Symbolisme du miroir dans l Inde (Conférence prononcée au Musée Guimet le 31 janvier 1965) - article ; n°1 ; vol.13, pg 59-82
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Symbolisme du miroir dans l'Inde (Conférence prononcée au Musée Guimet le 31 janvier 1965) - article ; n°1 ; vol.13, pg 59-82

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Description

Arts asiatiques - Année 1966 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 59-82
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 55
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Naudou
Symbolisme du miroir dans l'Inde (Conférence prononcée au
Musée Guimet le 31 janvier 1965)
In: Arts asiatiques. Tome 13, 1966. pp. 59-82.
Citer ce document / Cite this document :
Naudou Jean. Symbolisme du miroir dans l'Inde (Conférence prononcée au Musée Guimet le 31 janvier 1965). In: Arts
asiatiques. Tome 13, 1966. pp. 59-82.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arasi_0004-3958_1966_num_13_1_947SYMBOLISME DU MIROIR DANS L'INDE
(Conférence prononcée au Musée Guimet le 31 janvier 1965)
par Jean NÀUDOU
Je tiens d'abord à m'excuser du titre que j'ai choisi pour cette conférence. Il
y sera bien question de miroirs et je projetterai même sur l'écran en première partie
quelques photographies de miroirs ou de reliefs sur lesquels sont figurés des miroirs,
et cela en grande partie grace à Mlle Auboyer, qui s'est intéressée elle-même aux
miroirs (1), m'a communiqué quelques références et prêté quelques clichés. Mais
j'éviterai de parler de symbolisme pour la raison toute simple, qu'après avoir entendu
disserter de symbolisme des spécialistes de disciplines diverses, historiens des religions,
ethnologues, psychanalistes, sans parler des historiens de la littérature et de l'art,
on ne sait plus avec précision ce qu'est un symbole.
J'examinerai seulement comment des penseurs indiens se sont efforcés de préciser
quelques-unes de leurs conceptions en utilisant parmi d'autres comparaisons celle du
miroir ou des reflets qui s'y jouent ; comment le miroir leur a servi non seulement
d'exemple, mais d'instrument de méditation d'abord, d'expression ensuite : un outil
philosophique. En particulier, j'entrerai par le biais de cet objet frivole dans les
méandres de la pensée du sivaïsme trika, de ce difficile mouvement philosophique
qui s'est épanoui au Kasmïr au moyen âge, plus spécialement au ixe et au xe s., et
dont j'ai ici même, il y a quelques années, résumé les conceptions esthétiques. Un
symbole est souvent interprété comme s'il était monovalent ; or il s'agit au contraire
dans le cas actuel d'implications multiples dont je m'efforcerai tant bien que mal de
débrouiller l'écheveau, en suivant d'ailleurs la logique des images, beaucoup plus
qu'en m'astreignant à un ordre chronologique rigoureux. Cet effort de classification
est indispensable pour la clarté de l'exposé, mais il serait souhaitable aussi que les
différentes correspondances s'évoquent mutuellement comme un jeu de glaces. C'est
donc un titre ambigu et même un peu grinçant que j'aurais préféré, du genre de
(1) Voir en particulier l'index de La vie quotidienne dans V Inde ancienne, s. v., Paris 1961, et Nouvelles
Recherches Archéologiques à Begrâm, Paris 1954, p. 71 et pi. E. 60 JEAN NAUDOU
« réflexions sur le miroir » si une pareille désinvolture n'eût risqué de choquer dans
cette docte maison. Vous ne m'en voudrez pas en tout cas de traiter ce thème avec une
certaine légèreté, car c'est bien là le ton qui convient à un sujet aussi futile.
Le miroir est connu dans l'Inde depuis une date très ancienne, antérieure à
l'histoire : celui que Sir Aurel Stein découvrit sur le site de Mehi en Gédrosie, au
Beloutchistan méridional, peut dater du début du deuxième millénaire avant notre
ère. D'emblée cette œuvre en bronze, belle et à sa manière géniale, nous introduit
dans ce qu'on pourrait appeler « l'énigmatique » du miroir. En effet si on examine
le manche attentivement, on s'aperçoit qu'il est constitué d'un corps de femme.
Il suffit pour en être persuadé, de comparer ce manche avec des statuettes féminines
en terre cuite provenant du même site de Mehi ou de la môme civilisation de Kulli,
contemporaine de la civilisation de Mohen-jo-daro et Harappâ : même forme
générale du corps, même attitude des mains sur les hanches. Mais alors le visage,
quel est-il ? Celui de la personne qui se mire. Tout en s'afïîrmant comme un accessoire
spécifiquement féminin, ce miroir offre en quelque sorte une disponibilité d'être. Et
voilà comment la préhistoire nous livre presque une leçon, au moins un pressentiment
de métaphysique. Le miroir est une forme vide en quête d'une personnalité.
Comme nous le verrons par la suite, à regarder dans le miroir, on ne voit pas toujours
qui l'on croyait y voir.
Pour passer de cet art préhistorique à l'art bouddhique, il faut accomplir un
saut dans le temps de l'ordre d'un millénaire et demi. Les stûpa, ces monuments
essentiels à la piété bouddhique, aide-mémoire de ce mystère central que constitue
l'extinction totale, le pariniruâna du Buddha, sont à leur périphérie décorés de scènes
dont le prétexte est sans doute religieux, mais dont l'esprit et le traitement sont
purement profanes. Les plus anciennes de ces sculptures sont conservées au musée
de Calcutta. Elles proviennent du sliipa de Bhârhut : une belle parachève sa
toilette, en plaçant d'un geste rituel l'ornement frontal, devant un miroir circulaire
muni d'un pied très lourd permettant de le tenir à la main ou de le poser verticale
ment. Le site le plus célèbre de ce premier art bouddhique est celui, plus récent,
de Sâncï. Je ne pense pas que des miroirs soient figurés sur le grand stûpa, mais sur
un pilier de la balustrade du slùpa II, un médaillon représente un centaure
chevauché par une femme qui, dans cette position a priori peu confortable, n'oublie
pas la coquetterie et se contemple dans un miroir du même type que celui de Bhârhut.
Un ou deux siècles plus tard, à Mathurà, vieille cité religieuse qui doit son impor
tance artistique aux souverains Kusâna qui en firent une de leurs capitales, la balus
trade d'un sliipa est décorée de scènes de genre. C'est ainsi que deux miroirs sont
figurés sur un même pilier ; au registre supérieur, un jeune homme coiffe son amante
qui se contemple dans un miroir à pied, et au-dessus un nain difforme tient un miroir SYMBOLISME DC MIROIR DANS L'INDE 61
du même type devant une femme qui choisit pour s'en parer des guirlandes dans un
plateau présenté par une servante. Mais sur un autre pilier une belle se farde devant
un miroir qu'elle tient elle-même par une poignée assujettie à son revers.
Mathurâ est située dans l'Inde du Nord, à proximité de la Yamunâ. Dans la
partie orientale du Dekkan, dans la région de la basse Krsnâ, se développait à peu
près à la même époque l'art d'Amarâvatï, auquel M. Stern et Mme Bénisti viennent
de consacrer un ouvrage. Ils ont montré que les reliefs provenant du site de Nâgârjuna-
konda appartiennent à l'extrême fin de ce style d'Amarâvatï. Par un procédé de
composition qui annonce déjà la composition savante des fresques d'Ajantâ, les diff
érentes scènes religieuses sont séparées par des couples d'amoureux dans des attitudes
variées. A différentes reprises, la femme tient un miroir et ces miroirs appartiennent
aux deux types remarqués à Mathurâ : à pied et à poignée.
Abandonnons à présent l'art bouddhique. L'archéologie indienne nous a livré fort
peu d'objets profanes et la découverte la plus importante en la matière est assurément
celle que firent Joseph et Ria Hackin sur le site de Begrâm, en Afghanistan, d'une
cachette où un roi Kusâna avait dissimulé à la cupidité des envahisseurs un nombre
important d'objets précieux. Parmi ces objets figurent des pièces d'ameublement
en ivoire, importées de l'Inde, qui ne sont pas sans rappeler le style d'Amarâvatï et de
Mathurâ. Sur une plaque travaillée en relief profond, deux jeunes femmes sont figurées
debout dans une pose nonchalante sous l'arcature d'un portail et l'une d'elles tient
à la main un miroir à manche. Le sertissage du disque métallique dans son support,
peut-être lui-même en ivoire, est particulièrement bien visible dans cette représentation.
L'une des figurations de miroir les plus célèbres de l'art indien est celle dont
Mlle Auboyer a donné un dessin dans son livre sur La vie quotidienne dans l'Inde
ancienne. Cette fois l'ivoire

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