment des générations nées au tournant des années 1960, apparaissent également lorsque l’on mesure l’évolution des fl ux de mobilité intergéné-rationnelle au fil des cohortes de naissance successives. En effet, si la part des individus qui parviennent à s’élever au-dessus de la condition de leurs parents demeure toujours supérieure à celle des déclassés, l’écart entre les deux fl ux diminue considérablement : en 2003, parmi les 35-39 ans, les ascendants ne sont plus que 1,4 fois plus nombreux que les descendants. Cette dégradation des perspectives de mobilité sociale est géné-ralisée aux enfants de toutes les origines sociales. Pour les individus issus des classes populaires, les trajectoires ascendantes sont plus rares, et pour ceux nés dans des milieux sociaux plus favorisés, les trajectoires descendantes se multiplient. Cette dégradation s’explique par des raisons structurelles (sous l’effet des diffi cultés économiques, la structure sociale s’élève moins rapidement vers le haut). Pour autant, elle est paradoxale car le niveau d’éducation de ces générations est sans précédent. Ces deux évolutions contradictoires amènent à questionner l’évolution au fi l des générations du poids du diplôme dans le statut social atteint. L’affaiblissement du lien entre diplôme et position sociale est mis en évidence, ce qui remet en cause l’idée de l’avènement pro-gressif d’une société plus méritocratique.
* L’auteur appartient au laboratoire de Sociologie quantitative du Crest-Insee. L’auteur tient à remercier les rapporteurs de la revue pour leurs conseils qui ont permis d’améliorer cet article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 410, 2007
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D amnesnléessapnanréedses19s9o0c,idoleongouemsbreetuxdetrsavéacuox-caonnnsééeqsue1n9c6e0sdporiovleonntgéeensdoeutlraecfraiisreeéfcaocneoamuix-nomistes soulignent l’importance de la prise que qui, au milieu des années 1970, met fi n à la en compte de la génération de naissance dans forte croissance. Deux dynamiques paradoxales l’étude du processus de stratifi cation sociale. semblent ainsi coexister : le devenir des généra-Chauvel (1998a) a ainsi démontré la manière tions nées dans les années 1960 s’obscurcit en dont les générations successives peuvent connaî- dépit de l’élévation continue du niveau d’édu-tre des dynamiques opposées. L’introduction de cation. L’histoire de l’expansion scolaire laisse la génération de naissance dans l’analyse per- certes entrevoir deux brusques accélérations met plus généralement aux travaux empiriques dans le rythme de diffusion des diplômes, mais de souligner la dégradation des perspectives l’augmentation des taux de scolarisation est une des générations nées autour des années 1960, réalité sur l’ensemble de la période (Chauvel, en termes de salaire (Baudelot et Gollac, 1997 ; 1998b ; Thélot et Vallet, 2000). C’est alors la Koubi, 2004b), de trajectoire professionnelle question complexe du lien entre diplôme et (Koubi, 2004a) ou d’insertion dans la vie active position sociale qui est posée. L’évolution de (Baudelot et Establet, 2000). ce lien est éclairante en ce qu’elle questionne le degré de méritocratie de la société. 1 Cet article se propose d’appliquer cette méthode à la mesure des flux de mobilité sociale, pers-pective ouverte dès le début des années 1980 La mobilité sociale : par Thélot (1983) mais peu systématisée par la suite. Comment évoluent les perspectives un mouvement global de mobilité sociale des générations successi-de moins en moins positif ves (1) ? En réalité, les diffi cultés des généra-tions nées autour des années 1960 illustrées par ’ les travaux précédemment cités laissent entre- u voir des éléments de réponse. Si les individus L E t m il p i l s o a i tiodnedleIcnisneqeé(d1it9i8o3n,sd1e98l8,en1q9uê9t3e,nés au lendemain de la seconde guerre mon- 1998 et 2003), dont la compilation autorise diale ont profité de la diffusion massive du sala-riat moyen et supérieur amenée par les Trente glorieuses pour s’élever fréquemment au-des-l1a.m Eonbipliotésaonbtsceerttéee,quqeuisticoonn,snisotuesàaddoonpntoernsunleepmoeinsturdeedveuseduexsus de la condition de leurs parents, les pers-demobilitéascevndanteetde pectives des générations nées dans les années porainepro(posedecomplétesrcceendpaonitnet).dLeavliutteérpaatrurceelcuointdeeml-a1960 apparaissent d’emblée plus contrastées : fluidité sociale qui cherche à prendre en compte l’évolution des marges des tables de mobilité sociale, liée à l’évolution du poids plus souvent issus de milieux favorisés (ce qui des différentes catégories socioprofessionnelles au sein de la limite mécaniquement la fréquence des trajec-structure sociale. Le point de vue de la fl uidité mesure donc l’as-toires ascendantes), les individus nés dans les isnodciivaitdiuosn(iVnatlrlients,è1q9u9e9).entrelorigineetlapositionsocialesdesTableau 1 Suivi de générations quinquennales à partir des enquêtes Emploi Générations 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans 45-49 ans 50-54 ans 55-59 ans 1924-1928 1983 1929-1933 1983 1988 1934-1938 1983 1988 1993 1939-1943 1983 1988 1993 1998 1944-1948 1983 1988 1993 1998 2003 1949-1953 1983 1988 1993 1998 2003 1954-1958 1983 1988 1993 1998 2003 1959-1963 1988 1993 1998 2003 1964-1968 1993 1998 2003 1969-1973 1998 2003 1974-1978 2003 Lecture : pour la génération née en 1944-1948, l’enquête Emploi de 1983 a été utilisée pour avoir des informations correspondant à l’âge de 35-39 ans. 24 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 410, 2007
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