Entre Hitler et Staline
287 pages
Français

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Description

Né à Varsovie en 1932 dans une famille juive hassidique, Joseph Kirszenberg échappa à la Shoah en trouvant refuge avec sa famille chez ses grands-parents maternels à Vilno, en Lituanie. Ils furent ensuite déportés en Sibérie durant toute la guerre, ses parents emprisonnés au Goulag, et lui en liberté seul avec sa jeune soeur. Sa carrière d'ingénieur en France le conduisit plusieurs fois en Russie. Ces expatriations lui permirent de voir de près la réalité de la vie d'après-guerre dans ce pays. Il livre ici sa vision de la période soviétique, notamment l'attitude des autorités et de la population vis-à-vis des Juifs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2008
Nombre de lectures 237
EAN13 9782296922617
Langue Français
Poids de l'ouvrage 16 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ENTRE HITLER ET STALINE

Souvenirs d’un jeune homme du vingtième siècle
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-06504-8
EAN : 9782296065048

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Joseph KIRSZENBERG


ENTRE HITLER ET STALINE

Souvenirs d’un jeune homme du vingtième siècle


L’Harmattan
Marina et Alexandre, j’ai écrit ce livre pour que vous le lisiez dans une dizaine d’années environ. Bien des choses auront changé, d’ici là, et certains événements, relativement récents aujourd’hui, feront déjà partie de l’Histoire.

Saurez-vous concevoir que vous avez quelque chose en commun avec ces Juifs pieux – les hassidim de Pologne, vos ancêtres ? Vous intéresserez-vous aux aventures que votre grand-père a vécues, et qui, malgré leur apparence quelquefois rocambolesque, ont souvent failli lui coûter la vie ?

Vous avez la chance extraordinaire d’être nés et d’avoir été élevés en France, de vivre en paix, dans un pays riche et tranquille, dans des conditions telles que votre avenir se présente sous les meilleurs auspices. Vous serez d’autant plus heureux que vous en serez conscients !

Charenton, janvier 2003.
En hiver 1998, une vive polémique a été déclenchée autour du Livre Noir du Communisme . J’avais cru utile d’y ajouter mon grain de sel en envoyant, au journal Le Monde , la lettre suivante :

« En 1940, notre famille a pu quitter Varsovie pour la Lituanie, peu de temps après occupée et annexée par l’URSS. Un an après, mes parents, ma grand-mère, ma sœur (sept ans) et moi (neuf ans) avons été déportés en Sibérie. Nous y avons passé cinq ans. Pendant deux ans, mes parents et ma grand-mère ont été au Goulag. La vie y était telle que celle décrite par Soljenitsyne dans L’Archipel du Goulag, c’est-à-dire atroce. Mais ils en sont sortis vivants, ma grand-mère, il est vrai, ayant perdu un œil. En 1946, nous sommes rentrés en Pologne et avons appris que tous nos proches qui y étaient restés (grands-parents paternels, oncles, tantes, cousins…) avaient été assassinés par les Allemands, au camp d’extermination de Trçblinka. Je n’ai aucune gratitude pour le NKVD qui nous a ainsi sauvé la vie, car ce n’était pas son intention. Je n’ai non plus aucune prédilection pour le communisme. Mais force est de constater la différence entre les deux cas. Je rejoins donc le point de vue de Primo Levi : les deux régimes, nazi et communiste, ont été criminels l’un et l’autre, mais l’ordre de grandeur des crimes commis n’est pas le même. »

La lettre a été publiée. Le commentaire de mon fils avait été : « ils ne pouvaient pas faire autrement car tu es un des rares à pouvoir porter un témoignage sur ces deux régimes concentrationnaires à la fois ». Ceci m’a fait penser que, depuis trois quarts de siècle d’existence, ayant été ballotté volontairement ou non à travers plusieurs régions du globe et ayant changé plusieurs fois de langue maternelle, je dois connaître des choses qui, si je ne les raconte pas, tomberont à jamais dans l’oubli. Pour que cela n’arrive pas, j’ai décidé de mettre mes souvenirs par écrit.

Il paraît que dans tout homme existe le désir de savoir d’où il vient et ce qui l’a précédé. Si cela se vérifie pour mes enfants ou pour mes petits-enfants, les pages qui suivent n’auront pas été inutiles.
1. MA FAMILLE PATERNELLE
Les Kirszenberg.

Le nom de la famille de mon père était, à l’origine, Natanovitch. Elle était établie à Lubartów, petite ville à 12 kilomètres au nord de Lublin. Elle y exploitait des vergers des environs dont elle était partiellement propriétaire. En 1795, la ville avait été annexée par l’Autriche. En cette année, la récolte de cerises avait été exceptionnelle. Les Autrichiens germanisant systématiquement les noms des Juifs, Natanovitch s’était transformé en Kirszenberg (orthographe polonaise du nom allemand « Kirschenberg » – montagne de cerises).
La ville avait été fondée en 1543 {1} sous le nom de Levertev. La communauté juive y avait été établie à peine quelques années plus tard et jouissait de la protection des propriétaires de la ville, les Firley, qui y voyaient une source d’augmentation de revenus provenant d’impôts, grâce au développement escompté de la vie économique. Bien que, au 18 ème siècle, le nom de la ville ait été changé en Lubartów, elle avait gardé pour toujours son nom d’origine en yiddish, ce qui prouve, si besoin est, l’ancienneté de cette communauté.
En 1929, sur 8169 habitants, 5000 étaient juifs. Ils étaient le principal acteur économique de la ville : sur 280 entreprises industrielles et commerciales, 234 étaient entre leurs mains.

D’après les documents en ma possession, le nom Kirszenberg apparaît concrètement pour la première fois dans les archives, en 1826, quand un riche marchand, Dawid Mendlowicz Kirszenberg, lègue l’intérêt provenant de la somme de 300 zlotys au fonds destiné à la synagogue. En 1860-1863 les autorités russes, suite à une accusation anonyme, intentent un procès à Zélig Kirszenberg, mon arrière-arrière-grand-père, accusé, conjointement avec le rabbin de la ville Berek Kohn, de gérer le fonds communautaire au détriment de la population nécessiteuse. La communauté juive ayant pris fait et cause pour les accusés, le procès semble avoir été interrompu. En 1877, le nom de Zélig apparaît de nouveau, cette fois-ci en tant que plaignant, dans un procès où la confrérie de pompes funèbres Khevra Kadicha était accusée de prélever illégalement un pourcentage sur les frais d’enterrement.
A partir de la deuxième moitié du 19 èms siècle, le nom est étroitement mêlé à la vie de la communauté en tant que celui de la famille la plus riche et la plus influente.

Mon grand-père, Haïm, était fils d’Israël Kirszenberg marchand de blé, lui-même fils de Zélig mentionné ci-dessus. Israël entretenait, paraît-il, de très bons rapports avec le seigneur du lieu, le comte Chronimski. Quand celui-ci s’était trouvé en manque d’argent, il avait vendu à mon arrière-grand-père une forêt. Après s’être renfloué, il la lui avait rachetée et, malgré la proposition du comte, Israël n’avait pas voulu prendre aucun bénéfice sur cette opération. En remerciements, le comte avait offert à mon arrière-grand-mère une grande coupe en argent, frappée à ses armes. Je l’avais vue trôner en bonne place, à Tel-Aviv, chez un oncle de mon père, Léon Kirszenberg. Malheureusement, elle s’était perdue après sa mort.
En 1950, lycéen au lycée Michelet à Vanves, j’avais découvert qu’il existait, à Paris, une amicale des anciens de Lubartów. En faisaient partie les juifs du Sentier, non encore entre les mains des Juifs tunisiens et des marchands de meubles du faubourg Saint-Antoine. J’y avais été accueilli comme le prince de Galles. Les gens se souvenaient en particulier des mariages dans notre famille où tous les pauvres du pays étaient conviés. Beaucoup plus tard, déjà en train de rédiger ces souvenirs, j’avais découvert la brochure : Khourban Levertev (Anéantissement de Loubartów) éditée, en yiddish, par cette amicale, en 1947. L’article ci-après, tiré de ce recueil, confirme ces récits.


« EN HAUT ET EN BAS

Les « classes sociales » de Lubart ó w

Par Moshé Benguelman

La « Cour » des Kirszenberg était située en dehors de la ville entre la route Lublin-Brisk et une ligne de chemin de fer. Elle était entourée d’une grande palissade bleu ciel. Une belle pelouse et des parterres de fleurs, entretenus par un jardinier, ressemblaient, de loin, à des tapis. A côté, il y avait une grande rotonde artistiquement décorée avec des branches d’arbres et des feuillages. A l’intérieur, des chemins menaient vers la grande maison, vers les appartements des enfants qui y habitaient après leur mariage et vers la synagogue familiale. Le nom de « Cour » datait encore du temps de Khaia-Roukhla {2} , qui avait fait construire le Baït Hamidrach {3} ainsi que le kheder. {4} Longtemps encore après sa mort, on se souvenait de Khaia-Roukhla comme d’une grande tsadikn {5} .

De notre temps, la « Cour » avait déjà un aspect moderne sans perdre son caractère patriarcal juif. Dans la maison, il y avait deux cuisines – l’une pour les repas à base de lait, l’

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