Comment meurent les démocraties
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Comment meurent les démocraties , livre ebook

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Description

Italie 1922, Allemagne 1933, Espagne 1939, France 1940, etc. Une fois déjà la démocratie a été massivement menacée en Europe. Avec elle, ceux qui n’avaient pas su ou voulu la défendre ont vu disparaître l’État de droit et leurs libertés. Jean-Claude Hazera a relu l’histoire de l’entre-deux-guerres en y cherchant des leçons utiles pour nous tous qui voudrions éviter que l’histoire ne bégaie aujourd’hui. Les explications courantes par la crise et le chômage sont très insuffisantes. Pourquoi les États-Unis, aussi gravement atteints que l’Allemagne par la crise économique, ont-ils échappé au fascisme ? Convoquant documents d’archives, mémoires et témoignages, ce livre est le récit original et troublant de cette période mouvementée de l’entre-deux-guerres. Mais il se pourrait aussi qu’il éclaire d’un jour inédit les dangers les plus actuels de nos démocraties modernes. Jean-Claude Hazera est journaliste économique (il a notamment été rédacteur en chef aux Échos). Son précédent ouvrage Les Patrons sous l’Occupation (coécrit avec Renaud de Rochebrune) a été un immense succès. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 octobre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738145550
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2018 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4555-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À mes filles et à mes petits-enfants en leur souhaitant de toujours vivre dans le régime de démocratie et de liberté qu’ils auront su défendre.
INTRODUCTION

Un passé qui revient ?

Les catastrophes politiques des années 1930 pourraient-elles se reproduire ? Il n’y a pas si longtemps qu’on se pose cette question. En 1995, en écrivant un livre sur le comportement des entreprises françaises et de leurs dirigeants pendant la période noire du gouvernement de Vichy et de l’occupation allemande (1940-1945) 1 , l’auteur du présent ouvrage ne cherchait pas à prémunir son pays contre le retour d’un tel désastre. Il s’agissait d’exposer les faits dans leur crudité et leur complexité à des Français qui avaient encore du mal à regarder en face ce qu’avaient subi ou fait leurs parents et grands-parents. Ce passé, vieux de cinquante ans à l’époque, avait du mal à passer 2 . On parlait, certes, de « devoir de mémoire ». Mais on ne cherchait pas dans la France de 1940 leçons ou mises en garde pour la France de 1995. Même si celle-ci commençait à voir s’installer alors un parti extrémiste et xénophobe à droite (15 % des suffrages aux élections présidentielles). Le « populisme » n’était pas encore redevenu ce mot paresseux qui permet de mettre dans un même sac, sans les analyser, tous ces mouvements qui se sont multipliés depuis et remettent en cause les partis installés et le fonctionnement traditionnel de la démocratie.
Vingt-trois ans plus tard la France, l’Europe et même les États-Unis ont bien changé. La candidate du Front national, rebaptisé depuis Rassemblement national, était au deuxième tour des dernières élections présidentielles, en 2017 ; un peu partout en Europe des mouvements nationalistes, souverainistes, souvent d’extrême droite, s’imposent dans des coalitions de gouvernement ou en compliquent la formation. Le populisme, dont nous serons amenés à évoquer quelques ancêtres plus loin dans ce livre, a démontré sa capacité de nuire en faisant voter les Britanniques pour la sortie de leur pays de l’Union européenne et les Américains pour Donald Trump aux présidentielles, avant que sa variante italienne, le M5S, Mouvement 5 étoiles, accepte de gouverner avec la Ligue, mouvement ultranationaliste, dont il est ainsi devenu le marchepied vers le pouvoir.
La démocratie est-elle en danger ? 67 % des Français répondant à un sondage en novembre 2015 consentiraient à un gouvernement d’experts non élus «  qui réaliseraient des réformes nécessaires mais impopulaires 3  ». On comprend bien ce que les « réformes nécessaires » avaient d’attrayant dans la France qui allait élire Emmanuel Macron président en 2017. On peut même imaginer que certains sondés se soient laissés leurrer en imaginant un « gouvernement non élu » désigné par des élus… Ce résultat montre quand même que les fondements de la démocratie libérale sont très ébranlés. Le danger est dans nos têtes, au plus profond de nos sociétés. Comme dans l’entre-deux-guerres.
Pour peu que s’ajoute à tout cela une crise financière, comme en 2008, la ressemblance semble vite frappante avec cette période historique et sa crise de 1929. Commentaire de dîner familial ou de conversation devant la machine à café, cette vague impression finit par générer titres d’éditoriaux et même essais plus ambitieux 4 .
L’historien de 2018 est aussi un citoyen inquiet, comme le lecteur sans doute. Il se pose aujourd’hui, des questions qu’il ne se posait pas en 1995. Que nous apprennent d’utile ces années 1930 ou plutôt l’ensemble de la période qui sépare les deux guerres « mondiales » du XX e  siècle ? L’histoire doit être comprise aussi, sur certains sujets, comme « le laboratoire en activité » de notre présent, expression de Pierre Rosanvallon, historien français de la démocratie. Parlant de ses compatriotes, un autre grand historien français, Marc Bloch, écrivait : « Une vieille tradition nous porte à aimer l’intelligence pour l’intelligence, comme l’art pour l’art, et à les mettre à part de la pratique 5 . » Essayons d’avoir une intelligence pratique de l’histoire.
Et pour ce faire allons plus loin que « ça me fait penser aux années 1930 ». Le risque de ce genre de rapprochements sommaires, quand ils sont trop souvent répétés, est en effet de nourrir ou de consolider quelques lieux communs qui finissent pas faire d’une pseudo-histoire une mauvaise conseillère.
Revisiter avec un même regard ce qui s’est passé en Italie, en Allemagne, en Espagne et en France peut permettre de dégager des similitudes ou, au contraire, d’éviter des généralisations abusives. C’est d’un œil aussi frais, candide et débarrassé d’idées préconçues que possible qu’a été entrepris ce voyage dans le temps qui commence par l’Italie mussolinienne de 1922 et se termine avec la France pétainiste de 1940. Certaines des surprises qu’éprouvera peut-être le lecteur ont été ressenties d’abord par l’auteur.
Dès le départ, cependant, une idée souvent entendue impose une attention toute particulière. Il s’agit de ce théorème selon lequel les crises économiques génèrent le chômage qui, s’il n’est pas suffisamment combattu, est fatal à la démocratie et annonce les pires des aventures. Or des crises financières dégénérant en crises économiques, nous en connaîtrons d’autres. La responsabilité de l’économie dans les enchaînements qui vont être revisités devra donc être soigneusement pesée.
La suspicion à l’égard du théorème économico-politique évoqué ou plutôt de la place peut-être trop exclusive qu’il donne à l’économie explique la présence dans ce livre d’un pays qui semble faire figure d’intrus : les États-Unis. Si les crises économiques ont été le poison mortel de la démocratie, comment se fait-il que le pays le plus atteint par la crise de 1929, avec l’Allemagne, soit resté une démocratie ? Roosevelt a dû savoir trouver les mots et les actes qu’il fallait. Aujourd’hui aussi il y a certainement quelque chose à entreprendre.
Or l’une des conséquences possibles et néfastes de la croyance en une cause unique ou dominante est de contribuer à une sorte de consentement mou à une catastrophe politique annoncée. Nous ressemblons parfois à ces lapins hypnotisés par les phares d’une voiture et attendant le choc inéluctable. Il y a mieux à faire.
Une lecture réductrice de l’histoire se cantonnant à un économisme exagéré empêcherait aussi de bien voir tout le reste : les évolutions sociales, le mouvement des idées, les batailles politiques…
Un voyage dans le temps est aussi un voyage dans les livres. Ceux des historiens, mais aussi ceux des contemporains. Reportages de journalistes, journaux personnels, récits littéraires vont être souvent cités ici, non pas comme éléments de preuve historique, mais comme de précieux témoignages de l’état d’esprit de leurs auteurs. Pour comprendre ce qui s’est passé dans les têtes des Italiens, des Allemands, des Américains, des Espagnols et des Français d’avant 1940, approcher la sensibilité qui était la leur est aussi important que repérer les faits historiques. « L’expérience nous apprend qu’il est mille fois plus facile de reconstruire les faits d’une époque que son atmosphère morale », écrivait Stefan Zweig pour expliquer à ses lecteurs la nature de son entreprise dans Le Monde d’hier , rédigé peu avant son suicide . Nous avons besoin non seulement de comprendre aujourd’hui ce qui s’est passé autrefois, mais ce que les citoyens d’alors en ont pensé. Une rumeur fausse contemporaine des événements peut être aussi éclairante qu’un fait vrai. Car la démocratie n’a pas été assassinée en différents points du globe entre 1918 et 1940 par des dictateurs tout-puissants venant d’ailleurs. Le plus souvent elle s’est « suicidée ». Des citoyens libres se sont abandonnés à la « servitude volontaire ». Le danger était dans leurs têtes, comme il l’est dans les nôtres.
Les historiens de l’avenir étudieront les tweets les plus relayés aujourd’hui ou les résultats des sondages pour comprendre les évolutions politiques majeures qui sont devant nous. Ils trouveront aussi plus de réponses que nous ne l’imaginons dans des romans, des bandes dessinées ou des films. Nous sommes tous un peu responsables de demain. Certains plus que d’autres. Ceux qui formulent les questions des sondages ou des interviews, ceux qui assemblent les mots qui feront mouche dans la bouche des politiques, les « experts » qui répondent quotidiennement à nos angoisses dans les médias. Tous nous fabriquons de l’avenir en nous référant, plus souvent que nous ne le pensons, aux « leçons de l’histoire ». Puissent-elles ne pas être trop réductrices. L’ambition de ce livre est d’y contribuer.
CHAPITRE 1
L’Italie, où tout a commencé

Le fascisme est né de la crise économique mondiale de 1929. Résumé à sa plus simple expression, ce robuste lieu commun semble fonctionner car nous pensons d’abord à Hitler. Nous devrions pourtant être arrêtés par une objection logique simplissime : en Italie, Benito Mussolini, le premier des fascistes qui accède au pouvoir, est devenu Premier ministre le 30 octobre 1922, sept ans avant le « jeudi noir » du 24 octobre 1929 à Wall Street qui symbolise la fameuse crise. Or Mussolini est un personnage d’autant plus

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