Sénégalaiseries : Dieu le pire
92 pages
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Sénégalaiseries : Dieu le pire , livre ebook

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Description

« Dieu le pire », c’est juste un lapsus du philosophe Hamidou Dia qui présente le livre de notre confrère Ibou Fall. Mais le caricaturiste, lui, l’a intitulé « Dieu le pire ». Titre provocateur voire blasphématoire sur la forme mais instructif dans le fond. Dans le style qu’on lui connaît, Ibou Fall n’a pas mis de gants pour décrire la société sénégalaise. Des « Sénégalaiseries » connues de tous et affectent tout le monde à la fois. Chacun s’y retrouve.Dès son premier roman, on sent l’instinct littéraire et la nouvelle perspective qui anime l’homme. Cela a poussé Pape Samba Kane à le comparer à Baudelaire. La connaissance très pointue qu’il a de la société sénégalaise lui permet de montrer l’état actuel de celle-ci de faire sa pathologie, ce qu‘il désigne par le mot « les Sénégalaiseries » pour caricaturer les Sénégalais.« Dieu le pire », titre blasphématoire disions nous, au premier vu, mais tel n’est pas le cas dans la mesure où ce livre permet à l’auteur de dénoncer l’usage qu’on fait de la croyance, avec des « drôles de confréries et des curieux khalifes ».Dans son livre, Ibou Fall nous fait savoir que chaque époque produit ses réflexions. La société, tout en se modernisant, doit garder ses réalités culturelles c’est-à-dire son passé avant d’aller vers le modernisme.C’est pourquoi d’ailleurs, dira Jacqueline Fatima Bokoum, « Ibou Fall a su mettre de l’alcool là où ça saigne ».Ainsi on peut dire que Ibou Fall a fouillé, tripoté, regardé les coins et les recoins comme on a l’habitude de le dire dans la société sénégalaise. Avec un style satirique à la limite humoristique, l’auteur distrait et instruit en même temps

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2021
Nombre de lectures 102
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0038€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

SénégalaiseriesDieu le pire (Il serait capable de décréter la Fin des Temps d’un simple mouvement de barbiche!) Ibou Fall
1
Sommaire - Au commencement était la meilleure créature du bon Dieu : le Wolof.3 P. - Mon mouton et moi… P. 10 - Les drôles de confréries et leurs curieux khalifes P. 20 - Dieu le MaîtreP. 27 -Les p’tits oustaz d’en bas31 P. -Dieu est grand, mais nos soucis ne sont pas petits P. 37 -«Natt’ou Yallah», ça n’arrive qu’à un bon croyant P. 44 -Aux temps bénis du bon Dieu… P. 51 - Leur vénérable aïeul, notre drôle de grand-père P. 55 -«Liguèy’ou ndèye»: le tribut aux mères vertueuses P. 58- Lesdoom’ou sokhna, lesdoom’ou madameetc. P. 62 -Doom’ou69transhumants P. - Merci pour tout, papa ! P. 74- Le tribunal des hommes, comme celui du Ciel ? P. 79 -L’abolition de l’esclavage, vous y croyez, vous? P. 83 - Après une vie bien remplie…87 P. - Le dernier jugement91 P.
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La meilleure anecdote qui me traverse l’esprit pour profiler mon sujet provient d’une conférence radiodiffusée du charismatique Serigne Cheikh Tidiane Sy, petit-fils du fondateur de la chapelle tidiane de Tivaouane, il y a de cela bien longtemps. Le marabout raconta ce jour-là l’histoire cocasse d’un quidam dans le besoin, qui tenta par tous les moyens d’obtenir un peu d’argent, en vain, malgré moult prières et incantations auxquelles le Seigneur est resté superbement insensible. Le jour de l’échéance fatidique, de guerre lasse, accroupi au pied d’un cocotier, le misérable lève les yeux au ciel et interpelle son Créateur:«puisque tu ne m’as pas tiré d’embarras, avant de me couvrir de honte, tue-moi !».Alors, comme par maléfice, une énorme noix de coco se détache de l’arbre et manque de peu de fracasser la tête du malheureux qui, le regard tourné vers le ciel, en tire la conclusion qui s’impose d’elle-même:«je savais que tu n’attendais que ça !».
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Au commencement était la meilleure créature du bon Dieu : le Wolof.
Nos ancêtres, qui ne sont quand même pas tous totalement stupides, eux, avaient affaire avec le bon Dieu. L’Unique, le Seul, le Miséricordieux. D’où les qualificatifs et la vénération qui va avec. Celui qui a fait le Paradis avant de penser à quoi que ce soit. Il a pris son temps, une semaine au total, et fait les choses avec doigté. Même s’Il a dû par la suite nous envoyer plein d’émissaires pour rectifier le tir, Il n’a jamais pensé à mal. Ce n’était pas le Bon Dieu, c’était le Meilleur de Dieu. Pour notre culture générale, plein de condescendance et de miséricorde, Il a édité plusieurs énormes Livres : un en hébreu, un autre en latin et, enfin, un troisième en arabe. La version wolofe est toujours attendue incessamment. Mais on ne va pas s’arrêter sur des détails aussi mesquins. Pour patienter, on peut se contenter de lire par-dessus l’épaule de nos semblables. Pas très pratique, mais ça vaut mieux que mourir idiot. Tôt ou tard, notre heure viendra. Nous autres, Sénégalais, les Wolofs précisément,sommes absolument surs d’être un peuple élu du Septième Ciel, et non moins persuadés que la dernière prophétie sera fatalement une encyclopédie en wolof balancée depuis le Néant,
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programmée pour atterrir juste sur le pif du plus finaud desBaol-Baol. Puisque je vous dis qu’on ne doute de rien. C’est bien pourquoinous regardons toutes les peuplades de la terre avec une sorte de bienveillante pitié, qui pourrait s’assimiler à du mépris, pour peu que vous soyez susceptibles. Ben quoi, vous croyez qu’un Wolof, ça marche dans la même allée que tout le monde ? Vous rigolez ! Un Wolof intégral vous le dirait sans sourciller : ils ne sont pas du même rang que le reste de la terre. Par exemple, avez-vous souvenance d’avoir jamais vu un vrai Wolof attendre tranquillement dans une file que son tour vienne ? Un authentique Sénégalais a toujours un cousin derrière les guichets qui le fait passer avant tout le monde après avoir menacé de représailles le premier bâtard qui se permettrait de soupirer par dépit. Vous ne verrez jamais un Sénégalais digne de ce nom remplir des formalités, chercher des autorisations avant d’installer ses pénates debana-banale boulevard, soucieux de sur l’environnement, c’est-à-dire du reste de la terre… Vous en avez déjà vu, vous, des piétons sénégalais, marcher sur le trottoir et éviter les voitures ? Un Sénégalais sang pour sang, ça vous défie du regard les automobilistes en marchant au milieu de la route, histoire de voir s’il y en a d’assez cons pour lui rouler dessus.
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Quand on vous dit que le Sénégalais est un être à part, comprenez que le Sénégalais en question, c’est lui, le Wolof purbissap. Personne d’autre ne serait digne de porter lesabador sénégalais. Pas le Peul, trop fourbe à ses yeux ; ni le Toucouleur, trop raide ; pas le Bambara, ni leSarakholé, trop frustes ; pas le Sérère, ni le Diola, versés dans le même panier, tous des primitifs qui ne seraient bons qu’à produire du personnel domestique et d’abominables jeteurs de sorts ; pas unMandiago, ni même unPourtoungagna, un Capverdien, si vous préférez, tous trop portés sur l’alcool et la magie noire. Quant auNaar, qu’il soit berbère de Mauritanie ou arabe de Syrie ou du Liban, son amour immodéré de l’argent le rend infréquentable et en fait un musulman de seconde catégorie. Y’a aussi lesGnaks, c'est-à-dire tout ce qui est au sud du Sénégal, après le territoire des Diolas et desMandjagos. Des autochtones qui vivent de cueillette et de sorcellerie, de la vraie magie noire, sacrifices humains et anthropophagie inclus. Les Wolofs ont toujours regardé ces indigènes comme des hordes primitives dévoreuses de singes, de rats, de chiens et de chats, dont le summum du raffinement est le bal-poussière-dansé-jusqu’à-l’aube. Leurs hommes se sanglent dans des costumes étroits et des chemises roses avec des cols battant de l’aile, se perchent sur des têtes-de-nègres à talons hauts et se décolorent la peau à grands coups de crèmes nauséabondes, tandis
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que leurs femmes musclées comme des mecs affichent la boule à zéro et vous draguent ouvertement à coups demots crus à faire tomber la barbiche d’un imam de grande mosquée. Le rapport au Toubab (Chinois et Vietnamiens,«borom beut you sèw yi», sont compris dans le lot) est encore plus définitif : ce mécréant finira en enfer parce qu’il ne cultive plus aucune des valeurs qui ont fait l’humanité dès la nuit des temps. D’ailleurs, ça se voit qu’ils sont paumés, les Toubabs, puisqu’ils épousent nos nièces et nos cousines égarées (nos filles sont trop bien pour eux !) et se convertissent massivement à l’islam wolof, (ben oui, deux pelés et un tondu, chez nous, ça signifie déjà la grande foule) tandis que leurs femmes viennent jusque sur nos plages chercher de vrais hommes virils. Un Toubab, ça a une petite quéquette, ça bande à peine, ça se complique la vie pour rien à concurrencer stupidement Dieu sur terre et, en plus, ça veut gouverner le monde ! Les Wolofs, le centre du nombril de l’univers autrement dit, sont déjà bien gentils de tolérer tout ce beau monde. Mais faut quand même pas leur demander de se prendre pour leurs semblables, à toutes ces sous-espèces de l’homme, comprenez à ces copies ratées du Wolof. Déjà qu’entre Wolofs, on se regarde en coin et que ça va du tout juste meilleur au franchement moins bon… Faut vraiment pas pousser!
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Vous ne saviez pas ? Mais si, mais si : lesBaol-Baolprennent tout le reste des Wolofs pour des demeurés, parce qu’ils aiment l’argent facile plus que les autres, pendant que lesKadior-Kadior les méprisent passablement, parce qu’ils leur dénient le sens de l’honneur et ne leur connaissent pas cette vertu cardinale de l’homme, la bravoure. Lat-Dior ne pouvait pas êtreBaol-Baol, assurément !N’empêche que tous ces provinciaux, du Cayor comme du Baol, regardent de haut ces sauvages deDjolof-Djolof, ces félons mal mouchés de Saloum-Saloum, ces va-nu-pieds deWalo-Waloet ces prétentieux deNdiambour-Ndiambour. Quant auxLébous, version Dakar, leur religion est faite : tout ce qui n’est pas de Dakar, est barbare. Ceux de Guet-Ndar sont encore plus radicaux: qu’est-ce que vous avez à les regarder comme ça, bandes de mangeurs deyaboyes? Vous voulez leurs pagaies dans la gueule ? Sorti des clans et tribus, vous tombez sur les castes… Les nobles sont des païens obtus, donc indignes de confiance ; chez lesbadolos, la classe moyenne autrement dit, ça manque singulièrement de tenue ; et lescastés, le bas de gamme en quelque sorte, sont tous des fourbes : du forgeron au tisserand, pas un qui ait le sens de l’honneur chevillé au corps. Et puis, sans vouloir en rajouter, y’en a des qui portent la poisse! C’est vous dire… Vous comprenez,
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là, pourquoi il n’y a aucune chance qu’une guerre civile éclate sous nos cieux bénis ? Chacun garde pour soi ce qu’il pense de l’autre. La sagesse populaire le dit bien :«partout où règne la paix, quelqu’un n’a pas dit tout ce qu’il sait». Bien vrai que les Diolas ont amorcé un semblant de révolte en réclamant l’indépendance de la Casamance… On a vite fait de les consoler en leur offrant un navire qui a coulé, emportant mille neuf cent quatre vingt dix Diolas, quinze Sérères, dix Toubabs, septSarakholés, trois Toucouleurs, deux Bambaras et… un Wolof. Pour faire bonne figure. Et encore, c’était unDjolof-Djolofascendant Peul. Le navire s’appelaitLe Diola. Ce seraitLe Wolof, il voguerait encore par-dessus les eaux tourmentées de l’Atlantique. MaisLe Diola
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