Achille, de Mantes à Sobibor
158 pages
Français

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Achille, de Mantes à Sobibor , livre ebook

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Description

Authentique personnage, Achille est né peu avant la fin du 19° siècle. Il a traversé une époque extraordinaire. En témoin, il avait les yeux largement ouverts et l'esprit suffisamment vif pour comprendre le siècle suivant. En acteur, il n'est presque jamais resté inactif. En victime, il était juif. Ce récit parle des lois sur la laïcité, de la vie d'un jeune homme à Paris vers 1910, de la première guerre mondiale, de la politique en France, du Front populaire, de la guerre civile espagnole et du second cataclysme du siècle. Les chansons et le cinéma sont évoqués à chaque instant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 58
EAN13 9782296457324
Langue Français
Poids de l'ouvrage 17 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Achille, de Mantes à Sobibor
Du même auteur


La Ballade du Généraliste, L’Harmattan, 2006.
Le Spermatozoïde octogénaire, L’Harmattan, 2008.
Le Vieux Communiste, L’Harmattan, 2008.
Le sérieux et le futile, L’Harmattan, 2010.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@yahoo.fr

ISBN : 978-2-296-54448-2
EAN : 9782296544482

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Jacques F RANCK


Achille, de Mantes à Sobibor
Graveurs de mémoire

Pierre DELESTRADE, La belle névrose, 2011.
Adbdenour Si Hadj MOHAND, Mémoires d’un enfant de la guerre. Kabylie (Algérie) : 1956-1962, 2011.
Émile MIHIÈRE, Tous les chemins ne mènent pas à Rome, 2011.
Jean-Claude SUSSFELD, De clap en clap, une vie de cinéma (Récit), 2010.
Claude CROCQ, Une jeunesse en Haute-Bretagne, 1932-1947, 2011 .
Pierre MAILLOT, Des nouvelles du cimetière de Saint-Eugène, 2010 .
Georges LE BRETON, Paroles de dialysé, 2010.
Sébastien FIGLIOLINI, La montagne en partage. De la Pierra Menta à l’Everest, 2010.
Jean PINCHON, Mémoires d’un paysan (1925-2009), 2010,
Freddy SARFATI, L’Entreprise autrement, 2010.
Claude ATON, Rue des colons, 2010
Jean-Pierre MILAN, Pilote dans l’aviation civile. Vol à voile et carrière, 2010.
Emile JALLEY, Un franc-comtois à Paris, Un berger du Jura devenu universitaire, 2010.
André HENNAERT, D’un combat à l’autre, 2010.
Pierre VINCHE, À la gauche du père, 2010,
Alain PIERRET, De la case africaine à la villa romaine. Un demi-siècle au service de l’État, 2010.
Vincent LESTREHAN, Un Breton dans la coloniale, les pleurs des filaos, 2010.
Hélène LEBOSSE-BOURREAU, Une femme et son défi, 2010.
Jacques DURIN, Nice la juive. Une ville française sous l’Occupation (1940-1942), 2010.
Charles CRETTIEN, Les voies de la diplomatie, 2010.
Mona LEVINSON-LEVAVASSEUR, L’humanitaire en partage. Témoignages, 2010,
Daniel BARON, La vie douce-amère d’un enfant juif, 2010.
Mantes, Seine et Oise
On est en fin du dix neuvième siècle. La ville, de très moyenne importance, est une sous-préfecture du département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui Yvelines). On imagine la province profonde, un peu à la Maupassant. Ce n’est pas tout à fait le cas, même si la Normandie est au bout de la route, dite "route de Quarante-Sous", pour des raisons non élucidées, plus tard Nationale 13. Mais cette ville ne s’apparente pas vraiment à la province. Plutôt à la grande banlieue de Paris. Les soixante kilomètres qui la séparent de la capitale sont avalés en un peu plus d’une heure par les trains des "Chemins de Fer de l’Etat", préfiguration régionale de la future SNCF.
Mantes ne pouvait pas se targuer d’un riche pedigree historique. Un seul événement marquant l’avait choisie pour théâtre, mais il n’affleurait pas à la conscience des habitants qui d’ailleurs manifestaient à son encontre une indifférence en béton. A la fin du seizième siècle, le célèbre roi Henri IV, dont la tendre maîtresse Gabrielle habitait dans les parages, y décida d’abjurer sa religion d’origine. Huguenot, il se fit catholique, apostolique et romain, par pur opportunisme politique. Au grand dam de son ami et collaborateur Maximilien, duc de Sully. Il aurait glissé dans l’oreille de ce dernier cette phrase embarrassée, mais empreinte de réalisme : "Que veux-tu, Max, si je refusais d’abjurer, il n’y aurait plus de France !". C’était probablement vrai, et Sully, pourtant homme rigide et ferme sur les principes, n’insista pas. Affecté au labourage et aux pâturages, il en fit les deux mamelles du pays pour longtemps.
Des petites rues étroites à gros pavés, bordées d’habitations vieillottes et sans attrait, entouraient la collégiale du douzième siècle, beau monument gothique indestructible. Quelques maisons plus typées et plus jolies annonçaient les approches de la Normandie.
Les gens, à l’image des maisons, du quartier, de la ville, se signalaient par leur absence de caractère apparent. Ils semblaient vieux, calmes, plats.
En fait, il n’en était rien. La diversité et les contrastes, les qualités et les défauts, la bonté, le courage, la bêtise, la méchanceté constituaient, là comme ailleurs, la pâte coutumière de toute société humaine. Mais la banalité du décor déteignait sur les habitants.
Le peuplement du cœur de cette ville se composait majoritairement de petits bourgeois, hommes de loi, retraités, commerçants. Ceux-ci tenaient modestes boutiques : merciers, épiciers, modistes, cordonniers, coiffeurs. Ils ne faisaient ni fortune ni faillite.
On rencontrait aussi des représentants d’une variété depuis disparue, mais qui foisonnait dans cette nuit des temps : des rentiers. La définition en est malaisée. On peut facilement décrire à un enfant contemporain un stégosaure ou un ptérodactyle. Expliquer un rentier dépasse toute logique.
Tentative d’approche du phénomène : un rentier, quel que soit son âge, ne travaillait pas, ne touchait généralement pas de retraite ou de pension liée à une activité professionnelle passée, ne s’assimilait pas à un capitaine d’industrie, ne répondait pas aux normes d’un escroc ou d’un adepte du capitalisme sauvage. Ce n’était pas vraiment un prédateur engendré par l’ultralibéralisme II en préfigurait toutefois l’espèce, ses revenus étant liés à une exploitation d’ouvriers ou de peuples colonisés. Il vivait de ses rentes, c’est tout. Plus ou moins bien, suivant que ses rentes étaient plus ou moins juteuses.
La sédentarité dominait chez ces braves gens. Les démons du voyage et de l’aventure ne les possédaient pas. La plupart d’entre eux ne quittaient jamais l’ombre de la collégiale. Certains n’avaient pas, de leur vie, mis les pieds à Paris.
La vie culturelle, en ce lieu et à cette époque, ne paraît pas avoir été profuse. On peut penser qu’au théâtre municipal - en supposant qu’il y en eût un - les hardis, les lettrés, les snobs se pressaient, de loin en loin, pour assister à un spectacle ou à un concert. Mais le faible éloignement de la capitale rendait improbables des tournées dramatiques ou lyriques trop fréquentes. Les amateurs allaient à Paris. Les autres restaient chez eux.
Quelques libraires vendaient quelques livres à quelques amateurs. De ce tableau, il est loisible de conclure que la culture se centrait sur l’intensité de la vie intérieure de chacun et sur sa propension à la méditation.
Ce qui n’excluait pas une activité sociale soutenue et une convivialité sans lesquelles une communauté est condamnée à dépérir. Les gens se voyaient souvent, et pas seulement sur le pas de leurs portes. Ils s’invitaient le dimanche. Ils s’embrassaient avec tendresse et médisaient avec allégresse les uns des autres.
En semaine, les notables se retrouvaient, chaque groupe professionnel ayant son soir, à l’Hôtel du Grand Cerf (tels les notaires de Jacques Brel, au bar de l’Hôtel des Trois Faisans). Au cours des décennies qui suivront, ils continueront, sous les panonceaux du Lion’s Club ou du Rotary.
En cette époque, à la jonction des deux siècles, la religion occupait une place considérable dans le pays. Il était rare de n’en afficher aucune. Les pratiques religieuses se situaient dans les normes de l’époque. On comptait probablement plus de fidèles assidus à la messe dominicale que de vrais croyants. Plutôt que leur allégeance profonde au Seigneur, le sens des convenances animait leur piété.
Les habitants de la ville se réclamaient, pour la plupart, du catholicisme. D’autres obédiences cohabitaient : protestants, juifs. Un petit nombre osait se proclamer ouvertement sans religion. On ne signalait pas de manifestations de fanatisme ou d’intégrisme, et peu de cas d’intolérance caractérisée et d’antisémitisme ouvert. A Mantes comme ailleurs, l’Affaire Dreyfus a exacerbé les passions. Mais les passions n’habitaient que peu une population étrangère aux bouillonnements sociaux et aux altercations violentes. On ne se battit pas dans les rues de la ville. Personne ne s’attaqua aux magasins tenus par des juifs. On ne cassa pas leurs vitres, on ne molesta pas leurs propriétaires.
Or en plein centre de la ville, rue de la Porte aux Saints, une boutique proposait aux clients des textiles de toutes sortes. Ça allait de la bonneterie aux draps vendus au mètre et aux tissus d’ameublement.
A l’enseigne aguichante du "Petit Paris", un couple tenait ce commerce depuis la fin des années quatre-vingt. Pauline, recevait fort aimablement les clients, bavardait avec eux, recueillait des compliments sur son chat blanc don

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