Cyberculture : Rapport au Conseil de l’Europe
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Cyberculture : Rapport au Conseil de l’Europe , livre ebook

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Description

Qu'est-ce que la cyberculture ? Quel mouvement social et culturel se cache derrière ce phénomène technique ? Peut-on parler d'un nouveau rapport au savoir ? Quelles mutations la cyberculture entraîne-t-elle dans l'éducation et dans la formation ? Quelles sont les nouvelles formes artistiques liées aux ordinateurs et aux réseaux ? Comment le développement du cyberespace affecte-t-il l'urbain et l'organisation du territoire ? Quelles sont, en un mot, les implications culturelles des nouvelles technologies ? De la numérisation à la navigation, en passant par la mémoire, la programmation, les logiciels, la réalité virtuelle, le multimédia, l'interactivité, le courrier électronique, etc., ce livre clair, complet et accessible aux non-spécialistes, se veut une présentation des nouvelles technologies, de leur usage et de leurs enjeux. Philosophe, Pierre Lévy est professeur à l'université de Paris-VIII (département hypermédia). Il a notamment publié L'intelligence collective (1994) et Qu'est-ce que le virtuel ? (1995).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 1997
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738173805
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PIERRE LÉVY
CYBERCULTURE
Rapport au Conseil de l'Europe
dans le cadre du projet « Nouvelles technologies : coopération culturelle et communication »
 
Ouvrage proposé par Charles Goldfinger






© É DITIONS O DILE J ACOB /É DITIONS DU C ONSEIL DE L' E UROPE, NOVEMBRE 1997 INTERNET : http://www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7380-5
 
 
À mes parents, Lilia et Henri.
INTRODUCTION
DÉLUGES
Penser la cyberculture, tel est l'enjeu de ce livre. On me considère généralement comme un optimiste. On a raison. Mais mon optimisme ne promet pas qu'Internet résoudra magiquement tous les problèmes culturels et sociaux de la planète. Il consiste simplement à reconnaître deux faits. Premièrement, que la croissance du cyberespace est le résultat d'un mouvement international de jeunes gens avides d'expérimenter collectivement d'autres formes de communication que celles qui sont proposées par les médias classiques. Deuxièmement, que s'ouvre aujourd'hui un nouvel espace de communication dont il ne tient qu'à nous d'exploiter les potentialités les plus positives sur les plans économique, politique, culturel et humain.
Ceux qui dénoncent la cyberculture aujourd'hui ressemblent étrangement à ceux qui méprisaient le rock dans les années cinquante ou soixante. Le rock était anglo-américain et il est devenu une industrie. Cela ne l'a pas empêché de porter les aspirations d'une part énorme de la jeunesse du monde, ni beaucoup d'entre nous de prendre un immense plaisir à écouter ou à jouer ensemble cette musique. La pop music des années soixante-dix a donné une conscience à une ou deux générations et elle a contribué à arrêter la guerre du Vietnam. Certes, ni le rock ni la pop n'ont résolu le problème de la misère ou de la faim dans le monde. Était-ce une raison pour « être contre » ?
Au cours d'une de ces tables rondes qui se multiplient sur les « impacts » des nouveaux réseaux de communication, j'ai eu l'occasion d'entendre un cinéaste devenu fonctionnaire européen dénoncer la « barbarie » incarnée par les jeux vidéo, les mondes virtuels et les forums électroniques. Je lui ai fait remarquer qu'il s'agissait là d'un étrange discours de la part d'un représentant du septième art. À sa naissance, le cinéma n'a-t-il pas été vilipendé comme moyen d'abrutissement mécanique des masses par presque tous les intellectuels bien-pensants et les porte-parole officiels de la culture ? Or, aujourd'hui, le cinéma est reconnu comme un art à part entière et il est investi de toutes les légitimités culturelles imaginables. Hélas, il semble que le passé ne soit pas capable de nous instruire. Le même phénomène qu'avec le cinéma se reproduit avec les pratiques sociales et artistiques qui se fondent sur les techniques contemporaines. Elles sont dénoncées comme « étrangères » (américaines), inhumaines, abrutissantes, déréalisantes, etc.
Je ne veux nullement laisser croire que tout ce que l'on fait avec les réseaux numériques soit « bon ». Ce serait aussi absurde que de prétendre que tous les films sont excellents. Je demande simplement que l'on soit ouvert, bienveillant, accueillant à la nouveauté. Que l'on essaie de la comprendre. Car la véritable question n'est évidemment pas d'être pour ou contre mais de reconnaître les changements qualitatifs de l'écologie des signes, l'environnement inédit qui résulte de l'extension des nouveaux réseaux de communication pour la vie sociale et culturelle. Ainsi seulement, on pourra développer ces nouvelles technologies dans une perspective humaniste.
Mais parler d'humanisme n'est-il pas le propre des rêveurs ? La cause semble entendue, les journaux et la télévision ont tranché : cyberespace est entré dans l'ère commerciale, « Les marchands montent à l'assaut d'Internet », titre Le Monde diplomatique . Il ne s'agit plus là que d'une affaire de gros sous. Le temps des activistes et des utopistes est révolu. Tentez d'expliquer le développement de nouvelles formes de communication transversales, interactives et coopératives : on vous répondra en parlant des bénéfices fabuleux de Bill Gates, P-DG de Microsoft. Les services en ligne seront payants, réservés aux plus riches. La croissance du cyberespace n'aura pour effet que de creuser encore le fossé entre les nantis et les exclus, entre les pays du Nord et les régions pauvres où la majorité des habitants n'ont même pas le téléphone. Faire un effort pour apprécier la cyberculture vous met automatiquement dans le camp d'IBM, du capitalisme financier international, du gouvernement américain, fait de vous un apôtre du néolibéralisme sauvage et dur aux pauvres, un fourrier de la mondialisation sous le masque de l'humanisme !
Il me faut donc ici énoncer quelques arguments de bon sens. Le fait que le cinéma ou la musique soient aussi des industries et qu'on en fasse commerce n'empêche pas d'en jouir, ni d'en parler dans une perspective culturelle ou esthétique. Le téléphone a rapporté et continue à rapporter des fortunes aux compagnies de télécommunication. Cela n'enlève rien au fait que les réseaux téléphoniques autorisent une communication planétaire et interactive. Que seulement un quart de l'humanité ait accès au téléphone ne constitue pas un argument « contre » le téléphone. On ne voit donc pas pourquoi l'exploitation économique d'Internet ou le fait que tout le monde n'y ait pas encore accès constitueraient en eux-mêmes une condamnation de la cyberculture ou interdiraient de l'envisager autrement que sur un mode critique. Il est exact que les services payants sont de plus en plus nombreux. Tout laisse croire que ce développement va se poursuivre et s'accélérer dans les années à venir. Néanmoins, il faut aussi remarquer que les services gratuits connaissent une prolifération encore plus rapide. Ces services gratuits proviennent des universités, des organismes publics, des associations à but non lucratif, des individus, de groupes d'intérêts divers et des entreprises elles-mêmes. Il n'y a pas lieu d'opposer le commerce d'un côté et la dynamique libertaire et communautaire qui a présidé à la croissance d'Internet d'un autre côté. Les deux sont complémentaires, n'en déplaise aux manichéens.
La question de l'exclusion est évidemment cruciale. Elle sera abordée au dernier chapitre de ce livre. Je voudrais simplement souligner dans cette introduction qu'elle ne doit pas nous interdire d'envisager les implications culturelles de la cyberculture dans toutes ses dimensions. Ce ne sont d'ailleurs pas les pauvres qui sont « contre Internet », ce sont ceux dont les positions de pouvoir, les privilèges (notamment culturels) et les monopoles sont menacés par l'émergence de cette nouvelle configuration de communication.
Dans un entretien au cours des années cinquante, Albert Einstein déclara que trois bombes majeures avaient explosé au XX e  siècle : la bombe démographique, la bombe atomique et celle des télécommunications. Ce qu'Einstein appelait la bombe des télécommunications, mon ami Roy Ascott (un des pionniers et l'un des principaux théoriciens de l'art en réseau) l'a nommé « le deuxième déluge », celui des informations. Les télécommunications entraînent ce nouveau déluge à cause du caractère exponentiel, explosif et chaotique de leur croissance. La quantité brute des données disponibles se multiplie et s'accélère. La densité des liens entre les informations augmente vertigineusement dans les banques informatiques, les hypertextes et les réseaux. Les contacts transversaux entre les individus prolifèrent anarchiquement. Voici le débordement chaotique des informations, le flot des données, les eaux tumultueuses et les tourbillons de la communication, la cacophonie et le psittacisme assourdissant des médias, la guerre des images, les propagandes et contre-propagandes, la confusion des esprits.
La bombe démographique, elle aussi, représente une sorte de déluge, une crue démographique inouïe. Un peu plus d'un milliard et demi d'hommes vivaient sur terre en 1900, on en comptera autour de six milliards en l'an 2000. Les hommes inondent la Terre. Une croissance globale aussi rapide et massive n'a aucun précédent historique.
Face à l'irrépressible flot humain, deux solutions s'opposent. Ou bien celle de la guerre, de l'extermination du déluge atomique, quelle que soit sa forme, avec le mépris des personnes qu'elle implique. Alors la vie humaine est en perte de valeur. L'humain est ravalé au rang du bétail ou de la fourmi, affamé, terrorisé, exploité, déporté, massacré.
Ou bien l'exaltation de la personne, l'humain considéré comme la principale valeur, ressource merveilleuse et sans prix. Pour mettre la valeur en valeur, nous nous affairons à tisser inlassablement des relations entre les âges, entre les sexes, entre les nations et les cultures, malgré les difficultés et les conflits. La seconde solution, symbolisée par les télécommunications, implique la reconnaissance de l'autre, l'accueil mutuel, l'entraide, la coopération, l'association, la négociation, par-delà les divergences de vues et d'intérêts. Les télécommunications étendent réellement d'un bout du monde à l'autre les possibilités de contact amical, de transactions contractuelles, de transmissions de savoir, d'échanges de connaissances, de découverte pacifique des différences.
Le fin maillage des humains de tous les horizons en un seul et immense tissu ouvert et interactif engendre une situation absolument inédite, porteuse d'espoirs, puisqu'elle est une réponse positive à la croissance démographique, mais créatrice aussi de nouveaux problèmes. Je voudrais en aborder quelques-uns dans ce livre, et spécialement ceux qui ont trait à la culture : l'art, l'éducation ou la cité à la merci de la communication interactive généralisée. À l'aube du déluge informationnel, peut-être une médita- tion sur le déluge biblique nous aidera-t-elle à mieux appréhender les temps nouveaux ? Où est Noé ? Que mettre dans l'arche ?
Du milieu du chaos, Noé construit un petit tout bien ordonné. Du déferlement des données, il protège u

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