Au centre des choses
152 pages
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Au centre des choses , livre ebook

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Description

« [...] Je ne cesse de m’interroger sur cette société qui se dérobe sous mes pieds, sur ce monde que je pensais avoir contribué à rendre un peu meilleur [...] J’ai eu la chance de faire partie d’un corps de fonctionnaires de l’État dont la mission était de protéger, fusse au péril de leur propre vie, celle de leurs concitoyens confrontés à un danger quelconque. »



Commissaire divisionnaire de la Police nationale, désormais retraité, Jacques Nicolaï n’hésite pas à partager, avec sensibilité et humour, affaires et anecdotes qui ont marqué son parcours professionnel, au cœur même des situations. D’un regard lucide, il met en exergue les problèmes sociétaux qui l’interpellent aujourd’hui, qu’ils soient en lien avec les services de sécurité, la santé publique ou bien la gouvernance politique face à la crise du coronavirus.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 mai 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414516667
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Cet ouvrage a été composé par Edilivre
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-51667-4

© Edilivre, 2021
Prologue
Ajaccio, sept avril 2020, 20 heures. Ce soir encore, accompagnées par les concerts de klaxon des automobilistes, des salves d’applaudissements s’élèvent dans la nuit pour saluer les héros du moment. Médecins, infirmières, aides-soignantes, éreintés, en nombre et en moyens limités, livrent depuis plusieurs semaines une bataille sans merci contre celui que l’on a affublé du nom barbare de Covid 19. Sous la coupole du quai Conti les immortels féminiseront cette appellation qui ne s’adresse nullement à un élégant prototype automobile, mais à un coronavirus planétaire, invisible, sournois, parfois mortel, qui à ce jour nous offre de sombres perspectives en ayant déjà fait plus d’une centaine de milliers de victimes dans le monde. Composante infinitésimale des milliards d’êtres humains vivant sous sa menace, je me plie docilement depuis trois semaines aux rigueurs du confinement que l’on nous impose comme seul moyen de défense. En invitant l’humour au menu de mes conversations téléphoniques, je tente de me rassurer lorsque je dis à mes interlocuteurs que je mène moi aussi cette drôle de guerre en ayant adopté un survêtement en guise de tenue de combat.
Pour échapper à l’ennui, mes journées sont rythmées par l’emploi du temps très strict que je me suis assigné. Je me précipite très tôt le matin, au point presse voisin et à la boulangerie du quartier où j’achète mes deux baguettes quotidiennes. Est-ce un toc, effet déjà perceptible de l’enfermement ? Tout en marquant un bref temps d’arrêt sur le chemin du retour pour parcourir les gros titres du Corse-Matin du jour, j’éprouve le besoin d’en entamer une des deux. Si je trouve par la suite quelque intérêt à lire les articles de fond consacrés à l’évolution de cette pandémie qui écrase le reste de l’actualité, je m’y plonge dès mon retour à domicile.
Les heures qui suivent sont généralement consacrées à la lecture. Je crois n’avoir jamais autant lu. L’arrivée à épuisement du nombre d’ouvrages que j’avais acquis en prévision de ma vie de reclus, et la fermeture momentanée des librairies de la ville, ne me laissent comme seule alternative que d’exhumer d’autres livres soigneusement rangés et oubliés depuis des mois, des années peut-être, dans les rayonnages de ma bibliothèque. Je redécouvre l’humour et le sens de l’autodérision de Romain Gary avec « La promesse de l’aube », le style ciselé tout en malice de Jean d’Ormesson qui nous dit « malgré tout que sa vie fût belle », et les descriptions sans concession de la société américaine de l’entre-deux guerres que nous livre Philippe Roth dans « La pastorale américaine », « Le complot contre l’Amérique » ou « La tâche ».
Une partie de l’après-midi est consacrée, autant qu’il se peut, au maintien de ma condition physique et mentale dans un état acceptable, en alternant séances de gymnastique et longues marches sportives dans une campagne ajaccienne déserte, déjà très avancée dans la célébration du printemps.
En début de soirée, sur les chaînes d’information en continu, des journaleux hystériques, pseudo animateurs de débats, interrogent, actualité oblige, des membres de la communauté scientifique qui trouvent le temps de se produire à la télévision malgré la situation d’urgence sanitaire déclarée. Quelques médecins fonctionnarisés surchargés de mission qui pantouflent auprès de la Direction Générale de la Santé ou de Santé Publique France les accompagnent. Egarés dans ces débats, quelques responsables d’Agences Régionales de Santé, formés à l’Ecole des Hautes Etudes de Santé Publique, tentent également d’y faire bonne figure. Dans ce contexte, au nom de convictions toutes personnelles, ces experts avérés ou autoproclamés dissertent sur les avantages et inconvénients de tel ou tel traitement. A ma connaissance un seul est administré à ce jour à des patients que le virus malmène, par le professeur Didier Raoult, dans les locaux de l’Institut Hospitalo Universitaire de Marseille avec quelques succès. Absent des débats, ce praticien mondialement reconnu dans sa spécialité, n’en est pas moins qualifié de gourou par nombre de ses collègues qui lui reprochent d’agir en dehors des standards classiques de la recherche médicale. La mission première d’un médecin n’est-elle pas de soigner du mieux possible les malades dont il a la charge avec les médicaments dont il dispose ? Cette question qui interroge nombre de béotiens dont je suis, échappe pourtant à la teneur des débats et à la sagacité des journalistes.
Navigateurs sans boussole, perdus dans une tempête qu’ils semblent ne pas avoir vu venir, ministres et secrétaires d’état se prêtent de temps en temps à ces mascarades. Ils ajoutent alors à la confusion générale et à la sensation de chaos dans lesquelles est plongé le pays, par leurs mensonges et leurs contradictions permanentes. C’est à l’écoute de l’une de ces foires d’empoigne que j’appris qu’en raison de mon âge, je faisais partie des personnes à risques susceptibles de faire l’objet d’une option thérapeutique. En termes plus clairs, je compris que face à une éventuelle pénurie de traitements ou de lits de réanimation en milieu hospitalier, la préférence serait donnée aux patients les plus jeunes. J’aurais volontiers malmené le porteur de mauvaise nouvelle, expert-comptable de la mort qui dans un complet veston impeccable de haut fonctionnaire tenait, ce soir là, sans émotion particulière ni complexe, ce discours d’abandon, de désertion, alors que l’enjeu de la bataille engagée depuis plusieurs semaines était la vie. L’idée que toute une classe de population pouvait être éventuellement sacrifiée venait d’être émise en direct sur nos écrans de télévision en France au vingt et unième siècle, à une heure de grande écoute. On n’entendit plus jamais le chant que cet oiseau de mauvais augure avait entonné, mais sa musique et ses paroles qui révélaient l’état déplorable de notre système de santé, sont encore bien présentes dans les mémoires. Sensation profonde d’être trahi par une cohorte de chenapans à laquelle s’ajoute la honte de mon impuissance à résister, je souffre du syndrome du harki.
Dans ce contexte inenvisageable il y a encore quelques semaines, je ne cesse de m’interroger sur cette société qui se dérobe sous mes pieds, sur ce monde que je pensais avoir contribué à rendre un peu meilleur en apportant dans le domaine des responsabilités qui étaient les miennes ma très modeste pierre à l’édifice. A quoi cela a-t-il pu servir ?
J’ai eu la chance de faire partie d’un corps de fonctionnaires de l’État dont la mission était de protéger, fusse au péril de leur propre vie, celle de leurs concitoyens confrontés à un danger quelconque. Je faisais le même métier que ceux qui après les lâches attentats du Bataclan, le massacre des terrasses de café du onzième arrondissement de Paris ou la tuerie de Charlie, étaient applaudis sur leur passage dans les rues de la capitale et dans bien d’autres villes du pays. J’étais policier et fier de l’être malgré les vicissitudes périodiques que connaît cette profession lorsque des politiques énamourés la courtisent à des fins électoralistes.
J’ai fait valoir mes droits à la retraite Il y a vingt-trois ans, au grade de commissaire divisionnaire. Le temps qui s’est écoulé depuis à la vitesse d’un boulet de canon a-t-il contribué à faire de moi un être sage ? Je ne le crois pas. Pourquoi prendrais-je d’ailleurs comme éternelle référence la vitesse de l’éclair qui sévit en ne vous laissant jamais le temps de courir vous mettre aux abris, alors que de réelles chances d’éviter les effets dévastateurs d’un boulet de canon existent même pour un retraité de soixante-dix-huit ans jouant à cache-cache avec un virus. Esthétiquement et pour le panache, j’aurais préféré la vitesse d’un cheval au galop, image plus noble s’il en est, mais l’on m’a fait remarquer qu’elle était exclusivement réservée aux déplacements de certaines marées d’équinoxe. Dommage.
Comme beaucoup de mes anciens collègues qui s’y sont essayés avec succès, j’avais envisagé d’écrire, de raconter ma vie de flic, relater ce à quoi je me suis employé pendant trente années parce que je pensais que c’était juste et noble. Les affres de la page blanche, et la crainte de sombrer dans le nombrilisme ont eu raison de ma seule tentative. En cette période troublée qui révèle au grand jour les défaillances du navire sur lequel nous sommes embarqués, aurais-je besoin d’une thérapie ?
Tels ceux qui en d’autres temps auraient laissé courir leur plume avec élégance, j’ai décidé de torturer mon clavier et de taquiner ma mémoire pour raconter cette vie. Si le cœur vous en dit, si vous arrivez à supporter la forme d’humour qui est mienne et dont je prétends qu’elle m’a plus souvent protégé des fâcheux qu’un gilet pare-balle, et mes petites aigreurs, je vous invite à tourner les pages qui suivent en faisant l’effort de les lire. Je vous parlerai inévitablement de moi, trop peut-être, mais pour l’essentiel de ce métier difficile auquel il faut rendre les lettres de noblesse dont l’actualité le dépouille trop souvent.
Sur le chemin escarpé que j’ai parcouru, j’ai rencontré de sinistres imbéciles qui à la limite de l’imposture le pratiquaient à mon avis par effraction, mais aussi des gens formidables de tous grades dont les qualités professionnelles, la dimension humaine, la culture et l’intelligence transparaissaient même dans les moments difficiles. Je n’ai oublié ni les uns ni les autres.
Au centre des choses
 
A l’issue de trois années au cours desquelles je m’étais essentiellement consacré à leur côté ludique, j’abandonnais le survol de me

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