Un aspect de la politique démographique de l Italie fasciste : la répression de l avortement - article ; n°2 ; vol.92, pg 691-735
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Un aspect de la politique démographique de l'Italie fasciste : la répression de l'avortement - article ; n°2 ; vol.92, pg 691-735

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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1980 - Volume 92 - Numéro 2 - Pages 691-735
Denise Detragiache, ~~Un aspect de la politique démographique de l'Italie fasciste. La répression de l'avortement~~, p. 691-735. La répression de l'avortement, élément essentiel de la politique démographique du fascisme italien, est étudiée ici sous l'empire du code Rocco, expression la plus achevée des intentions du régime en la matière. L'objet de cette répression - l'avortement juridiquement sanctionné - est précisé dans ses contours, et situé dans le cadre du phénomène sociologique dont il n'est qu'un aspect. Quant à la répression elle-même, le régime soulignait - pour la déplorer -l'indulgence de la magistrature du~~ ventennio~~ à l'égard de cette infraction particulière. Une analyse plus poussée permet d'affirmer que certains magistrats furent nettement plus indulgents que d'autres. Mais tous ne s'attirèrent pas les foudres - d'ailleurs impuissantes - du régime : seuls les juges de la Cour d'appel de Turin eurent ce privilège. Leur opposition systématique à cet aspect de la politique démographique du Pouvoir avait été reconnue pour ce qu'elle était : une manifestation particulière d'antifascisme.
45 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 62
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Denise Detragiache
Un aspect de la politique démographique de l'Italie fasciste : la
répression de l'avortement
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 92, N°2. 1980. pp. 691-735.
Résumé
Denise Detragiache, Un aspect de la politique démographique de l'Italie fasciste. La répression de l'avortement, p. 691-735.
La répression de l'avortement, élément essentiel de la politique démographique du fascisme italien, est étudiée ici sous l'empire
du code Rocco, expression la plus achevée des intentions du régime en la matière.
L'objet de cette répression - l'avortement juridiquement sanctionné - est précisé dans ses contours, et situé dans le cadre du
phénomène sociologique dont il n'est qu'un aspect.
Quant à la répression elle-même, le régime soulignait - pour la déplorer -l'indulgence de la magistrature du ventennio à l'égard de
cette infraction particulière. Une analyse plus poussée permet d'affirmer que certains magistrats furent nettement plus indulgents
que d'autres. Mais tous ne s'attirèrent pas les foudres - d'ailleurs impuissantes - du régime : seuls les juges de la Cour d'appel de
Turin eurent ce privilège. Leur opposition systématique à cet aspect de la politique démographique du Pouvoir avait été reconnue
pour ce qu'elle était : une manifestation particulière d'antifascisme.
Citer ce document / Cite this document :
Detragiache Denise. Un aspect de la politique démographique de l'Italie fasciste : la répression de l'avortement. In: Mélanges de
l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 92, N°2. 1980. pp. 691-735.
doi : 10.3406/mefr.1980.2571
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1980_num_92_2_2571DENISE DETRAGIACHE
UN ASPECT DE LA POLITIQUE DÉMOGRAPHIQUE
DE L'ITALIE FASCISTE :
LA RÉPRESSION DE L'AVORTEMENT
Le 28 janvier 1924, dans un discours prononcé à l'assemblée du parti
national fasciste, Mussolini rend un vibrant hommage au peuple italien,
«laborieux et prolifique»1. La croissance démographique de l'Italie, qu'il
célèbre ainsi pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, ne laisse
pourtant d'être source de difficultés. Elle est - il le reconnaîtra lui-même
quelques mois plus tard2 - la «donnée fondamentale» du problème du
sous-développement d'une partie de l'Italie, cette Italie des « bassi » de Naples,
des communes sans routes, sans eau, sans cimetière, cette Italie de la misère
qui s'étend de Messine à Reggio de Calabre. Pourtant, il ne veut pas freiner
cette croissance : « Jamais je ne ferai de propagande malthusienne ou néo
malthusienne », dit-il, «je ne crois d'ailleurs pas au sérieux scientifique de ces
doctrines. Le seul fait que la décadence épouvante les autres nations signifie
que nous devons être satisfaits de notre développement vigoureux3 ».
Moins de trois ans plus tard, c'est le cri d'alarme du discours dit de
« l'Ascension », qui se veut « coup de fouet démographique » à la nation italien
ne4.
C'est que les premières données chiffrées véritablement sérieuses, dans le
domaine démographique, ne commencent à être connues qu'alors. Jusque-là
on pouvait parler à juste titre d'une «crise de la statistique italienne»5. De
1 Scritti e discorsi di Benito Mussolini, edizione definitiva, Milano, 1934, IV, p. 47.
2 Le gouvernement fasciste et la Nation, discours prononcé à Milan, le 4 octobre 1924,
au cours d'une réception de l'Association constitutionnelle, ibid., p. 281 sq., spéciale
ment, p. 295.
3 Ibidem.
4 Discours prononcé par Mussolini à la Camera dei deputati, le 26 mai 1927. Cf.
Opera omnia di Benito Mussolini, a cura di Edoardo e Duilio Susmel, Firenze, XXII,
p. 360 sq.
5 Cf. le discours de Mussolini du 20 décembre 1926, Le Destin des Peuples, prononcé
lors de l'installation du Conseil supérieur de l'Institut central de la statistique (dans
MEFRM - 92 - 1980 - 2, p. 691-735. .
.
692 DENISE DETRAGIACHE
nombreuses négligences, et parfois même des fraudes, avaient été le fait des
administrations communales, lors du recensement de 1921 : des chiffres
avaient été gonflés — surtout dans le Sud et dans les Iles — pour tenter de
minimiser l'étendue de l'émigration et de dissimuler une partie des pertes de
la guerre, dans le but évident de ne rien perdre des avantages que le pouvoir
central pouvait lier à une certaine ampleur de la population. Une fraude d'un
autre type était le fait des administrés eux-mêmes : les déclarations, pour les
naissances survenues vers la fin d'une année, étaient couramment retardées
au mois de janvier de l'année suivante : les filles rajeunissaient ainsi d'une
année solaire, et les garçons voyaient leur départ pour le service militaire
reculé d'un an6.
La loi du 9 juillet 19267 met fin à cette situation en créant l'Institut central
de la statistique qu'elle place sous la dépendance directe du chef du gouverne
ment. Toutes les données autrefois recueillies en ordre dispersé peuvent
maintenant être regroupées et surtout contrôlées, et le régime se trouve ainsi
doté d'« un instrument pour l'action de gouvernement dans le présent et dans
l'avenir». Son importance est tout particulièrement soulignée dans le domaine
des données démographiques dont Mussolini affirme déjà « que leur accroiss
ement ou leur déclin permettent de prévoir le destin des peuples»8.
Mais, une fois les chiffres connus, l'enthousiasme tombe vite, et c'est la
brutale vérité que Mussolini révèle aux députés9: «Depuis cinq ans nous
continuons à dire que la population italienne déborde. Ce n'est pas vrai! Le
fleuve ne déborde plus : il est en train de rentrer assez rapidement dans son
lit ». Devant la froide réalité des chiffres, il lui faut bien se rendre à l'évidence :
le taux de natalité de l'Italie — qui suit en cela l'évolution de l'ensemble des
Scritti e discorsi. . ., V, p. 477). Cf. aussi la circulaire de Mussolini du 30 décembre 1926
aux administrations et organismes publics, étatiques et para-étatiques {Opera omnia . . .,
XXII, p. 464 sq.).
6 Cf. sur ce point : Massimo Livi Bacci, Donna, fecondità e figli. Due secoli di storia
demografica italiana, Bologna, 1980, spécialement les «notes sur la qualité des données»,
p. 369 sq. Cf. également la circulaire adressée par Mussolini aux chefs des administrat
ions communales, le 3 (?) juillet 1927, dans laquelle il menace de ses foudres les
communes qui ne veilleraient pas à la vérité des données fournies (Opera omnia. .,
XXIII, p. 348).
7 Loi du 9 juillet 1926, n° 1162, portant réorganisation du service statistique (G. U.
14 juillet 1926, n° 161), qui sera modifiée par le Regio decreto-legge du 27 mai 1929,
n° 1285 (G. U. 30 juillet 1929, n° 176), converti en loi le 21 décembre 1929 (loi du 21 déc.
1929, G. U. 21 janvier 1930, n° 16).
8 Discours du 20 décembre 1926, Scritti e discorsi . . ., V, p. 478.
9de l'Ascension, Opera omnia di Benito Mussolini . ., XXII, p. 360 sq. L'ITALIE FASCISTE ET LA RÉPRESSION DE L'AVORTEMENT 693
pays d'Europe occidentale - est tombé en quarante ans de 39 pour 1000 (la
«pointe» de 1886) à 27 pour 1000. Certes, le chef du gouvernement relève
aussi une baisse corrélative de la mortalité, mais qui ne saurait masquer la
« décadence » de la « race italienne », c'est-à-dire du « peuple italien dans son
expression physique ». Ce n'est pas l'Italie des grandes propriétés rurales qu'il
dénonce, mais l'Italie de Nord - où de nombreuses régions sont déjà au-
dessous de 27 pour 1000 - où l'urbanisme industriel «stérilise le peuple» et où
règne « la lâcheté infinie des classes sociales dites supérieures ». La situation
des grandes métropoles que sont Turin, Milan et Gênes, se révèle catastrophi
que à ses yeux, si on la compare à celle de villes comme Palerme, Naples ou
Rome. Et la décadence, d'année en année, ne fait que croître. Il y va de la
« puissance politique et donc économique et morale » de l'Italie qui, si elle veut
avoir une im

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