Temps, devenir, évolution - article ; n°1 ; vol.41, pg 111-122
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Description

Communications - Année 1985 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 111-122
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Howard S. Becker
Temps, devenir, évolution
In: Communications, 41, 1985. pp. 111-122.
Citer ce document / Cite this document :
Becker Howard S. Temps, devenir, évolution. In: Communications, 41, 1985. pp. 111-122.
doi : 10.3406/comm.1985.1611
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1985_num_41_1_1611François Meyer
Temps, devenir, évolution
Parmi les nouveaux paradigmes qui travaillent les sciences contemp
oraines, une place particulière revient à la nouvelle thermodynamique
et aussi à la théorie de la complexité. La conception du temps s'en trouve
profondément renouvelée. Structures dissipatives, convections, ordre
par le bruit font sauter le verrou du deuxième principe et ouvrent sur
une temporalité porteuse de nouveauté, d'imprévisibilité même et de
néguentropie croissante. On célèbre le temps retrouvé. On évoque
Bergson : « Le temps est invention ou il n'est rien du tout. » Le temps, la
durée, est « jaillissement d'imprévisible nouveauté ».
Pour prendre la mesure de cette mutation, il faut rappeler à quel point
la rationalité classique boude et refoule le devenir.
Aristote déjà, bien avant l'avènement de la science positive, ramenait
l'intelligibilité du changement au non-changement. Ce qui explique le
mouvement, par exemple d'un corps qui tombe, c'est qu'il rejoint son
lieu naturel, le lieu précisément où son mouvement vient à s'immobilis
er. La référence intelligible du mouvement, c'est paradoxalement le
repos. Principe élevé par Aristote au rang de principe cosmique et
métacosmique : tout mouvement, tout changement dans le monde est
suspendu au Premier Moteur, et ce Premier Moteur est immobile. Les
choses en leur devenir tendent à la sérénité de l'Immobile absolu, en qui
se concentre toute raison du mouvement.
La science positive, qui certes parle un autre langage, valorise elle
aussi les états d'équilibre auxquels tend « naturellement » tout mouve
ment et tout changement d'état, cinétique ou dynamique, au cours de
l'évolution du système. C'est le terme du mouvement, et sa négation
même, qui en est la référence intelligible.
D'une autre manière encore, le changement d'état, au cours d'une
réaction chimique par exemple, ne prend consistance, depuis Lavoisier,
que si l'on retient que sous le changement la masse demeure. Meyerson
soulignait ce « paradoxe épistémologique » : c'est ce qui, dans ce qui
change, ne change pas qui (par la vertu de la mise en équation) sauve le
changement d'une inconsistance épistémologique tenue pour congénit
ale.
La rationalité de la science dans sa tradition apparaît, de multiples
manières, comme un vaste réseau de stratégies opératoires s'emparant
111 François Meyer
de tout ce qui change pour lui appliquer un traitement propre à mettre
en évidence sous la chair du devenir le squelette du permanent.
Il est vrai qu'il est traditionnel de saluer l'avènement de la thermody
namique au XIXe siècle, grâce à laquelle, à la réversibilité abstraite des
équations de la mécanique classique, se substitue une flèche du temps,
celle de l'irréversibilité de la dégradation entropique. Mais là encore il
est clair que le temps du deuxième principe entraîne tout système
d'étape en étape vers des états de moindre énergie libre et finalement
vers l'épuisement de son devenir. La logique du deuxième principe n'est
qu'une variante subtile sur le thème réducteur d'un temps qui ne trouve
son statut que dans sa propre disparition et dans sa négation même.
C'est un courant millénaire que remonte le paradigme du devenir, au
milieu de résistances qui, il faut le prévoir, ne sont pas près de
faiblir.
Il rend, ce paradigme, au temps et au changement leur fluidité.
L'univers contient en lui-même un pouvoir quasi (ou pseudo ?) créa
teur, il voit surgir, sur fond d'agitation aléatoire, et s'alimentant de la
dissipation entropique. des structures locales et des convections auto-
entretenues. Il instaure une nouvelle Weltanschauung qui donne du
champ au devenir.
Mais a-t-on, pour autant, accompliyw^w 'au bout le mouvement d'un
retour au Temps, dans toute sa dimension, dans tout son sens ? Nous
voilà bien sans doute installés dans un monde qui bouge, à la source
même du changement, des agitations, des tourbillons créateurs. C'est là
en quelque sorte la matière première du devenir, mais, de cette matière,
quelle est la forme dans le temps concret, dans le flux massif de l'histoire
des choses ? De quoi est fait le Devenir du devenir ? En particulier, de
quoi est fait le devenir biologique à l'échelle des temps paléontolo-
giques ? Impossible d'en décider a priori, il faut y aller voir sous peine de
rester dans l'abstraction (fût-elle significative) d'un principe paradig-
matique. Il faut se mettre à l'école du temps.
Dans cette perspective, la paléontologie est la seule science habilitée,
au-delà des interminables discussions sur les mécanismes de l'évolution,
à tirer des archives du temps l'histoire concrète de la biosphère.
J.B.S. Haldane. mathématicien et généticien matérialiste et peu suspect
comme tel de donner dans le brouillard parascientifique. rappelait que
« l'évolution est un fait historique indépendant des hypothèses concer
nant son mécanisme ». « 11 est plus important, disait-il, de connaître le
compte rendu historique de révolution. »
Ce plaidoyer pour une approche de l'évolution comme histoire, très
clair chez Haldane (et chez quelques autres), n'est pas toujours
cependant exempt de malentendus. La science, et la philosophie aussi,
répètent à satiété que ce qui est historique est contingent et n'offre pas
de prise à une rationalité opératoire. Une histoire se raconte, c'est tout.
112 devenir, évolution Temps,
Une vérité scientifique est répétable expérimentalement, l'histoire, elle,
ne se répète pas : pas de science de ce côté-là. Ce lieu commun ne résiste
pas à l'examen.
Il faut se convaincre en effet que, s'agissant d'évolution, le matériel
paléontologique offre, du point de vue même du devenir biologique, une
consistance qu'on aurait tort de renvoyer à l'inconsistance d'un simple
récit.
Si l'on convient de prendre au sérieux le temps de révolution, la
méthode d'approche est épistémologiquement sans mystère. On se réfère
sans difficulté à l'échelle des temps basée sur la méthode des minéraux
radioactifs. Cette chronologie constitue le background temporel indiscu
table de l'histoire de la biosphère. Elle conduit de manière toute
classique à poser Taxe des temps comme abscisse et à porter en
ordonnée, à la date d'apparition paléontologique des formes successives
(groupes dominants d'A. Huxley), les valeurs des indices mesurés par les
sciences de la vie : anatomie comparée, mais aussi physiologie, biochi
mie, etc.
Pour ne prendre qu'un exemple parmi un grand nombre d'exemples
possibles, le coefficient de céphalisation (Dubois. Anthony) passe de
0.04 pour l'oiseau à 2.8 pour Homo Sapiens. La courbe représentative
obtenue (graphique 1) donne une idée immédiate de la dynamique
évolutive concernant cette variable. On constate du même coup que le
compte rendu historique de l'évolution ne s'apparente pas au simple
récit historique, anomique. sans queue ni tête, mais offre au contraire
une consistance particulière. Si de plus on constate qu'un grand nombre
d'autres « grandeurs d'évolutions ' » présentent des courbes de même
forme, remarquablement creuses et cabrées, on est bien tenu de conclure
que le concept (ï accélération évolutive constitue un concept majeur de
la science de l'évolution et traduit sa dynamique propre.
L'évolution à l'échelle des temps géologiques possède en quelque sorte
son temps propre, qui ne se confond pas avec la temporalité de base où
se situent les innombrables situations locales, toutes différentes, inana
lysables dans leur hypercomplexité et toutes indépendantes les unes des
a

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