Télévision et développement culturel - article ; n°1 ; vol.7, pg 11-26
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Télévision et développement culturel - article ; n°1 ; vol.7, pg 11-26

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Communications - Année 1966 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 11-26
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Michel Crozier
Télévision et développement culturel
In: Communications, 7, 1966. pp. 11-26.
Citer ce document / Cite this document :
Crozier Michel. Télévision et développement culturel. In: Communications, 7, 1966. pp. 11-26.
doi : 10.3406/comm.1966.1091
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1966_num_7_1_1091Michel Crozier
Télévision et développement culturel
Tous les commentateurs s'accordent pour souligner à l'envi la fascination
que la télévision exerce sur son public. Mais très peu d'entre eux encore sont
prêts à reconnaître l'extraordinaire importance qu'un tel mode de diffusion
est en train de prendre, de ce fait ; dans le domaine culturel x l'évidence pourtant
est criante.
Dans très peu d'années, ce public « fasciné » par le petit écran comprendra la
presque totalité de la population de sociétés comme la nôtre, l'essentiel de la
culture vivante dont se nourriront nos concitoyens aura été véhiculée par la
télévision 2. Certes on peut regretter cette évolution et s'efforcer de la combattre.
Mais on ne peut guère imaginer que l'on pourra la retarder, sinon, au mieux,
de quelques années. Dans ce domaine au moins la nature des choses ne souffre
pas d'objections.
Devant une telle évolution dont tout le monde sent bien, même s'il ne veut
pas se l'avouer, qu'elle est irrésistible, deux attitudes opposées se sont peu à peu
dégagées autour desquelles les positions tendent désormais à se cristalliser.
La première attitude, modeste, empirique et démocratique, consiste à donner
la priorité aux besoins exprimés par le public. Il faut, pense-t-on, chercher tou
jours à coller exactement à ces besoins sans se préoccuper de leur qualité. Cher
cher à satisfaire le public doit constituer la règle d'or. Dans ce domaine, comme
dans tous les autres, il n'y a d'autre critère démocratique que le choix du plus
grand nombre.
La deuxième attitude, ambitieuse, morale, autocratique, consiste à vouloir
déterminer des critères de qualité et à les imposer au public, car celui-ci doit
être éduqué et ce serait pour les responsables faillir aux devoirs qui sont les leurs
que d'accepter de lui donner ce qu'il demande quand ce qu'il demande est « mauv
ais ». Plus subtilement parfois, on en appellera des besoins exprimés qui sont
1. Georges Friedmann a le premier attiré l'attention sur ce point. Voir en particulier
son compte-rendu du séminaire organisé par le Tamiment Institute et la revue
Daedalus : « Culture pour les Millions? » (Communications, n° 2, p. 185-196).
2. Cette grande masse ne comprendra pas seulement les classes dites populaires, mais
tout aussi bien les classes moyennes. L'enquête de Gary Steiner a bien montré qu'aux
États-Unis, même dans les familles dont les membres ont fait des études supérieures,
la télévision jouait un rôle considérable (The People Look at Television, A Study of
Audience Attitudes, New York, A. A. Knopf, 1963).
11 Michel Crozier
seulement des besoins apparents, aux besoins profonds qu'on définira en fait
en fonction des critères traditionnels auxquels on souscrit.
Des deux côtés, les arguments présentés sont solides, mais leur portée est
surtout négative. Il semble plus facile, en effet, dans ce dialogue de sourds, de
démolir le point de vue de l'adversaire que d'élaborer à partir de son propre
point de vue des solutions concrètes acceptables et efficaces. Et les décisions,
généralement implicites, qui doivent bien être prises se fondent naturellement
sur des compromis empiriques, entre tendances et non pas, comme on serait
en droit de l'attendre, sur des analyses rationnelles.
Nous voudrions nous demander, dans cet article, s'il n'est pas possible d'échap
per à un dilemme aussi stérile et de poser autrement le problème de la responsab
ilité en matière culturelle.
L'ampleur de la révolution opérée par l'apparition de la télévision pose inéluc
tablement, voudrions-nous montrer, le problème d'une politique culturelle.
Mais cette politique, l'enquête que nous avons effectuée auprès d'un échantillon
de téléspectateurs ouvriers et de paysans nous en a convaincu, ne peut consister
dans la définition de critères de qualité, mais dans la prise en considération
des conséquences que les choix opérés peuvent avoir dans le développement des
processus de communication, de participation et d'apprentissage au sein du
public. Créateurs et organisateurs du nouveau milieu culturel, essaierons-nous
de montrer, doivent surmonter la crainte du dialogue qui les paralyse encore.
Les véritables responsabilités ne portent pas sur le contenu même du message,
mais sur l'organisation du jeu auquel participent les différentes strates inégal
ement privilégiées qui constituent un public, d'une part, les différents groupes
de créateurs, d'autre part. Dans la découverte et l'affirmation de telles respons
abilités, la recherche devrait jouer un rôle fondamental 1.
La révolution opérée par V apparition de la télévision
pose le problème d'une politique culturelle.
La violence des réactions de défense suscitées par le développement de la télé
vision, le refus d'envisager l'avenir manifesté par la plupart des responsables,
la volonté que l'on découvre chez tant de commentateurs intelligents de mini
miser la portée des changements en cours, l'impasse dans laquelle la discussion
tend à se bloquer entre partisans de l'éducation des masses et partisans de la
satisfaction des besoins, autant de signes à notre avis que le problème que pose
la télévision est un problème fondamental, qui ne se limite pas à l'usage d'un
nouveau moyen de diffusion s'ajoutant seulement aux moyens traditionnels.
S'il y a refus, malaise, blocage, c'est que quelque chose de vital est touché.
Certes on ne peut attribuer à l'apparition de la seule télévision, les bouleverse
ments que nous sommes en train de vivre dans le domaine culturel. Mais ce moyen
1. Nos remarques sont le fruit d'une collaboration d'une année avec le Service de la
Recherche de l'O. R. T. F. pour la réalisation d'une enquête d'exploration effectuée
sous ma direction par le Service à la demande du Bureau des Études et Recherches du
Ministères des 'Affaires culturelles. Qu'il nous soit permis de remercier ici tout
particulièrement M. Pierre Schaeffer, directeur du Service de la Recherche de
Î'O. R. T. F. et M. Augustin Girard, conseiller au Ministère des Affaires culturelles
pour les problèmes [de recherches, qui nous ont donné sans compter l'un et l'autre un
soutien aussi intelligent que bienveillant.
12
L Télévision et développement culturel
qui est le symbole du nouveau monde en train de naître, est effectivement, pour
le moment, le plus universel et le plus concret de tous les moyens de communicat
ion. Et son existence ne peut manquer de toutes façons de transformer progres
sivement, même à elle seule, les données fondamentales de la participation des
hommes au monde de la culture. On ne pourra dater peut-être le point de départ
de cette révolution de la même façon que l'on a daté, après coup, la révolution
déclenchée par Gutenberg, mais l'ampleur du phénomène télévision doit être
considérée à l'égal de celle du phénomène imprimerie.
Dans les deux cas, la plus immédiate (et instinctive) destination du nouveau
moyen découvert, aura été la diffusion de la culture du passé. La fonction cultu
relle de la télévision doit-être tout naturellement de diffuser les chefs-d'œuvre
de la culture reconnue auprès de la grande masse, comme celui de l'imprimerie
aura été longtemps d'abord de diffuser la Bible. Mais les effets seconds qui ont
mis si à se déclencher pour l'imprimerie commencent déjà à apparaître
pour la télévision. Le moyen transforme les conditions de la création et à la limite
le contenu même de la culture dont il est le support.
Que grâce à l'apparition de la télévision l'ensemble de la population d'une
société puisse être mis en mesure de suivre de façon directe, conc

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents