Une hagiographie sans miracles. Observations en marge de quelques vies du Xe siècle - article ; n°1 ; vol.149, pg 435-446
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Publications de l'École française de Rome - Année 1991 - Volume 149 - Numéro 1 - Pages 435-446
L'auteur analyse une dizaine de textes hagiographiques, composés, entre 900 et 1050, par des moines appartenant à des communautés réformées, liées les unes à Cluny et les autres au courant dit lotharingien. Trait commun à tous ces textes est l'absence presque totale de miracles in vita attribués au saint. Ce manque de «merveilleux» qui, dans l'intention des auteurs, aurait dû contribuer à la proposition de modèles de sainteté imitable a eu, apparemment, comme résultat l'oubli presque complet qui a entouré, peu de temps après leur mort, tous ces saints personnages qui n'ont jamais joui d'une fama sanctitatis auprès du peuple chrétien (avec la seule exception de s. Wenceslas, devenu saint politique et national).
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Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 43
Langue Français

Extrait

Giulia Barone
Une hagiographie sans miracles. Observations en marge de
quelques vies du Xe siècle
In: Les fonctions des saints dans le monde occidental (IIIe-XIIIe siècle). Actes du colloque de Rome (27-29 octobre
1988). Rome : École Française de Rome, 1991. pp. 435-446. (Publications de l'École française de Rome, 149)
Résumé
L'auteur analyse une dizaine de textes hagiographiques, composés, entre 900 et 1050, par des moines appartenant à des
communautés réformées, liées les unes à Cluny et les autres au courant dit lotharingien. Trait commun à tous ces textes est
l'absence presque totale de miracles in vita attribués au saint. Ce manque de «merveilleux» qui, dans l'intention des auteurs,
aurait dû contribuer à la proposition de modèles de sainteté imitable a eu, apparemment, comme résultat l'oubli presque complet
qui a entouré, peu de temps après leur mort, tous ces saints personnages qui n'ont jamais joui d'une fama sanctitatis auprès du
peuple chrétien (avec la seule exception de s. Wenceslas, devenu saint politique et national).
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Barone Giulia. Une hagiographie sans miracles. Observations en marge de quelques vies du Xe siècle. In: Les fonctions des
saints dans le monde occidental (IIIe-XIIIe siècle). Actes du colloque de Rome (27-29 octobre 1988). Rome : École Française
de Rome, 1991. pp. 435-446. (Publications de l'École française de Rome, 149)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1991_act_149_1_4210GIULIA BARONE
UNE HAGIOGRAPHIE SANS MIRACLES
OBSERVATIONS EN MARGE DE QUELQUES VIES DU Xe SIÈCLE
Le Xe siècle a été trop longtemps méprisé par les historiens et les
spécialistes de littérature : on le définissait comme une période obscure
après la clarté carolingienne et en attendant le renouveau des XI-XIIe
siècles. Heureusement, au cours des dernières années, on on a redécouv
ert la grande richesse de la production littéraire de ce «siècle de fer»
dont l'hagiographie constitue l'un des plus beaux joyaux. Mais ces
extraordinaires Vies de saints attendent encore quelqu'un qui les analy
se dans leur totalité et leur complexité : ceci dit, mon intervention ne
peut qu'aborder un certain nombre de problèmes qui me paraissent
d'une importance majeure dans le cadre de ce colloque.
Trois questions sont, à mon avis, d'une grande importance si on
veut comprendre le Xe siècle hagiographique, et les rapports entre
monachisme réformé et hagiographie autour de l'an Mil. En premier
lieu je proposerai dans cet article quelques remarques sur le rapport
miracles-sainteté une dizaine de Vies du Xe siècle, toutes issues
des milieux réformés, qu'il s'agisse de réforme clunisienne ou lotharin-
gienne. Deuxièmement, j'aborderai le problème de la fonction que ces
œuvres hagiographiques auraient dû exercer dans l'intention de leurs
auteurs. En dernier lieu, je dresserai rapidement un bilan des consé
quences, du point de vue de l'histoire du culte chrétien, des choix opé
rés par les auteurs.
*
* *
II est bien connu que, à partir de Grégoire le Grand, on peut décer
ner deux courants dans la production hagiographique du haut Moyen
Âge. D'une part, on remarque une certaine réticence vis-à-vis du «merv
eilleux» et du «miraculeux» dans les Vies, vu la nature ambiguë des 436 GIULIA BARONE
signa, qui peuvent aussi bien être l'œuvre de Dieu que du diable et, par
conséquent, une tendance à mettre en valeur l'exemplarité de la vie du
saint personnage dont on écrit la biographie (une attitude qui caractéris
e, par exemple, selon I Deug Su, le premier âge carolingien) ! ; d'autre
part, on assiste à une vraie floraison des recueils de miracles2. Or, au
Xe siècle, la première attitude semble avoir nettement le dessus, à l'int
érieur du monachisme réformé. Les Vies des saints évêques, issues dans
la plupart des cas des chapitres des cathédrales, sont souvent agrément
ées de miracles3, dans la ligne de l'hagiographie de la seconde partie
du IXe siècle, dont les Vies d'Anscaire et de Rimbert nous fournissent
les exemples les plus célèbres4.
L'hagiographie clunisienne
Lorsque, vers 940, Odon de Cluny fut chargé d'écrire la Vie du
comte Géraud5, celui-ci était mort depuis une trentaine d'années et
son culte s'était déjà affirmé. Le portrait que le saint abbé du Cluny a
tracé de ce grand personnage est, à présent, bien connu : depuis une
1 I Deug Su, L'opera agiografica di Alcuino, Spolète, 1983, p. 42 et p. 63-4 : «Egli [Al-
cuino] non sembra avere infatti una grande predilezione per i miracoli : la predicazione
ha una ben maggiore importanza. . . Nel racconto dei miracoli Dio risulta una potenza,
obiettivamente dimostrabile, di cui il vescovo Willibrordo si riveste. Ne viene che la santi
tà non è solo una disposizione intcriore di rapporto a Dio, ma diventa anche espressione
esteriore della virtus divina ». Sur ce problème v. aussi N. Fiori, La funzione del miracolo
nell'agiografia carolingia (Diss. dactyl., Rome, 1990). Sur le problème du miracle en fonc
tion de la sainteté reste fondamental le travail de M. Van Uytfanghe, La controverse bibl
ique et patristique autour du miracle et ses répercussions sur l'hagiographie dans l'Antiquité
tardive et le Haut Moyen Âge latin, dans Hagiographie, cultures et sociétés, Paris, 1981,
p. 205-31.
2 Les recueils de miracles se font plus abondants à partir du IXe siècle, avec le
grand essor - en Occident - du culte des reliques, cf. M. Heinzelmann, Translationsber
ichte und andere Quellen des Reliquienkultes (Typologie des sources du Moyen Âge occi
dental, 33), Turnhout, 1979, p. 94-9.
3 Voir, par exemple la Gerhardt Vita s. Oudabrici episcopi, éd. G. Waitz, dans
M.G.H., SS., 4, 1841, p. 381-427 et la Widrici vita sancii Gerardi episcopi, éd. G. Waitz,
dans M.G.H., SS., 4, 1841, p. 490-505.
4 Vita Anskarii auctore Rimberto, éd. G. Waitz, dans M.G.H., Script, rer. germ, in
usum scholarum, Hannovre, 1884, p. 13-79 et Vita Rimberti, éd. G. Waitz, ibid., p. 80-100.
5 Sancii Odonis abbatis Cluniacensis secundi de vita sancii Geraldi Aureliacensis
comitis libri quattuor, dans P.L., 133, col. 639-704. UNE HAGIOGRAPHIE SANS MIRACLES 437
trentaine d'années une demi-douzaine au moins de chercheurs s'est
penchée avec admiration et curiosité sur ce texte, qui est sans doute un
des plus beaux du siècle6. Or, au moment où Odon écrivait sa biogra
phie, la renommée de Géraud d'Aurillac comme saint thaumaturge
était déjà bien établie. Pas question, alors, de taire ce côté de son expé
rience religieuse : les miracles étaient là, il fallait leur donner un sens.
Et Odon, on le sait, a abordé de façon explicite le problème de la signi
fication des signa.
Dans le prologue il donne une première explication : les miracles,
dans ce temps qui est marqué par l'attente de la fin, et où la charité se
refroidit (refrigescit), témoignent aux hommes l'amour de Dieu, qui ne
veut pas les priver de ses bienfaits7. Mais les témoins de la vie de
Géraud ont peu parlé à Odon de ces miracles, auxquels le peuple {vul-
gus) donne tant d'importance; ils ont, au contraire, fourni bien des
détails sur sa façon de vivre {disciplinatum vivendi modum) et sur les
œuvres de miséricorde, que Dieu aime plus que toute autre chose8. Et
ils ont bien fait car, le jour du Jugement dernier, Dieu ne reconnaîtra
pas tous ceux qui ont prophétisé et ont opéré des miracles9, mais il
appellera à lui ceux qui auront réalisé la justice dans ce monde (justi-
ciam operantur).
Le comte, dans le récit d'Odon, semble avoir toujours partagé cet
avis de son biographe : quand on lui dit que l'eau dans laquelle il se
lavait les mains avait opéré des guérisons miraculeuses, Géraud trem
ble de terreur et affirme que cela ne peut être qu'illusion, une illusion
diabolique destinée à lui faire croire d'être capable de choses défen-
6 Je me bornerai ici à citer les plus importantes et plus récentes parmi les interpré
tations de la Vita Geraldi : A. Frugoni, Incontro con Cluny, dans Spiritualità Cluniacense,
Todi, 1960, p. 23-9; J.-C. Poulin, L'idéal de sainteté dans l'Aquitaine carolingienne, d'après
les sources hagiographiques (750-950), Québec, 1975; A. M. Piazzoni, «Militia Christi e Clu-
niacensi, dans «Militia Chr

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