LA BOULE DE TANGO VOYAGE AUTOUR DE MA MERE
164 pages
Français

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LA BOULE DE TANGO VOYAGE AUTOUR DE MA MERE , livre ebook

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164 pages
Français

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Description

Une enfance commencée cinq ans après la guerre, des parents rescapés, traumatisés par l'holocauste auquel ils ont échappé grâce à des familles suffisamment averties pour s'enfuir à temps. Des parents divorcés à une époque où c'était rare. L'auteur nous dresse là le portrait de sa mère née dans les beaux quartiers, sympathisante communiste puis écologiste, dé-consommatrice avec trente ans d'avance. Multiples facettes d'une femme brillante et dépressive, engagée volontaire à une époque où les femmes ne pouvaient pas voter.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 41
EAN13 9782296464582
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La boule de tango
Edina Olden


La boule de tango
VOYAGE AUTOUR DE LA MÈRE


Récit


L’H ARMATTAN
© L’H ARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55020-9
EAN : 9782296550209

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Prologue
En réalité, je suis morte depuis bien longtemps. Je n’ai jamais été vivante, ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Je suis morte avec les femmes.
Je suis morte avec les enfants.
Je suis morte avec les hommes âgés parqués dans ces wagons à bestiaux pendant des jours et des jours.
Ces trains en route pour les camps d’extermination de Dachau, Bergen-Belsen, Birkenau, Auschwitz.
Tous ces noms qui ont bercé mon enfance en Île-de-France.
Contés par cette survivante qui m’engendra avec tant de difficultés.
Comment vivre après cette horreur racontée soir après soir ?
Soirées que nous passions dans le bain où l’eau se refroidissait lentement en écoutant notre mère.
L’histoire de l’holocauste.
L’histoire de ces trains qui traversèrent l’Europe de 1940 à 1945, surchargés de malheurs, de misères, de souffrances.
Comment imaginer un train sans immédiatement revenir à ces trains-là, trains de morts ?
Mémoire martelée comme le numéro des rescapés de l’holocauste tatoué à vie à leur poignet.
Comment ne pas entendre les longues plaintes éternelles des innocents enfermés dans ces trains ?
À l’instant, l’image du wagon qui gémit retrouve sa place dans mon plexus.
Toute mon enfance, ainsi, j’ai pleuré silencieusement des vallées de larmes intérieures.
Je voulais rendre hommage, rendre vie à ces milliers d’innocents morts sans raison.
Leurs vies pénètrent en moi offrant leur énergie désespérée.
Cette énergie trois fois plus intense comme un foyer de mémoire pour eux.
Une petite fille née après l’horreur.
Une petite fille qui a tant souffert de cet héritage qu’il lui fût impossible jusqu’à maintenant, cinquante ans après, de lire ou d’entendre quoique ce soit sur le sujet.
Le cerveau emmuré, bouché pour tenter d’oublier, j’ai préféré me laisser mourir, de cette dépression communautaire si profonde qu’elle ne pouvait pas faire face à l’ambivalence des humains.
Monstre et agneau tout ensemble dans un seul être.
Alors les trains…
A mon compagnon de quarante ans, Alain.

Pour vivre heureux
LE JUDAÏSME
Voici une dame née en 1921 dans un quartier chic de Paris, le seizième.
Élevée dans un grand appartement par des nurses, au milieu des oncles, des tantes, de la grand-mère, des parents et des domestiques. Cette petite fille d’une famille de juifs alsaciens, installés en France depuis Napoléon, n’a connu jusqu’à son adolescence, que l’éducation bourgeoise stricte de son époque, les mondanités des adultes enrichis et un sens très aigu de la famille.
Obligé par la guerre à s’enfuir très rapidement, le père, considéré comme juif allemand, était activement recherché par les nazis car il était alsacien. Cette adolescente naïve et bien élevée voit son monde s’écrouler. Elle apprend à mentir pour sauver sa vie, à se battre pour revoir son pays (ils se sont exilés en Argentine) et à considérer l’humain comme potentiellement destructeur et mauvais.
Elle ressort de cette tourmente immonde profondément dépressive. Elle le restera toujours, tout en sachant préserver des lieux de bien-être solitaire, hors du monde et un journal écrit débuté en pleine guerre et continué pendant dix ans ; sous la forme de petits agendas remplis au crayon de papier, illisibles pour les non-initiés.

Ses filles, victimes muettes et ignorées de la tragédie, furent élevées dans l’écoute des histoires de la seconde guerre mondiale, assénées le soir avant d’aller dormir. À la place des contes de fées et autres fables, ce sont les camps de concentration, l’extermination des Juifs et des Tsiganes qui bercent leur sommeil.

Elles ne savent que se taire et agir en silence pour tenter de sortir leurs parents de leurs démons obsédants. Elles passeront leur vie à se faire psychanalyser pour tenter de vivre leur propre existence, loin de ce passé écrasant qui les empêche d’apprécier la douceur d’un quotidien sans drame.
16 février 2007
Les Liens

Tu n’avais qu’à pas me choisir pour naître !
C’est ça qu’elle avait dit à sa fille !

Après ce genre de remarques, que pouvait-il subsister des années de reproches, d’analyses psychochoses, de psychanalyse intello-gaucho-parisienne ?
Rien… ! Rien, sinon l’oubli, la délivrance, le retour à la légèreté de l’enfance, l’ouverture joyeuse à la vie entourée de personnes devenues personnages.

Elle, la mère, tendrement aimée, admirée, défendue, détestée puis regardée comme une étoile solitaire dans le firmament de l’univers.
Petite particule agitée, inquiète, souffrante, devant l’éternité silencieuse.

Lui, le mari, en quête d’amour, maladroit et naïf, toujours tenté par la possession d’une anguille rêveuse qui lui file entre les doigts à chaque nouvelle rencontre. Elle se prête mais ne se donne pas. Elle ne croit qu’aux instants, chaque fois renouvelés, précaires.

Comment exiger la durée devant ce perpétuel changement observé en soi ? La vie et ses événements, les climats des pays traversés, les humeurs selon le menu du dernier repas, l’état hormonal fluctuant suivant les moments du mois, les âges de la vie.

« Rien n’est stable, tout bouge », y compris soi. Nous, grains de sable agités par le vent, poussières d’êtres multiples que nous appelons moi.
Alors que reste-t-il à conter sinon ce bric-à-brac entassé sur le disque dur d’un cerveau humain, au cours d’une vie, somme toute, bien courte ?

Il n’y a pas de temps.
La petite fille n’a jamais grandi.
Elle se cache, éternelle et fraîche, sous les strates d’une vie humaine, dissimulée derrière les rides et les taches de soleil.
Elle est une et multiple, solitaire en face d’elle-même, éternelle inconnue.
Heureuse ou souffrante selon les rencontres, les moments…
26 février 1993
Souviens-toi

Ô Maman je n’oublierai jamais
Six millions de juifs morts
N’oublie jamais, n’oublie jamais
Disaient les trains passant devant ma fenêtre.

Non maman, quelle souffrance,
Quelle souffrance,
Je n’oublierai pas
Murmurait l’eau apaisante coulant devant ma fenêtre.

Jouissance, jouissance de cette souffrance
Qui m’absorbe dans un « slurp » engouffrant,
Comme un entonnoir où je disparais en hurlant.

Mais je ne suis pas une rose,
Une rose sur un tas de fumier.
Je ne suis pas l’espoir
De tout un peuple.

Je ne suis rien,
Rien que l’air et le vent doux,
Sur mon visage, dans mes cheveux.
Je ne suis qu’un regard qui absorbe.

Je ne suis que le moment présent,
Que l’Éternel Instant,
Gorge ouverte où s’engouffrent les impressions.

Chants d’oiseaux,
Murmure de l’eau,
Visions de vols et de douceur,
Paix de l’eau calme, ouverture, ouverture.
9 juillet 1993
La Maison

Pour mon bonheur, elle exista pour moi pendant treize ans. Ce ne fut qu’après sa vente que, véritablement, je me sentis orpheline.

Ma maison était à la fois le ventre d’une mère et la colonne vertébrale d’un père. Ce fut ma seule sécurité, mon ancrage en terre française, mes racines comme on dit, comme pour les carottes et les pommes de terre.

Quand elle fut vendue, c’est à ce moment-là, il me semble, que nous cessâmes d’être une famille pour devenir des vagabonds, des errants sans foi, sans espoir, posés ça et là comme des feuilles mortes éparpillées par les rafales.

La perte de ma maison d’enfance fut comme la mort d’un être aimé. Autour de moi, chaleur et protection ne venai

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