Si tu savais...
126 pages
Français

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Description

Lorsque ma tante d'Autriche répondit à la question posée par ma femme : "N'aviez-vous pas peur de représailles pour avoir féquenté en France un soldat autrichien pendant la Seconde guerre ?", je restais sans voix devant sa réponse. Comment avais-je pu vivre sans connaître ce passé caché ? Une culpabilité que l'auteur n'avait pas imaginée le gagna...

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Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2007
Nombre de lectures 266
EAN13 9782336252339
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Graveurs de mémoire
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Si tu savais...
Un passé inavouable

Michel Isaac
© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296043893
EAN : 9782296443893
Sommaire
Graveurs de mémoire - Dernières parutions Page de titre Page de Copyright Dedicace Remerciements
A mes enfants.
Remerciements pour leurs encouragements à : Brigitte, Cathie, Françoise, Marceline, Marijo et Jean- Pierre, Maryse, Nicole et Philippe, Simone. A Albert et Monique pour leur aide précieuse. A Nicolas Bareil pour son illustration.
Lorsque parfois mes parents abordaient le sujet de la Seconde Guerre mondiale, mon père expliquait l’invasion de la Chine par les Japonais. Il était militaire à Shanghai. Ma mère lui coupait la parole en lui disant : « Tu n’as rien vu et tu n’as pas souffert des privations ».
Elle, elle était en France, dans l’Est.
Ce qu’il avait vécu là-bas lui importait peu ; elle ne le croyait pas, ou plutôt elle ne le croyait plus. Il essayait bien d’argumenter pour reprendre le dessus, en expliquant qu’il l’avait échappé belle, qu’il y avait eu beaucoup de morts lors de l’invasion de la Chine et qu’il aurait pu y passer. Ils avaient été prisonniers plusieurs mois, et il avait aussi été obligé de prouver qu’il n’était pas juif, comme deux ou trois de ses copains en raison de leur nom. Deux ou trois générations de catholiques les avaient mis à l’abri d’une déportation, voire peut-être de la mort. Sur ce thème-là, ma mère ne lâchait pas d’un pouce.
Je me souviens très bien de mon oncle d’Autriche qui était comme un père pour moi dire en hochant la tête: « Six millions de Juifs, ce n’est pas possible, ils ne seraient pas aussi nombreux aujourd’hui !! », comme s’il savait quelque chose, et moi enfant, j’écoutais.
A aucun moment je ne me suis demandé pour quelle raison il semblait étonné, et pourtant je sentais dans le ton de sa voix comme un mélange de gêne et d’impossibilité : six millions.
Je réalise aujourd’hui que je suis resté sourd aux questions posées par ma femme sur ma tante Yvette, la sœur de ma mère, et sur mon oncle Otto d’Autriche, son mari, jusqu’au jour où nous sommes allés lui rendre visite, peu de temps avant son décès, et où elle a répondu aux questions précises de ma femme.
Je tombai des nues, trop invraisemblable pour avoir une réaction quelconque. Un silence s’abattit sur moi, comme un gros nuage noir qui venait de se mettre devant un soleil. J’aurais pu à ce moment présent en profiter, m’engouffrer, la harceler de questions, il y avait une brèche... Il n’en fut rien.
Comment se fait-il que pendant tous ces moments passés parmi vous, absolument rien n’ait éveillé quoi que ce soit de ce passé ?
Nous vivions dans un présent heureux, rien ne pouvait laisser imaginer cette histoire, surtout pour un enfant.
Aujourd’hui que j’en sais un peu plus, je me souviens de certaines phrases ou réflexions qui auraient dû peut-être m’alerter. Je n’étais qu’un enfant alors et le quotidien prenait le dessus. Le passé n’avait sûrement pas la même valeur pour moi qu’aujourd’hui.
Mes parents n’ont rien vu, rien entendu apparemment, puisqu’ils n’en ont jamais parlé.
Ils vivaient leur quotidien avec son lot de soucis, surtout ma mère, et pour ce qui était de leur sœur ou beau-frère, un rideau invisible avait dû être tiré. J’en suis même certain, je ne vois pas d’autres explications.
Quant à moi, après avoir entendu de la bouche de ma tante les quelques révélations sur le passé de mon oncle, sans vraiment m’en rendre compte, un voile s’est déposé discrètement sur une partie de mon cerveau, ce qui a eu pour effet de m’éteindre et de m’anesthésier dans un premier temps. Mais le poids du secret trop lourd, et surtout son importance, étaient bien trop considérable pour ma petite personne.

Bien des années plus tard, un jour d’été, assis à une terrasse de café, j’écoute un groupe de rock finlandais qui joue à quelques pas de moi, dans un jardin de la ville. Je préfère être à l’écart, je n’aime pas trop la foule, je les entends suffisamment, et regarder les vacanciers déambuler devant moi est un spectacle tout aussi intéressant. Au loin j’aperçois Blanche, vêtue d’une robe à fleurs, qui, à son pas pressé, me fait penser qu’elle en a assez écouté ou assez vu ; elle doit rentrer. Il faut que je lui parle, à elle qui m’a laissé un manuscrit qu’elle a écrit, il y a de ça un mois, à moi l’analphabète patenté, quel honneur ! Je l’ai lu d’un trait, puissant, profond, beau et tendre, elle a dû y laisser quelque chose, entre joie et tristesse, je pense.
Je l’invite à prendre un verre à ma table, pour lui parler de son écrit et de mon ressenti, mais ses premières paroles sont : « Tu as vu comment sont habillés les gens». Je suis heureux de m’apercevoir que je ne suis pas le seul à le remarquer, ce sont les vacances, et une certaine relâche s’installe. Je trouve cela dommage, surtout pour les femmes car leur féminité en prend un coup, à mon goût, et je ne peux m’empêcher de penser : « Que font leurs maris?»

Au loin je reconnais une chanson du film finlandais d’Aki Kaurismäki, L’homme sans passé; elle me renvoie à l’époque où je vivais en Scandinavie. De la Finlande, je n’ai connu que l’île de Aland, petite île dans la Baltique, où nous allions en ferry au départ de Stockholm, les weekends, dans le simple but de faire la fête. Pendant la traversée, garçons et filles vivaient une débauche impressionnante, avec l’aide de l’alcool. Moi j’étais plutôt un acteur de seconde zone, les excès n’ont jamais été dans mon tempérament ou alors je n’étais pas encore assez dévergondé. Les Finlandais, je les ai côtoyés dans divers endroits, mais je ne les ai jamais vraiment connus. Entre eux et les Suédois, ce n’était pas le grand amour, et comme les autres étrangers, chacun restait dans sa communauté. Mais j’adorais les entendre parler, une langue difficile à apprendre, je connaissais quelques mots. Leur caractère se rapprochait plus du nôtre que du suédois.
Bien sûr je n’ai pas connu le coma joué par cet acteur dans ce film, tourné dans la lumière froide, claire et pure du golfe de Finlande, mais après le récit rapide de ma tante sur mon oncle, la violence du choc m’a mis dans un état à demi comateux, pendant de longues années, entre refus et oubli. Jusqu’au jour où l’envie de savoir est devenue plus forte, une envie de vérifier si cela n’était pas un mensonge, une invention, un délire de viei

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