Une théorie des années quatre-vingt - article ; n°1 ; vol.29, pg 117-160
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Revue de l'OFCE - Année 1989 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 117-160
Les années quatre-vingt présentent, pour les analyses macroéconomiques habituelles, des énigmes majeures, dont, aux premiers rangs, la persistance d'un chômage élevé en Europe et la désynchronisation des conjonctures américaine et européennes pendant la première moitié de la décennie. Des «faits» nouveaux, qui distinguent la période considérée sont mal pris en compte par les modèles usuels. Cet article propose une théorie alternative des développements conjoncturels de cette période, qui s'appuie sur une reconstruction de l'analyse de l'économie ouverte. Les évolutions des taux d'intérêt réels et des taux de change réels y jouent un rôle déterminant, en affectant les comportement d'offre et de fixation des marges d'entreprises opérant dans un environnement imparfaitement concurrentiel. L'intuition qui fonde cette analyse est que les liens commerciaux qui unissent les économies américaine et européennes sont trop ténus pour engendrer le synchronisme conjoncturel généralement supposé, mais que les interactions qui transitent par les marchés financiers sont, au contraire, très fortes. La hausse des taux d'intérêt réels et l'appréciation réelle du dollar, en la première moitié des années quatre-vingt, ont incité les entreprises européennes à augmenter leurs marges et à tenter de contenir leurs coûts de production, en particulier les salaires. Or ce qui advient aux marges des entreprises importe tout autant que ce qui en est des salaires : une augmentation «exogène» des unes ou des autres est porteuse de «stagflation», en ce qu'elle détériore les termes de l'arbitrage politique entre inflation et chômage. Il peut s'ensuivre une transmission négative des «chocs» macroéconomiques qu'ont engendrés les politiques pratiquées aux Etats- Unis. Les conséquences ont été accentuées par la dégradation des conditions d'exercice des politiques budgétaires et monétaires en Europe, qui ont contraint les gouvernements à adopter des orientations pro-cycliques. La hausse persistante des taux d'intérêt réels a, en outre, été à l'origine d'importants effets d'hystérésis, qui ont installé la récession européenne dans la durée et freiné la reprise, au moment où la dépréciation réelle de la monnaie américaine et une baisse — modérée, il est vrai — des taux d'intérêt réels favorisaient un nouvel essor européen. L'ajustement lent à un régime de taux d'intérêt réels élevés et le caractère pro-cyclique des politiques européennes qu'encourage un tel régime expliquent à la fois la forte persistance de la récession et la progressivité de la reprise. Cette théorie nouvelle nous avait conduits à prédire, dès 1987, le retour de la croissance en Europe. Elle nous incite aujourd'hui à prévoir qu'elle sera durable, sauf nouvelle hausse des taux d'intérêt, même dans l'éventualité d'une récession aux Etats-Unis.
Seen through the lenses of traditional macroeconomic analyses, the 1980s are highly puzzling. It is especially difficult to understand the persistence of high unemployment in Europe and the de-synchronisation of business cycles in the US and in Europe during the first half of the decade. New «facts» have occurred, which currently available models are not able adequately to explain. This paper offers an alternative analysis of business developments during the 1980s, building on a reconstructed theory of the open economy. Changes in real interest rates and real exchange rates play a major role in this reappraisal: they affect supply decisions and mark-up behaviour of firms operating in an imperfectly competitive environment. Intuitively, we contend that trade relations between the European and American economies are actually too tenuous to generate the traditionally assumed synchronisation of business cycles, and instead are dominated by interactions through financial markets. During the first half of the 80s, both rising real interest rates and the real appreciation of the dollar induced European firms to raise their mark-ups and to attempt to contain production costs, especially labour costs. But what then happens to mark-ups is just as crucial as what happens to wages: an «exogenous» hike in either breeds «stagflation», insofar as it worsens the terms of the inflation unemployment tradeoff. It may thus be that macroeconomic disturbances — in particular the US «policy mix» — are transmitted negatively. The consequences of such adverse effects were aggravated by the resulting worsening in the fiscal and monetary policy environment, European governments then being impelled to go for pro-cyclical policies. Moreover, the persistent rise in real interest rates had major hysteresis effects that explain the protracted character of the European slump. Such effects also slowed down the recovery, at a time when a depreciating dollar and — moderately — declining real interest rates were favouring a renewal of economic activity in Europe. Slow adjustment to a regime of high real interest rates, together with pro-cyclical policies in Europe as a result of such a regime, explain both the strong persistence of the slump and the slowness of the recovery. As early as 1987, this new theory had led us to forecast a recovery in Europe. Today, the same reasoning induces us to predict that it may well last, even in the event of a recession in the US, but provided interest rates do not to rise further.
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Jean-Paul Fitoussi
Jacques Le Cacheux
Une théorie des années quatre-vingt
In: Revue de l'OFCE. N°29, 1989. pp. 117-160.
Citer ce document / Cite this document :
Fitoussi Jean-Paul, Le Cacheux Jacques. Une théorie des années quatre-vingt. In: Revue de l'OFCE. N°29, 1989. pp. 117-160.
doi : 10.3406/ofce.1989.1191
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1989_num_29_1_1191Résumé
Les années quatre-vingt présentent, pour les analyses macroéconomiques habituelles, des énigmes
majeures, dont, aux premiers rangs, la persistance d'un chômage élevé en Europe et la
désynchronisation des conjonctures américaine et européennes pendant la première moitié de la
décennie. Des «faits» nouveaux, qui distinguent la période considérée sont mal pris en compte par les
modèles usuels. Cet article propose une théorie alternative des développements conjoncturels de cette
période, qui s'appuie sur une reconstruction de l'analyse de l'économie ouverte. Les évolutions des taux
d'intérêt réels et des taux de change réels y jouent un rôle déterminant, en affectant les comportement
d'offre et de fixation des marges d'entreprises opérant dans un environnement imparfaitement
concurrentiel. L'intuition qui fonde cette analyse est que les liens commerciaux qui unissent les
économies américaine et européennes sont trop ténus pour engendrer le synchronisme conjoncturel
généralement supposé, mais que les interactions qui transitent par les marchés financiers sont, au
contraire, très fortes. La hausse des taux d'intérêt réels et l'appréciation réelle du dollar, en la première
moitié des années quatre-vingt, ont incité les entreprises européennes à augmenter leurs marges et à
tenter de contenir leurs coûts de production, en particulier les salaires. Or ce qui advient aux marges
des entreprises importe tout autant que ce qui en est des salaires : une augmentation «exogène» des
unes ou des autres est porteuse de «stagflation», en ce qu'elle détériore les termes de l'arbitrage
politique entre inflation et chômage. Il peut s'ensuivre une transmission négative des «chocs»
macroéconomiques qu'ont engendrés les politiques pratiquées aux Etats- Unis. Les conséquences ont
été accentuées par la dégradation des conditions d'exercice des politiques budgétaires et monétaires
en Europe, qui ont contraint les gouvernements à adopter des orientations pro-cycliques. La hausse
persistante des taux d'intérêt réels a, en outre, été à l'origine d'importants effets d'hystérésis, qui ont
installé la récession européenne dans la durée et freiné la reprise, au moment où la dépréciation réelle
de la monnaie américaine et une baisse — modérée, il est vrai — des taux d'intérêt réels favorisaient un
nouvel essor européen. L'ajustement lent à un régime de taux d'intérêt réels élevés et le caractère pro-
cyclique des politiques européennes qu'encourage un tel régime expliquent à la fois la forte persistance
de la récession et la progressivité de la reprise. Cette théorie nouvelle nous avait conduits à prédire,
dès 1987, le retour de la croissance en Europe. Elle nous incite aujourd'hui à prévoir qu'elle sera
durable, sauf nouvelle hausse des taux d'intérêt, même dans l'éventualité d'une récession aux Etats-
Unis.
Abstract
Seen through the lenses of traditional macroeconomic analyses, the 1980s are highly puzzling. It is
especially difficult to understand the persistence of high unemployment in Europe and the de-
synchronisation of business cycles in the US and in Europe during the first half of the decade. New
«facts» have occurred, which currently available models are not able adequately to explain. This paper
offers an alternative analysis of business developments during the 1980s, building on a reconstructed
theory of the open economy. Changes in real interest rates and real exchange rates play a major role in
this reappraisal: they affect supply decisions and mark-up behaviour of firms operating in an imperfectly
competitive environment. Intuitively, we contend that trade relations between the European and
American economies are actually too tenuous to generate the traditionally assumed synchronisation of
business cycles, and instead are dominated by interactions through financial markets. During the first
half of the 80"s, both rising real interest rates and the real appreciation of the dollar induced European
firms to raise their mark-ups and to attempt to contain production costs, especially labour costs. But
what then happens to is just as crucial as what happens to wages: an «exogenous» hike in
either breeds «stagflation», insofar as it worsens the terms of the inflation unemployment tradeoff. It
may thus be that macroeconomic disturbances — in particular the US «policy mix» — are transmitted
negatively. The consequences of such adverse effects were aggravated by the resulting worsening in
the fiscal and monetary policy environment, European governments then being impelled to go for pro-
cyclical policies. Moreover, the persistent rise in real interest rates had major hysteresis effects that
explain the protracted character of the European slump. Such effects also slowed down the recovery, at
a time when a depreciating dollar and — moderately — declining real interest rates were favouring a
renewal of economic activity in Europe. Slow adjustment to a regime of high real interest rates, together
with pro-cyclical policies in Europe as a result of such a regime, explain both the strong persistence ofthe slump and the slowness of the recovery. As early as 1987, this new theory had led us to forecast a
recovery in Europe. Today, the same reasoning induces us to predict that it may well last, even in the
event of a recession in the US, but provided interest rates do not to rise further.Une théorie des années quatre-vingt
Jean-Paul Fitoussi, Jacques Le Cacheux
Département des études de l'OFCE
Les années quatre-vingt présentent, pour les analyses ma
croéconomiques habituelles, des énigmes majeures, dont, aux
premiers rangs, la persistance d'un chômage élevé en Europe
et la désynchronisation des conjonctures américaine et européen
nes pendant la première moitié de la décennie. Des «faits» nouveaux,
qui distinguent la période considérée sont mal pris en compte
par les modèles usuels.
Cet article propose une théorie alternative des développe
ments conjoncturels de cette période, qui s'appuie sur une re
construction de l'analyse de l'économie ouverte. Les évolutions
des taux d'intérêt réels et des taux de change réels y jouent un
rôle déterminant, en affectant les comportement d'offre et de
fixation des marges d'entreprises opérant dans un environnement
imparfaitement concurrentiel. L'intuition qui fonde cette analyse
est que les liens commerciaux qui unissent les économies américaine
et européennes sont trop ténus pour engendrer le synchronisme
conjoncturel généralement supposé, mais que les interactions qui
transitent par les marchés financiers sont, au contraire, très fortes.
La hausse des taux d'intérêt réels et l'appréciation réelle du
dollar, en la première moitié des années quatre-vingt, ont incité
les entreprises européennes à augmenter leurs marges et à tenter
de contenir leurs coûts de production, en particulier les salaires.
Or ce qui advient aux marges des entreprises importe tout autant
que ce qui en est des salaires : une augmentation «exogène»
des unes ou des autres est porteuse de «stagflation», en ce qu'elle
détériore les termes de l'arbitrage politique entre inflation et chômage.
Il peut s'ensuivre une transmission négative des «chocs» macro
économiques qu'ont engendrés les politiques pratiquées aux Etats-
Unis. Les conséquences ont été accentuées par la dégradation
des conditions d'exercice des politiques budgétaires et monétair
es en Europe, qui ont contraint les gouvernements à adopter
des orientations pro-cycliques.
Observations et diagnostics économiques n° 29 / octobre 1989 1 1 7 Jean-Paul Fitoussi, Jacques Le Cacheux
La hausse persistante des taux d'intérêt réels a, en outre, été
à l'origine d'importants effets d'hystérésis, qui ont installé la ré
cession européenne dan

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