Francisca
134 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

134 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Marqué par les deuils et un double exil, de l'Espagne et de l'Algérie, ce récit livre le témoignage de Francisca, sur la vie à Alger de 1914 à 1963 : le développement de la ville, l'évolution de certains quartiers (La Marine et Bab-el-Oued) et de leurs habitants, ainsi que les bouleversements historiques mondiaux qui affectent le pays : les deux guerres mondiales, la guerre civile espagnole, l'exode, l'indépendance.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2007
Nombre de lectures 221
EAN13 9782336264530
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’HARMATTAN, 2007 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296034853
EAN : 9782296034853
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Graveurs de mémoire Dedicace Epigraphe Avant-propos ARBRE GÉNÉALOGIQUE Chapitre 1 : Le paradis perdu Chapitre 2 : L’exil Chapitre 3 : Alger Chapitre 4 : Les premières années Chapitre 5 : Martin et Pedro Chapitre 6 : Le paradis entrevu Chapitre 7 : Notre-Dame d’Afrique Chapitre 8 : Mariages Chapitre 9 : La guerre Chapitre 10 : François et Consuelo Chapitre 11 : Nostalgie Chapitre 12 : La Trêve Chapitre 13 : Les événements Chapitre 14 : L’exode Chapitre 15 : L’exil Chapitre 16 : La France Appendice La grande allée Le Kaléidoscope La Réserve Le jardin suspendu Tipasa
Francisca
Chronique d’une vie en Algérie

Colette Coll Sanchez
Graveurs de mémoire
Dernières parutions
Xavier ARSENE-HENRY, « Arrêtons-nous quelques instants », 3 ème étape du long d’un architecte , 2007.
Jean-Jacques BERNARDINI, En route pour Varsovie , 2007 .
Francine AUGUST-FRANCK, Les feux follets de bourg d’Iré, 2006 .
Boubacar COULIBALY, De Tombouctou au Lac Léman , 2006.
Francis DUCREST, L’aviateur, 2006.
Maurice et Stéphane WOLF, Es Brennt, un combattant dans la tourmente , 2006.
Jacques NOUGIER, Carnet d’afriques, 2006.
Mathilde POIRSON (coord.), Sur le chemin du cœur, pour un pas de plus , 2006.
Nicolle ROUX, Midinette militante chez Nina Ricci, 2006.
André COHEN AKNIN, La lèvre du vent, 2006.
Pauline BERGER, Les Vieilles, Album, 2006.
Raymond Louis MORGE, Trois générations de salariés chez Michelin , 2006.
Monique LE CALVEZ, La petite fille sur le palier , 2006.
Salih MARA, L’impasse de la République, récits d’enfrance (1956-1962), 2006.
My Youssef ALAOUI, L’homme qui plantait des chênes , 2006.
Albert et Monique BOUCHE, Albert Bouche (1909-1999), un frontalier en liberté, 2006.
Paul DURAND, Je suis né deux fois , 2006.
Fortunée DWEK, Nonno, Un Juif d’Egypte , 2006.
Catherine VIGOR, Tarvildo Targani, mouleur à la main dans le Doubs , 2006.
Carole MONTIER, Une femme du peuple au XX ème siècle, 2006.
Valère DECEUNINCK, Du poisson en Centrafrique , 2006.
Claude CHAMINAS, Place de l’hôtel de ville. Nîmes 1965 – 1984 , Tome 1 et 2, 2006.
Bernard JAVAULT (Sous la direction de), L’œil et la plume. Carnets du docteur Léon Lecerf , 2006.
À mes enfants, petits-enfants et neveux.
Venez et parlez-moi Des choses envolées, Des tombes qui se taisent, Des morts aimés et des vivants ingrats.
Gutierrez Nájera
Avant-propos
Il me semblait, lorsque j’étais enfant, que ma grand-mère, Francisca, avait pleuré tous les chagrins du monde et portait le deuil de l’humanité entière. Et même si ses deux grands yeux bleus rougis, constamment noyés de larmes, témoignaient d’une immense détresse, elle ne se plaignait ni ne s’épanchait jamais. De ce fait, elle était entourée d’un halo de mystère que je n’ai essayé de percer que bien trop tard. Je savais quels avaient été ses deuils, par mon père, Manuel, son fils, lui aussi peu enclin aux confidences, et par sa bru, ma mère, plus ouverte. Mais j’ignorais presque tout sur elle.
C’est vers la fin de sa vie et parce que je l’ai pressée de questions, qu’elle s’est enfin racontée, par bribes, avec beaucoup de pudeur, ne revenant jamais deux fois sur la même période, sauf sous ma prière. Il m’a fallu, parfois, dire ce qu’elle n’avait pas osé et c’est à son léger sourire ironique, à un hochement de tête à peine perceptible que je pouvais constater que j’avais vu juste.
Sa vie est certainement semblable à celle de nombreuses femmes de cette époque, vie de travail, sacrifices, souffrances et deuils mais sa discrétion, son courage, sa volonté face à l’adversité ne peuvent que susciter l’admiration. Deux fois exilée, deux fois obligée de laisser sur une terre chérie les êtres qu’elle avait aimés, elle n’a, à aucun moment, baissé les bras.
Elle disait avoir deux patries, mais elle n’a pas reconnu la seconde lors de son dernier exil, car c’est à travers l’Algérie qu’elle aimait la France et c’est à l’Algérie terre française, à l’Algérie creuset d’un nouveau peuple qui se sentait français, qu’elle était attachée.
L’Espagne a pétri l’enfant, l’Algérie a façonné l’adulte. De la vieille Espagne et de la terre d’Afrique, elle a su tirer le meilleur : l’audace, la détermination, l’endurance, la foi en l’avenir.
ARBRE GÉNÉALOGIQUE
Chapitre 1 : Le paradis perdu
Une quinte de toux déchira la nuit jusqu’alors rythmée par le souffle régulier de ses petits. Francisca ne dormait pas : une chaude moiteur avait envahi la chambre unique et l’avait éveillée. Le médecin, Don Pablo, avait prononcé la veille ces deux mots qu’elle se répétait depuis : phtisie galopante 1 et ce n’était toujours que le deuxième mot qu’elle comprenait. Elle se souvenait des chevaux racés qui traversaient dans un galop effréné les vastes terres ocres qui entouraient Yecla 2 , de la fière allure de don Alvaro Munóz, cavalier superbe, dernier d’une longue lignée de caciques, dont le regard avait, un jour, croisé le sien. Comment la maladie de Fernando, son mari, pouvait-elle avoir un lien quelconque avec le jeu, la vie, l’amour ? Elle avait bien pressenti l’idée de vitesse mais l’avait rejetée aussitôt dans un frisson d’horreur. Non, la mort ne pouvait réduire à néant tous ces efforts et sacrifices qui les avaient conduits sur cette terre féconde, dans ce paradis verdoyant loin des sols stériles de leur enfance.
Le bruit avait couru qu’à Jativa 3 , petit village de la province de Valence 4 , on recherchait des métayers, que la vie y était facile, car l’eau ne manquait jamais et armés de l’enthousiasme de la jeunesse, ils avaient décidé de quitter Yecla et la famille pour tenter l’aventure. Fernando était parti le premier sans bagage. Qu’aurait-il pu emporter ? Il n’avait rien d’autre que le souvenir d’une vie rude, d’un travail vain sur une terre ingrate, de sécheresses successives, d’orages destructeurs. Il revint chercher Francisca, il lui raconta le murmure du ruisselet à quelques pas de la maison et les ondulations des hautes herbes sous la brise. En quelques jours, il avait même pu voir croître les oignons qu’il avait plantés. Francisca endimancha Martin, l’aîné, langea Manuel et bien qu’alourdie par sa maternité prochaine, se précipita pour les adieux. Elle aussi partait sans regret. Son père ne lui disait-il pas à la fin de sa vie que même la possession de la terre ne changeait rien à leur vie misérable. Il en avait fait l’expérience et Francisca alors âgée de quinze ans avec lui. Il était revenu un jour, sa femme vivait encore, le regard luisant d’un bonheur indicible : il avait obtenu dans une distribution de terre un lopin tout à lui, un champ qu’il cultiverait à sa guise et qui apporterait à sa famille, il en était certain, l’opulence et le bonheur. Quelle illusion ! Le père et ses deux filles s’étaient épuisés, jour après jour, mains nues, à épierrer le terrain. Ne sachant comment se débarrasser des blocs, ils les avaient utilisés pour construire une première enceinte qu’ils avaient renforcée maintes fois et chaque labourage en découvrait d’autres et d’autres qu’ils ôtaient inlassablement. Puis quand le sol fut enfin prêt, l’eau manqua et les semences furent perdues. Le père opiniâtre recommença, s’acharna, en mourut.

La mule prêtée par le nouveau maître, attelée à une charrette, va bon train sur les chemins poudreux et les emmène tous les quatre vers la terre promise. Martin, l’air sérieux, préoccupé par ce départ précipité et cette nouvelle vie qu’il a bien du mal à imaginer, assis à côté du père, le questionne sans cesse. Manuel dort placidement dans les bras de sa mère et s’il s’éveille, elle sait qu’il sera rassuré par ce léger sourire qui trahit, à peine, sa joie et par cette tendre froideur que ses enfants lui connaissent. À côté d’elle, deux baluchons de toile grossière renferment les hardes de la famille ; quelques

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents