Cette série, parue dans le Figaro Littéraire , est publiée avec l’aimable autorisation du Figaro . U n soir d’automne, au Ritz, un peu après Diên Biên Phu, c’est Paul Morand qui me présenta à Marcel Proust. Les deux écrivains avaient toujours été liés. Morand était l’auteur d’un poème qui commençait par ce vers : Proust, de quels raouts revenez-vous donc la nuit ?… Et Proust avait préfacé, en des termes où une ombre de perfidie le disputait à l’éloge, un des premiers livres de Morand : Tendres Stocks . Je devais revoir plusieurs fois Marcel Proust avant sa mort, à 89 ans, dans les bras de Céleste Albaret qui avait donné tant de traits à Françoise dans La Recherche . Cérémonieux et désordonné, il continuait à ressembler, selon le mot de Colette, « à un garçon d’honneur ivre » . Je le retrouvais souvent chez le cher Robert de Billy, qu’il ne faut confondre ni avec André Billy qui donna tant de chroniques au Figaro ni surtout avec l’ami très proche de Proust qui s’appelait, lui aussi, Robert de Billy. Mon Robert de Billy à moi habitait, rue de l’Université, le superbe hôtel Pozzo di Borgo où il recevait, après la Seconde Guerre, tout ce qui avait un nom à Paris. Proust, déjà âgé, aimait à y retrouver les Noailles, les Beauvau-Craon, la très belle duchesse de Montesquiou dont la fille, Victoire, marchait déjà, encore enfant, sur les traces de sa mère. Proust appréciait moins la beauté des femmes que leurs noms qui le faisaient rêver.
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