Walter Benjamin lecteur des Réflexions sur la violence - article ; n°1 ; vol.2, pg 71-89
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Description

Cahiers Georges Sorel - Année 1984 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 71-89
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 29
Langue Français
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Extrait

Chryssoula Kambas
Walter Benjamin lecteur des Réflexions sur la violence
In: Cahiers Georges Sorel, N°2, 1984. pp. 71-89.
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Kambas Chryssoula. Walter Benjamin lecteur des Réflexions sur la violence. In: Cahiers Georges Sorel, N°2, 1984. pp. 71-89.
doi : 10.3406/mcm.1984.886
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mcm_0755-8287_1984_num_2_1_886Walter Benjamin lecteur des
«Réflexions sur la violence»
CHRYSSOULA KAMBAS
Dans ses travaux, Walter Benjamin se réfère, si ce n'est
fréquemment, du moins à plusieurs reprises, à Georges Sorel (la
dernière fois en 1938). Sa lecture des Réflexions sur la violence
date des années 1919-1920. Elle constitue le préalable à l'un
des premiers grands écrits que Benjamin parvint à publier.
Son titre, « Zur Kritik der Gewalt » (« Pour une critique de la
violence »), se rattache ouvertement à celui de Sorel.
Dans ce qui suit, j'esquisserai la problématique de la « critique
de la violence », afin de situer, en même temps, l'affinité de
Benjamin pour Sorel qui s'y révèle. A partir de remarques,
biographiques et historiques sur la lecture de Sorel de Benjamin,
et de la genèse de la « critique de la violence », je chercherai
ensuite à préciser l'intérêt pour Sorel dans le contexte de la
sphère intellectuelle du « jeune Benjamin ». Pour finir, je
montrerai quelques répercussions de la première lecture de
Sorel dans les travaux et les opinions politiques ultérieurs de
Benjamin.
« Pour une critique de la violence » parut en 1921 dans
Y Archiv fur Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, une revue
sociologique née dans le cercle autour de Max Weber, dont la
rédaction était dirigée par l'économiste Emil Lederer de
Heidelberg г. Pourtant la problématique de l'article de Benjamin
1. Archiv fur Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, hg. von
Edgar Jaffé in Verbindung mit W. Sombart, M. Weber und
J. Schumpeter, vol. 47, 1920/1921, pp. 809-832. «Zur Kritik der
71 en un certain sens, anti-sociologique, dans la mesure où est,
il s'efforce de fonder métaphysiquement la moralité de la
violence révolutionnaire. A cet effet, il analyse diverses formes
du droit légitimant l'usage de la violence. Entre autres, le droit
naturel et son principe « la fin justifie les moyens », commun
ément admis comme exigence éthique-révolutionnaire depuis
les Lumières 2. Mais Benjamin analyse plus avant les principes
de la violence dans le droit positif, qui distingue, dans son
essence, entre la violence sanctionnée de l'Etat, et celle non-
sanctionnée, à laquelle l'Etat doit s'opposer par la violence.
Ce qu'il résume par le concept de « monopolisation de la
violence > (183/125) par le droit : car la violence, en existant
en dehors du droit, constitue non pas par ses fins, mais par
sa seule existence, un danger pour le droit.
Ce faisant, il fait apparaître un caractère de violence inhérent
au droit. Il le met en relation avec le mythe de Niobé, expliquant
comment l'ordre humain a été frappé de culpabilité. Là, Ben
jamin quitte le domaine du droit positif. Le mythe de Niobé
révèle la fonction de la violence : fonder des rapports de droit.
C'est justement à cause de cette fonction que l'Etat a peur de
la violence dans les luttes de classes. En effet, celle-ci peut
prendre finalement une forme, dans laquelle réussit la « rupture
de ce cercle magique des formes mythiques du droit » (202/
147), qui jusqu'ici s'appelle l'histoire. Benjamin fait dériver une
telle possibilité du jugement de Dieu, en se référant au livre
de Moïse de l'Ancien Testament. Il définit la violence de Dieu
comme « violence pure > (200/144), car elle délivre de la faute
par l'expiation et agit comme « destructrice de droit » (199/
144).
Gewalt » s'y trouve à côté de contributions du juriste socialisant
Hans Kelsen ( « Vom Wesen und Wert der Demokratie »), de
Robert Michels ( « Dogmengeschichtliche Beitràge zur Verelen-
dungstheorie »), du sociologue de Francfort et maître de Gottfried
Salomon Franz Oppenheimer, du sociologue de la culture Alfred
Weber et de Max Weber. Le même numéro publia également un
compte rendu de Robert Michels des Matériaux d'une théorie du
prolétariat
2. Walter Benjamin, « Zur Kritik der Gewalt », in W. Benja
min, Gesammelte Schriften (ci-après : G.S.), vol. II, hg. von Rolf
Tiedemann und Hermann Schweppenhâuser, Frankfurt/M., Suhr-
kamp, 1977, pp. 179-203. Traduction française de Maurice de
Gandillac : « Pour une critique de la violence », in W. Benjamin,
Œuvres I. Mythe et violence, (ci-après : Œuvres I), Paris, Denoël,
1971, pp. 121-148. Les indications de pages données dans le texte
se réfèrent à ces deux éditions. Pour la critique du droit naturel,
voir pp. 180-181/122-123.
72 Cette construction métaphysique lui permet, en définitive, de
conclure à la légitimité de la violence révolutionnaire. La
conception politique de la grève générale révolutionnaire de
Sorel, exposée en référence directe aux Réflexions, reçoit, dans
cette « considération du droit fondée sur la philosophie de
l'histoire > (182/124), la valeur d'une « violence pure », exercée
par les hommes, pouvant rompre l'enchaînement de violence
des fondations mythiques du droit, sur le terrain de l'histoire :
« Mais la violence, elle aussi, voit au-delà du droit, son statut
assuré comme violence pure et immédiate (comme dans la
forme de la divine, C.K.), la preuve, alors, sera faite
qu'est également possible, et de quelle manière, cette violence
révolutionnaire, dont le nom est celui qui doit être donné à la
plus haute manifestation de la violence pure parmi les hommes »
(202/148).
Rien ne serait plus hâtif que de lire, après cela, la « critique
de la violence > comme un manifeste syndicaliste révolu
tionnaire. Les Réflexions de Sorel occupent en effet une place
précise à l'intérieur de l'argumentation de l'article. Benjamin
introduit, par un montage de citations tirées des Réflexions, la
différenciation politique entre grève générale politique et grève
générale prolétarienne, afin de pouvoir, dans son argumentation,
apprécier les luttes de classes, d'après leurs moyens, en tant que
conduites de droit 3. La grève générale politique est alors rangée
dans la sphère des fondations mythiques du droit. La grève
générale prolétarienne parmi les moyens « purs » de la violence
(193-95/137-39).
La référence à Sorel est donc plus qu'un simple maillon à
l'intérieur d'une démonstration. D'une part, elle manifeste, en
général, une orientation de Benjamin vers les luttes de classes,
après la Première Guerre mondiale 4. En outre, avec la théorie
3. Comme, par ailleurs, on retrouve chez Sorel le même couplage
de problématiques de théorie de l'histoire et de théorie du droit
contre la défense de la violence dans le droit naturel, dont
sort finalement renforcée la d'Etat (révolution française,
politique de Jaurès), il se pourrait que la manière dont procède
Benjamin dans son exposition de théorie du droit, soit redevable
de sa lecture des Réflexions, cf. Georges Sorel, Réflexions sur la
violence, 5e éd., Paris, Rivière, 1921, pp. 24-29, 150, 156457.
4. La littérature consacrée à Walter Benjamin identifie en
général son intérêt plus concret pour les événements politiques
avec son orientation marxiste-communiste à partir de 1924. Elle
suit ainsi l'image du «jeune Benjamin» mise en avant par
Gershom Scholem. Celui-ci souligna à plusieurs reprises le désin
térêt de Benjamin pour les Républiques des conseils de Bavière
et de Hongrie, les soulèvements en Suisse et la révolution
73 de la grève générale, Benjamin reprend quelques principes
syndicalistes-anarchistes appartenant à cette « conception pro
fonde et authentiquement révolutionnaire » (194/138), à savoir :
la critique sorélienne des croyances réformistes et étatistes des
■intellectuels socialistes, leur récusant tout rôle de direction

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