Le monde du cinéma sous l Occupation
404 pages
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Le monde du cinéma sous l'Occupation , livre ebook

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Description

Le cinéma des années d’Occupation est l'ultime refuge des Français en mal d’évasion. Au cœur de la pénurie, il les transporte dans un monde d’abondance. Ici, apparemment point de pénurie, point d’« ersatz », de gazogène ou d’uniformes vert-de-gris. Les agapes se succèdent et des superproductions dignes des temps de pléthore voient le jour. En ces années noires, le spectateur semble avoir retrouvé son cinéma d’avant-guerre. L’envers du décor est surprenant. Chaque mètre de pellicule suppose un véritable tour de force. Il faut louvoyer entre la censure allemande et la censure puritaine de Vichy. Sur les plateaux de la misère, il faut recourir au système D pour faire surgir le moindre décor, récupérer le moindre morceau de bois, créer le métier de récupérateur de clous, tourner par des températures sibériennes en grand décolleté, prendre un bain de soleil par dix degrés au dessous de 0 et sucer des glaçons avant d'ouvrir la bouche pour éviter qu'un nuage de condensation ne s'échappe de la bouche pendant la déclaration d'amour... Ce livre, qui retrace également la vie quotidienne du spectateur, montre des cinéastes et des acteurs choyés du public mais aussi précipités dans les affres de l'Occupation et parfois livrés aux sirènes de la collaboration. Historien des mentalités, directeur de recherche honoraire au CNRS, Pierre Darmon a puisé dans un important fonds d’archives, dépouillé toutes les revues cinématographiques de l’époque d et plusieurs livres de souvenirs. Il nous restitue ici un tableau de mœurs de la plus haute précision.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 février 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414431021
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN numérique : 978-2-414-43101-4
 
© Edilivre, 2020
Avant-propos
Le cinéma français des années d’Occupation est le cinéma des paradoxes. Au cœur de la pénurie, alors que la disette de matières premières est à son paroxysme, voilà que surgissent à l’écran des superproductions inconnues dans les années fastes : Le château médiéval des Visiteurs du soir ou la somptueuse reconstitution du boulevard du crime des Enfants du paradis supposent une incroyable débauche de moyens. À table, les agapes se succèdent et le vin coule à flots, dans Capitaine Fracasse comme dans Les Visiteurs du soir , stimulant cruellement les glandes salivaires de spectateurs affamés. Les Allemands interdisent-ils l’accès aux zones côtières ? On reconstitue en studio des ports, avec bateaux amarrés, dans d’immenses piscines où l’eau se soulève en vagues déferlantes sous l’impulsion de moteurs d’avion. Et dans tout cela, nulle trace de voitures à gazogène ou de vélos taxis, de pénurie ou d’uniformes vert-de-gris. L’écran reste déconnecté de la réalité. Il est devenu l’ultime refuge d’un monde d’abondance oublié partout ailleurs.
L’envers du décor le voici : le crin qui entre dans la composition du staff est remplacé par du gazon ou de la paille séchés ; les fruits qui, dans Les Visiteurs du soir , garnissent la table du baron Hughes sont piqués au phénol afin que les figurants sous-alimentés ne les engloutissent pas avant le tournage ; le bois nécessaire à la fabrication des décors de Madame Sans-Gêne est dérobé, de nuit, dans des chantiers, par une équipe cinématographique qui ne craint pas de braver les foudres de la correctionnelle. La soie est remplacée par la rayonne. La carence en clous est si grande qu’elle risque de compromettre la fabrication des décors. Qu’à cela ne tienne, les studios créent la corporation de ramasseurs de clous dont les membres sont payés pour récupérer et redresser les vieux clous.
Les spectateurs frigorifiés envient les figurantes aux décolletés généreux qui peuplent les salons de La Duchesse de Langeais, on aimerait être à la place de Mireille Balin qui, dans Malaria , prend un bain dans les eaux tièdes des tropiques. Personne ne se doute pourtant que les belles figurantes ont tourné jusqu’à l’évanouissement par 15° au-dessous de zéro et Mireille Balin frigorifiée a dû faire semblant d’avoir chaud dans un bain d’eau glacée !
Autre miracle : des films que la censure de la Troisième République aurait repoussés font leur apparition à l’écran. Le Corbeau, Val d’Enfer, La Vie de plaisir sont autant d’études de mœurs qui passent la société française au crible avec une liberté de ton inconnue à ce jour. Aurait-on, avec le régime de Vichy, découvert la liberté d’expression ? La réalité est moinsz belle. L’occupant a imposé une firme allemande, la Continental, qui, au profit exclusif du Reich, tourne en France des films français pour un public français. Et cette firme n’a que faire des consignes édictées par la censure de Vichy. Dans le même temps, les maisons françaises courbent l’échiné sous le joug des thuriféraires de l’ordre moral et louvoient dans un maquis d’interdits grotesques. À telle enseigne que Micheline Presle, qui, dans La Nuit fantastique, évolue comme dans un rêve, drapée de mousseline blanche, donne des sueurs froides à Marcel L’Herbier. Les censeurs ne vont-ils pas interdire son film sous prétexte que ce délicieux personnage rappelle Marianne ?
Durant la décennie 1930-1940, l’industrie cinématographique française, encore trop jeune pour avoir été dotée de structures et de règlements, se développait dans l’anarchie et l’improvisation. Devenue l’éden des escrocs, elle était désertée par les banquiers. Or, sous l’Occupation, voilà que tout rentre dans l’ordre. Des organismes d’État sont créés. Ils édictent des règles, gèrent la pénurie, veillent sur l’honnêteté des opérations et sauvent le cinéma français d’une débâcle certaine ou de la mainmise allemande. Serait-ce la « divine surprise » des milieux du septième art ?
L’envers de la médaille, ici aussi, n’est guère réjouissant. L’occupant a vu d’un bon œil, sinon encouragé la création de ces organismes, courroies de transmission nécessaires entre l’autorité allemande et la corporation cinématographique. Malgré quelques bougonnements, ils ont bien fonctionné à son profit. En échange, les Allemands n’ont pas perturbé la bonne marche d’un cinéma authentiquement français. Donnant, donnant ! Fallait-il, pour cette incontestable parcelle de confort, leur accorder satisfaction ? C’est une question de morale et chacun peut y répondre à sa façon. Mais par-delà le cas particulier du cinéma, c’est tout le problème de Vichy qui est posé.
Cette parcelle de confort a permis de faire rêver des millions de spectateurs ivres d’évasion durant les heures noires. Le cinéma était alors ce lieu unique où l’on pouvait encore trouver un produit français qui ne soit pas un ersatz, et cela tenait du miracle. Aujourd’hui même, on garde de ce cinéma le souvenir d’une production de qualité, sinon d’une sorte d’âge d’or. Des films réalisés durant cette période, on a oublié la multitude de « navets » pour ne se souvenir que du Corbeau ou des Enfants du paradis . Pourtant, la proportion de bons films a sans doute été la même avant et après la guerre. Ce sentiment de perfection, on le doit peut-être à l’effet de contraste entre la noirceur des temps et le tour de force que constitua, dans un pareil contexte, la réalisation de films capables de rivaliser avec les meilleures productions d’avant-guerre. Le cinéma français a moins connu sous l’Occupation son âge d’or que ses temps héroïques.
Chapitre I Le cinéma s’en va-t-en guerre
Les étés qui précèdent les guerres s’inscrivent dans les mémoires comme les plus merveilleux de la vie. En 1914, la Grande Guerre avait éclaté après un mois de juillet resplendissant de lumière et de bonne humeur. Vingt-cinq ans plus tard, un ciel d’azur et la joie sont en France au rendez-vous et, dans l’euphorie des congés payés, tout un peuple au soleil s’efforce d’ignorer les bruits des bottes qui montent à l’horizon. Le cinéma est aussi de la fête.
C’ÉTAIT EN 1939
Cette année-là, la grande affaire se passe à Cannes, où le Premier Festival international du cinéma doit s’ouvrir le 3 septembre. Vers la mi-août, des touristes auréolés de gloire ont envahi les bords de la Méditerranée. Ils s’appellent Marlène Dietrich, Charles Boyer, Pola Negri, Gary Cooper, Douglas Fairbanks, Annabella. Comment se douteraient-ils qu’ils sont venus pour assister, en ce 3 septembre, jour fatidique de la déclaration de guerre, à l’inauguration d’un festival mort-né ?
Ce festival porte d’ailleurs la marque d’un triste paradoxe : il n’attire que les stars du mondé libre, alors que c’est Hitler et Mussolini qui, sans le vouloir, l’ont fait naître. Il n’existait en effet à ce jour qu’un seul festival international du septième art, la Biennale de Venise, fondée en 1932 par le régime fasciste. Mais cette manifestation, d’essence artistique dans son principe, avait, un an plus tôt, sombré dans la dérive partisane en écartant Quai des brumes , de Marcel Carné, au profit de deux films à la gloire des régimes totalitaires : Luciano Sera, pilote , de Goffredo Alessandrini et Vittorio Mussolini, fils du Duce, et Les Dieux du stade , de Leni Riefenstahl, documentaire sur les jeux olympiques de 1936 à la gloire du nazisme.
C’était plus qu’il n’en fallait pour hérisser de défiance les démocraties. Ainsi naquit, en France, l’idée d’un festival dépouillé de toute arrière-pensée politique. Les scrupules des Français sont si forts qu’ils ont écarté de leur première sélection cannoise Entente cordiale , de Marcel L’Herbier, qui salue l’alliance franco-britannique, au profit de L’Enfer des Anges , de Christian-Jaque, de La Loi du Nord , de Jacques Feyder, de La Charrette fantôme , de Julien Duvivier, et de L’Homme du Niger de Jacques de Baroncelli.
Si les Américains boudent la Biennale de Venise qui vient de s’ouvrir le 8 août, les Français ne peuvent en faire autant. Caressant le Duce pour le dissuader de rejoindre son compère Hitler dans le conflit qui pointe à l’horizon, ils y ont présenté six longs métrages de premier ordre, dont La Bête humaine , de Renoir, Le jour se lève , de Camé, et La Fin du jour de Julien Duvivier 1 . |Cette fois, soucieux de redorer son blason, le jury fera un choix œcuménique en couronnant La Fin du jour , Les Quatre Plumes blanches de Zoltan Korda (Grande-Bretagne), et La Vie du Dr Koch de Hans Steinhoff (Allemagne).
Cependant, à mille lieues de cet été qui sent la poudre, les étoiles du cinéma boivent à grands traits l’air et le soleil de la Côte. Marlene Dietrich est à Eden Roc et suit du regard sa fille Maria qui tournoie dans l’eau autour d’un certain John Kennedy, fringant jeune homme de vingt-deux ans et futur président des Etats-Unis. « Quel été ce fut, soupirera-t-elle plus tard, nous ne nous doutions pas que ce serait le dernier1 2  ! »
Dalio, qui vient de toucher un cachet de 75000 francs pour sa participation La Règle du jeu , de Jean Renoir, est à Cannes. Il se partage entre le Carlton et le casino. « La seule guerre qui me mobilise pour le moment, écrira-t-il, c’est celle que je mène contre le casino. La chance est avec moi… Je gagne 300000 francs 3 . » H n’est pas le seul. Pola Negri se souvient, à cette époque, que « les sommes d’argent qui changeaient de mains dans les casinos battirent tous les records, bien que le monde fût encore soumis à une dépression terrifiante 4  ». Comme chaque année, le Casino Palm Beach de Cannes est le théâtre d’une mondanité moins terre à terr

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