Un épisode sous la terreur
24 pages
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Un épisode sous la terreur

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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième et quatrième livres, Scènes de la vie parisienne et scènes de la vie politique - Tome XII (sic, erreur pour le tome IV). Douzième volume de l'édition Furne 1842.Extrait : Le 22 janvier 1793, vers huit heures du soir, une vieille dame descendait, à Paris, l’éminence rapide qui finit devant l’église Saint-Laurent, dans le faubourg Saint-Martin. Il avait tant neigé pendant toute la journée, que les pas s’entendaient à peine. Les rues étaient désertes. La crainte assez naturelle qu’inspirait le silence s’augmentait de toute la terreur qui faisait alors gémir la France 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 27
EAN13 9782824710426
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
U N ÉP ISODE SOUS LA
T ERREU R
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
U N ÉP ISODE SOUS LA
T ERREU R
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1042-6
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.U N ÉP ISODE SOUS LA
T ERREU R
A MONSI EU R GU Y ON N ET -MERV I LLE,
Ne faut-il p as, cher et ancien p atr on, e xpliquer aux g ens
curieux de tout connaîtr e , où j’ai pu sav oir assez de pr o cé dur e
p our conduir e les affair es de mon p etit monde , et consacr er ici
la mémoir e de l’homme aimable et spirituel qui disait à Scrib e ,
autr e cler c-amateur , « Passez donc à l’Étude , je v ous assur e
qu’il y a de l’ ouv rag e » en le r encontrant au bal  ; mais
av ez-v ous b esoin de ce témoignag e public p our êtr e certain de
l’affe ction de l’auteur  ?
DE BALZA C.
 22  1793, v er s huit heur es du soir , une vieille dame
descendait, à Paris, l’éminence rapide qui finit de vant l’égliseL Saint-Laur ent, dans le faub our g Saint-Martin. Il avait tant neig é
p endant toute la jour né e , que les p as s’ entendaient à p eine . Les r ues
étaient désertes. La crainte assez natur elle qu’inspirait le silence
s’augmentait de toute la ter r eur qui faisait alor s g émir la France  ; aussi la
vieille dame n’avait-elle encor e r encontré p er sonne  ; sa v ue affaiblie
de1Un épiso de sous la ter r e ur Chapitr e
puis long-temps ne lui p er meait p as d’ailleur s d’ap er ce v oir dans le
lointain, à la lueur des lanter nes, quelques p assants clair-semés comme des
ombr es dans l’immense oie de ce faub our g. Elle allait courag eusement
seule à trav er s cee solitude , comme si son âg e était un talisman qui dût
la préser v er de tout malheur . and elle eut dép assé la r ue des Morts, elle
cr ut distinguer le p as lourd et fer me d’un homme qui mar chait der rièr e
elle . Elle s’imagina qu’ elle n’ entendait p as ce br uit p our la pr emièr e fois  ;
elle s’ e ffraya d’av oir été suivie , et tenta d’aller plus vite encor e afin
d’atteindr e à une b outique assez bien é clairé e , esp érant p ouv oir vérifier à la
lumièr e les soup çons dont elle était saisie . A ussitôt qu’ elle se tr ouva dans
le ray on de lueur horizontale qui p artait de cee b outique , elle r etour na
br usquement la tête , et entr e vit une for me humaine dans le br ouillard  ;
cee indistincte vision lui suffit, elle chancela un moment sous le p oids de
la ter r eur dont elle fut accablé e , car elle ne douta plus alor s qu’ elle n’ eût
été escorté e p ar l’inconnu depuis le pr emier p as qu’ elle avait fait hor s
de chez elle , et le désir d’é chapp er à un espion lui prêta des for ces.
Incap able de raisonner , elle doubla le p as, comme si elle p ouvait se soustrair e
à un homme né cessair ement plus agile qu’ elle . Après av oir cour u p
endant quelques minutes, elle p ar vint à la b outique d’un pâtissier , y entra
et tomba, plutôt qu’ elle ne s’assit, sur une chaise placé e de vant le
comptoir . A u moment où elle fit crier le lo quet de la p orte , une jeune femme
o ccup é e à br o der le va les y eux, r e connut, à trav er s les car r e aux du
vitrag e , la mante de for me antique et de soie violee dans laquelle la vieille
dame était env elopp é e , et s’ empr essa d’ ouv rir un tir oir comme p our y
pr endr e une chose qu’ elle de vait lui r emer e . Non-seulement le g este et
la phy sionomie de la jeune femme e xprimèr ent le désir de se débar
rasser pr omptement de l’inconnue , comme si c’ eût été une de ces p er sonnes
qu’ on ne v oit p as av e c plaisir , mais encor e elle laissa é chapp er une e
xpr ession d’imp atience en tr ouvant le tir oir vide  ; puis, sans r eg arder la
dame elle sortit pré cipitamment du comptoir , alla v er s l’ar rièr e-b outique ,
et app ela son mari, qui p ar ut tout à coup .
―  Où donc as-tu mis. . .  ? lui demanda-t-elle d’un air de my stèr e en lui
désignant la vieille dame p ar un coup d’ œil et sans ache v er sa phrase .
oique le pâtissier ne pût v oir que l’immense b onnet de soie noir e
envir onné de nœuds en r ubans violets qui ser vait de coiffur e à
l’incon2Un épiso de sous la ter r e ur Chapitr e
nue , il disp ar ut après av oir jeté à sa femme un r eg ard qui semblait dir e  :
―  Cr ois-tu que je vais laisser cela dans ton comptoir  ? . . . Étonné e du
silence et de l’immobilité de la vieille dame , la mar chande r e vint auprès
d’ elle  ; et, en la v o yant, elle se sentit saisie d’un mouv ement de comp
assion ou p eut-êtr e aussi de curiosité . oique le teint de cee femme fût
natur ellement livide comme celui d’une p er sonne v oué e à des austérités
se crètes, il était facile de r e connaîtr e qu’une émotion ré cente y rép andait
une pâleur e xtraordinair e . Sa coiffur e était disp osé e de manièr e à cacher
ses che v eux, sans doute blanchis p ar l’âg e  ; car la pr opr eté du collet de
sa r ob e annonçait qu’ elle ne p ortait p as de p oudr e . Ce manque d’ or
nement faisait contracter à sa figur e une sorte de sé vérité r eligieuse . Ses
traits étaient grav es et fier s. A utr efois les manièr es et les habitudes des
g ens de qualité étaient si différ entes de celles des g ens app artenant aux
autr es classes, qu’ on de vinait facilement une p er sonne noble . A ussi la
jeune femme était-elle p er suadé e que l’inconnue était une ci-devant , et
qu’ elle avait app artenu à la cour .
― Madame  ? . . .. lui dit-elle inv olontair ement et av e c r esp e ct en
oubliant que ce titr e était pr oscrit.
La vieille dame ne rép ondit p as. Elle tenait ses y eux fix és sur le vitrag e
de la b outique , comme si un objet effrayant y eût été dessiné .
― ’as-tu, cito y enne  ? demanda le maîtr e du logis qui r ep ar ut
aussitôt.
Le cito y en pâtissier tira la dame de sa rê v erie en lui tendant une p etite
b oite de carton couv erte en p apier bleu.
― Rien, rien, mes amis, rép ondit-elle d’une v oix douce .
Elle le va les y eux sur le pâtissier comme p our lui jeter un r eg ard de
r emer cîment  ; mais en lui v o yant un b onnet r oug e sur la tête , elle laissa
é chapp er un cri.
― Ah  !. . . v ous m’av ez trahie  ? . . .
La jeune femme et son mari rép ondir ent p ar un g este d’hor r eur qui
fit r ougir l’inconnue , soit de les av oir soup çonnés, soit de plaisir .
― Ex cusez-moi, dit-elle alor s av e c une douceur enfantine . Puis, tirant
un louis d’ or de sa p o che , elle le présenta au pâtissier  : ―  V oici le prix
conv enu, ajouta-t-elle .
Il y a une indig ence que les indig ents sav ent de viner . Le pâtissier et
3Un épiso de sous la ter r e ur Chapitr e
sa femme se r eg ardèr ent et se montrèr ent la vieille femme en se
communiquant une même p ensé e . Ce louis d’ or de vait êtr e le der nier . Les mains
de la dame tr emblaient en offrant cee piè ce , qu’ elle contemplait av e c
douleur et sans avarice  ; mais elle semblait connaîtr e toute l’étendue du
sacrifice . Le jeûne et la misèr e étaient gravés sur cee figur e en traits
aussi lisibles que ceux de la p eur et des habitudes ascétiques.

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