Pierre Michon, la littérature et le sacré
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Description

L’oeuvre de Pierre Michon, contemporain majuscule, rencontre un public toujours grandissant. Mais alors que
l’importance du sacré y est manifeste, elle n’avait encore jamais été étudiée pour elle-même. C’est à quoi s’attache
cet ouvrage, parcourant les différents textes de Pierre Michon pour y mettre en évidence la nature et la fonction
du sacré. Sacré chrétien et sacré archaïque s’y rencontrent, s’y affrontent, dans un tressage de références qui irrigue
la prose de Michon et participe à son identité même.
Essentiel à l’élaboration d’une écriture qui voit en Dieu le dédicataire de l’art, le sacré ne saurait pourtant se réduire
à la littérature : le traitement que lui réserve Michon le fait apparaître comme l’un des centres de gravité de sa vision
du monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 décembre 2019
Nombre de lectures 13
EAN13 9782304047851
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ouvrage coordonné par Marie-ève Benoteau-Alexandre
Pierre Michon, la littérature et le sacré
Esprit des Lettres
La publication de ce livre a bénéficié du généreux soutien de l’Association des Amis de Pierre Michon.
ISBN 9782304047851
© Décembre 2019
é ditions Le Manuscrit Paris


Dans la même collection
L’Art de la contre-attaque Marc Daniel, 2014
L’œuvre impossible : Claudel, Genet, Fellini Yehuda Jean-Bernard Moraly, 2013
Autobiographies de transfuges. Karl Philipp Moritz, Richard Wright, Assia Djebar Martine Leibovici, 2013
L’intraduisible dont je suis fait Anne Tomiche, 2012
Julien Green et l’Europe Sous la direction de Daniela Fabiani et Danilo Vicca, 2012


Avant-propos
Marie-Ève Benoteau-Alexandre
Le sacré, dans ses ambiguïtés – entre sacré droit et sacré gauche 1 , sacré chrétien et sacré païen –, dans sa formidable capacité à mouvoir les êtres – entre attraction et répulsion 2 –, traverse toute l’œuvre de Pierre Michon. C’est évident pour le sacré chrétien : Abbés ou Mythologies d’hiver baignent tout entiers dans une atmosphère sacrée qui tient de l’hagiographie et des récits de fondation médiévaux, tandis que le sacré fournit, à travers la théologie, des catégories de pensée essentielles à tous les textes de Michon : les fréquents propos de Pierre Michon sur l’importance des dogmes de la résurrection des corps et des corps glorieux dans l’élaboration de ses récits de vie, ou bien encore sur l’efficacité de la trinité chrétienne pour mettre en récit l’absence du père en sont la meilleure preuve 3 . Mais le sacré archaïque, qu’on voit notamment apparaître sous la forme de références éparses au panthéon aztèque ou aux peintures rupestres de Lascaux, dans La Grande Beune et dans Les Onze , n’est pas moins important.
« Stratégie d’écrivain », répond Pierre Michon quand on l’interroge sur cette présence comme obsédante du sacré 4 : il se serait agi, dans le contexte des années 1980, de faire pièce au tout sociologique dans lequel versait la littérature. Le recours à la « grande panoplie catholique » ( RVQV : 153), et plus largement aux oripeaux du sacré, n’aurait ainsi constitué qu’un simple positionnement dans le champ.
Les travaux rassemblés dans cet ouvrage apportent un démenti sans appel à cette minimisation.
Moteur des premiers textes de Michon – « Le Grand Tuba » (du nom d’une divinité aztèque) et « L’Étendard du Dernier Soupir » –, le sacré fait manifestement l’objet d’une fascination, susceptible de se traduire en une forme de mimétisme. Mimétisme de la « verticalité » ( RVQV : 313) et du caractère « absolu » ( RVQV : 40) que Michon prête à l’énonciation biblique ou à la langue liturgique (Sylvie Vignes, Marie-Ève Benoteau-Alexandre). Mimétisme également d’une posture que Michon évoque dans ses entretiens comme une « liturgie du texte » ( RVQV : 172) et qu’il décrit dans Vies minuscules ( VM : 165). Les propos qu’il développe dans les entretiens repris dans Le Roi vient quand il veut insistent en effet à l’envi sur une conception de l’écriture qui n’est pas sans rappeler la mythologie romantique de l’écrivain (Aude Bonord). L’écriture s’y voit décrite comme « forme déchue de la prière » ( RVQV : 29), comme tentative pour « attirer Dieu dans [le] livre 5 » ( RVQV : 58) – Dieu que Michon présente à plusieurs reprises comme « le dédicataire de l’art » ( RVQV : 42).
Le sacré peut alors apparaître comme une sorte d’opérateur visant à engendrer la prose : un sacré littéraire, en quelque sorte ( sui generis , comme le dit Jean-Claude Pinson ici même), à usage du texte – et c’est bien au constat d’une sacralisation de l’écriture ou du scribe qu’aboutissent nombre d’articles de ce volume.
Il serait cependant réducteur de n’envisager le sacré que comme un « truc » littéraire. S’il y a bien, de l’aveu même de Michon, une dimension rhétorique à l’utilisation du vocabulaire liturgique ou théologique, « mots creux comme des tambours », vides de tout « contenu », qui font « rebondir la littérature » par leur seule « profération » ( RVQV : 172-173), il précise aussitôt : « Mais comme on le sait, le vocabulaire engage tout l’être. » ( RVQV : 41) Au-delà donc du tour de passe-passe ou de la poudre aux yeux, le sacré est pourvu d’une épaisseur proprement ontologique. Qu’il suffise de rappeler que l’écriture est décrite par Michon comme le lieu d’une authentique expérience du sacré 6 , ouvrant à une « transcendance » qui, pour être « indéfinissable » ( RVQV : 58), n’en est pas moins appréhendable (Jean-Claude Pinson, Hervé Menou, Agnès Castiglione).
Mais de même que le sentiment d’imposture mine l’écriture de Michon, provoquant dans son œuvre cette « rhétorique de l’hésitation » décrite par Jean-Pierre Richard 7 , de même le rapport au sacré est souvent ambivalent pour cet « athée mal convaincu » ( VM : 204). Sacralisation et désacralisation alternent donc, dans un tourniquet qui semble menacer le sacré, ou du moins le déplacer (Jean-Paul Pilorget, Marie-Ève Benoteau-Alexandre, Sylvie Vignes).
Récits pour notre temps, les textes de Pierre Michon « légend [ ent ] la fin du sacré religieux propre à nos sociétés » (Jean-Claude Pinson). Mais, Michon le rappelle, « le religieux n’est que la pétrification et le semblant du sacré » ( RVQV : 58). Une autre forme de sacré apparaît, beaucoup plus indubitable, du côté des monstres (Denis Labouret), du sacrifice sanglant (Gaël Prigent, Carole Auroy), des Aztèques (Agnès Castiglione) et des pulsions originelles (Anne-Marie Picard). L’influence de la pensée de Bataille est capitale pour comprendre cette inflexion du sacré (Jean-Claude Pinson, Gaël Prigent). Le tragique fondamental qu’elle restaure contribue à rendre raison de l’interprétation très personnelle que livre Michon de la théologie chrétienne, ou même de la Bible : le « christianisme perverti » de la théologie michonienne est fait de cruauté, d’affrontement violent de « puissances » antagoniques (Stéphane Chaudier). Michon a beau dire que « le paganisme sacrificiel », la « vision du monde […] aztèque » – qui était selon lui celle de Giono – ne lui conviennent pas, et qu’il préfère quant à lui, en tant qu’écrivain, « la scène du christianisme », sa « dramaturgie » et sa « distribution des rôles » ( RVQV : 342, 344 8 ), il se livre en réalité à une sorte d’hybridation, laissant le sacré archaïque affleurer sous le « vernis chrétien » (Jean-Claude Pinson), voire concurrencer le sacré chrétien, peut-être même jusqu’à le détrôner, comme le laisse à penser le finale des Onze (Marie-Ève Benoteau-Alexandre).
Le sacré et la littérature sont, pour Michon, intrinsèquement liés. « Je crois en moi, en Dieu ou en la littérature quand j’écris – et seulement quand j’écris » ( RVQV : 118). Transformée en absolu, la littérature remplace Dieu et la ferveur se déplace de la pratique religieuse à celle de l’écriture. Le sacré n’est cependant pas uniquement cantonné à la littérature. Car au-delà de l’expérience singulière – qu’on a envie de dire spirituelle – de Michon écrivain, c’est à une forme d’anthropologie du sacré que son œuvre conduit. Celle-ci constitue à n’en pas douter l’un des piliers fondamentaux de la vision du monde que propose son œuvre.
La première partie de l’ouvrage, après l’article de Jean-Claude Pinson (« Des os avec du texte autour ») qui ouvre la plupart des pistes qui seront explorées dans le volume, prend au sérieux l’affirmation de Michon, « La Bible est mon pays 9 », et s’intéresse à l’inscription du texte biblique au sein même de son œuvre. Plus que le Nouveau Testament, c’est l’Ancien Testament qui a la faveur de Michon. Gaël Prigent expose dans un premier article (« Pierre Michon lecteur de l’Ancien Testament ») le minutieux travail de citation qu’effectue Michon, mais aussi l’importance des Livres des Rois dans son imaginaire, avant de se consacrer plus spécifiquement au traitement que les Psaumes y reçoivent (« David et les Psaumes chez Pierre Michon »). Commentant « Le ciel est un très grand homme », Agnès Castiglione (« Un texte d’été ») étudie l’imaginaire biblique qui s’y déploie à partir du livre de Ruth et de « Booz endormi » de Victor Hugo. Bien souvent, en effet, la Bible reçoit la médiation de la littérature.
La littérature est au cœur de la deuxi

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