Des formes modernes de cosmopolitisme
277 pages
Français

Des formes modernes de cosmopolitisme , livre ebook

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277 pages
Français

Description

Comment créer une culture politique mondiale, une cosmo-politique, une optique cosmopolitique ? Cette enquête socio-anthropologique tend à démontrer l'impossibilité de la création d'une culture politique sur mesure pour telle ou telle politique mondiale. En passant par Pristina, New York et Alexandrie, cette enquête explore la façon dont, dans une cité donnée, à un moment donné, on reconstruit sans cesse la définition du monde commun qui sert de scène à l'action sociale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 266
EAN13 9782296238602
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

I, 1) Le projet

Introduction

«Comment penser et par conséquent
définir ce que ce monde est en train de
devenir?(...)L’homme surmoderne ne
cesse pas de transformer le monde
qu’il construit, il l’habite en le
méconnaissant. La puissance
croissante dont il dispose le laisse
encore démuni de ce qui l’aiderait à
définir son humanité aujourd’hui, son
identité, à être moins aveugle quant au
devenir dumonde dans lequel il se
trouve engagé. Il faut s’employer à
réduire cette double défaillance avec
le concours -je plaide pour ma
discipline- d’une science sociale
1
consciente de cetteurgence».

Comment être au monde? Comment une relation aussi intime
peut-elle se construire socialement ? Comment penser le monde
commun ? Comment les sociétés peuvent-elles faire naître des
mondes ?Par ces questions nous ne faisons qu’importer en
Sciences Sociales un problème qui a connu de nombreux
développements en philosophie. «« Laculture
contemporaine »,dit-on, «est en crise». Elle serait déchirée
parune contradiction profonde entre lesvues humanistes
traditionnelles sur l’homme et sur le monde d’une part, et la
description mécaniste dépourvue devaleur de la science
2
d’autre partCes q» .uestions méritent toutefois qu’on en
prenne soin etnous leur proposons dans cetouvrageun long
voyage à la découverte des mondes communs dontles escales
principales serontAlexandrie, NewYork etPristina.

1
Cf. George Balandier,Civilisation et puissance.
2
Cf. PaulFeyerabend, Incipit,Adieula raison.

7

Cetessaivise à élaborerun concept utilethéoriquementet
pratiquementpour identifier dans les sociétés modernes les
visions dumonde etde l’humain qui se construisentet
comprendre les modalités detelles constructions sociales. Nous
chercherons aussi à comprendre commentces manières de
penser etde sentir marquentle sens des actions sociales. En
d’autrestermes, avantde penserune forme d’acosmisme
inhérentauxsociétés modernes ou une éventuelle crise de la
culture, il convientde comprendre commentlesvisions du
monde etde l’humain se construisentà l’échelle de sociétés
concrètes etcohérentes. On passera donc duconceptà l’enquête
puis de l’enquête à la prospective, duconceptà laville, puis de
laville aumonde. Ce détour parun questionnement
cosmopolitique à l’échelle de laville doitnous permettre de
rendre compte de la nature sociale de l’élaboration de la
définition de l’humain etdumonde.

Dans cetessai, nous souhaitons éclairerun faitsocial particulier
que nous nommons cosmopolitisme. Par cosmopolitisme, nous
désignons cette partde la culture qui définitce que sontle
monde etl’humanité, dansune communauté donnée, àun
momentde son histoire. Notre objetconsiste enune manière de
sentir etde penser consolidée dans des manières de faire. Un
cosmopolitisme définiten réalité la scène sociale de l’action.
Ainsi, on pourra agir dansun monde clos, dans le cadre duquel
l’humain est une créature de dieu, agir dansun monde
exploitable peuplé d’êtres fonctionnels, ouencore agir dansun
monde infini peuplé d’amis etd’imprévus.

Nous partons de l’hypothèse que les sociétés modernes
connaissent une situation exceptionnelle dans leur relation à
cette partde la culture qui définitl’humain etle monde
etpeutêtre, à la culture en général. La Modernité comme exception du
pointdevue la culture ?La question se pose de savoir si nous
sommes entrain de construireun étatsocial sans culture ou
pour le moinsune culture aussi indisponible que l’individuest

8

disponible au fonctionnement. Au-delà du légitime
questionnement sur la crise de la culture ou la crise de
l’humanisme, nous nous proposons de créer un concept à même
de rendre compte des conséquences sociales de ces crises.

Pourquoi utiliser la notion de cosmopolitisme? Elle peut
paraître vague, usée par des significations contemporaines
approximatives.C’estle conceptstoïcien que nous retrouvons
dans ceterme. Le cosmopolitisme stoïcien estceteffort
permanentpour mettre en regard l’action oula situation
particulière avec le cadre général de l’action :ununivers
3
structuré parune provLe cosmopoliidence .tisme consiste en
une gymnastique de l’espritqui le faitbasculer incessamment
duparticulier augénéral, duplus petitauplus grandet
inversement. Pour juger dufaitanodin qui se présente sous mes
yeux, je fais appel àun cadre plusvaste, celui qui structure mon
entendementetqui énonce entre autres choses, la nature du
monde etla nature huAmaine. Marcurèle, confronté àun
importun ouàun ennui se rappelle à lui-même «Tout ce qui est
en harmonie avec toi, ô monde, est aussi en harmonie avec
moi». Qu’il rencontreun homme qui «pue le bouc» ouqui
seraitagressif, il se rappellera quetous les humains sontliés par
la raisonuniverselle etque certains défauts dans les parties sont
nécessaires à l’harmonie du tout. De même, ce sontles
imperfections de la croûte qui rendentle pain appétissant. Ces
exemples simples doivent toujours le ramener à savision du
monde etde l’humain, de la providence etde la raison. C’estce
mouvementqui nous a intéressé. À quel cadre général puis-je
rapporter mon action ?Dans les sociétés modernes, des
définitions de l’humain etdumonde existent, mais en plus
d’être peudisponibles, peu utilisées, elles ne sontpas dotées de
dimensions morales etsensibles. Elles répondentplus aux
réquisits dudiscours scientifique qu’elles n’informentle sens
commun.

3
Cetexercice estnommé spécifiquementcosmopolitisme puisqu’il fait
référence àune cité mondiale, la cité de Zeus (Cf. Marc Aurèle,Soliloques,
IV,23etV,28).

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Concrètement, nous avons fait voyager danstroisvilles notre
questionnement. Quelles définitions de l’humain etdumonde
meublentles act? Commeions socialesun Candide moderne,
nous avons posé des questions enfantines :qu’est-ce que le
monde pourvous, qu’est-ce qu’être huL’enqmain ?uêteur doit
faire montre de ruse pour identifier la scène sociale de l’action.
Nos questions ontété parfois directelles sones ;taussi passées
par des détours étonnants, correspondants à la personne
interrogée. Ainsi, on aura puquestionner la relation au voyage,
à la religion, à l’espace géopolitique, à la sexualité, ayant
constaté quetous ces éléments etbien d’autres étaientengagés
dans l’élaboration d’un cosmopolitisme. Ce que nous
appellerons plus spécifiquementquestionnement
cosmopolitiquediffère sensiblement. Ce-dernier consiste enun
effortpour questionner l’impactde pratiques oude
représentations sur lavision dumonde etde l’humain. Il s’agira
par exemple d’interrogerun énoncé politique, scientifique ou
religieux, non pas dupointdevue de savalidité politique,
scientifique oureligieuse mais dupointdevue de son impact
surun cosmopolitisme.

Les réponses que nous avons récoltées sontétonnamment
précises,variées etsurtoutinévidentes. Elles ne relèventen rien
d’énoncés objectifs etstables. Ce sontdevéritables images du
monde etde l’humain qui nous ontété confiées. Elles expriment
des modalités d’habitation, d’appropriation dumonde qui
influencentimmédiatementles formes de sociabilité
développées dans cesvilles. Notre définition ducosmopolitisme
n’indique pasune citoyenneté mondiale ouencoreune
4
cosmopolitique comme celle pensée par Étmais laienne Tassin
modalité de l’appartenance aumonde età l’humanité élaborée
dans chaque société. Nous postulons l’existence detelles
représentations dans chaque cité. Il s’agitprobablementd’une
fonction élémentaire de socialisation. Ce conceptrenouvelé de

4
Cf.Un monde Commun, Pour une cosmo-politique des conflits.

10

cosmopolitisme permet de sonder en profondeur le sens des
actions sociales, et ce dans une perspective relativementneuve.
Si, comme à Pristina (capitale duKosovo), on meten évidence
unevision dumonde commeunivers carcéral etdes relations
entre humains fondées

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