Connaissance de la Déité

André G. Crabbe

Description

Pourquoi parle-t-on toujours de Dieu et non de la Déité ?

À travers ce livre, l’auteur propose une réflexion sur la Déité. Pour cela, il s’appuie sur deux penseurs de deux époques éloignées, dont les visions se rejoignent : Maître Eckhart (1260-1327), théologien, philosophe du christianisme du Moyen Âge, homme de lettres, et Raymond Abellio (1907-1986), philosophe et scientifique.

Cette réflexion l’amènera à constater la modernité de la vision philosophique de Maître Eckhart et la similitude de sa pensée avec les traditions orientales.

En soulignant la prépondérance de la Déité, sa présence incarnée dans chaque humain, cet ouvrage intéressera les lecteurs en quête de spiritualité qui ne se retrouvent pas dans ce que la société contemporaine leur propose.

Sujets

• Political Science

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 20 novembre 2018
• Nombre de lectures: 2
• EAN13: 9782414272440
• Langue: Français

Extrait

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ISBN numérique : 978-2-414-27245-7

© Edilivre, 2018
Exergue


“La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point comprise”
“en mémoire de Maître Eckhart 1260-1327”



















La photo de 1 re page de couverture : Das Meister-Eckhart-Portal an der Predigerkirche in Erfurt
Relief von Siegfried Krepp
Selbst fotografiert von Michael Sander
Dédicace


À Caroline
Avant-propos
« Entre Dieu et la Déité la différence est aussi grande qu’entre le ciel et la terre. […] Dieu ne devient que lorsque toutes les créatures le disent. C’est alors que Dieu devient. C’est ainsi que toutes les créatures parlent de Dieu. Et pourquoi ne parlent-elles pas de la Déité ? Tout ce qui est dans la Déité, cela est Un et il n’y a rien à en dire. »
Maître Eckhart 1 .
« Toute époque est selon sa vocation une grande époque », écrit Husserl. La nôtre ne peut démentir cette règle. Encore faut-il discerner sa vraie vocation. Le mot de « décadence » appartient au vocabulaire naïf. Toute fin de civilisation porte déjà en elle les linéaments cachés d’une civilisation nouvelle, et c’est l’une des tâches de la prêtrise gnostique invisible sécrétée par cette civilisation finissante d’informer d’elle-même cette gestation. »
Raymond Abellio 2 .
La cible des lecteurs potentiels de ce livre n’est pas seulement celle des universitaires, des encyclopédistes et autres bibliophiles. Elle s’adresse surtout à l’énorme masse de ceux qui se sentent désorientés par le désert spirituel que leur propose notre société contemporaine : notamment les agnostiques, les sceptiques, les chrétiens désabusés par leurs Églises, voire certains athées momentanément rebelles à toute spiritualité. Mais, également, à ceux qui seront surpris de constater la similitude de la pensée de Maître Eckhart avec celles des traditions de sagesse que sont l’hindouisme, le taoïsme et le bouddhisme.
Cet ouvrage propose une réflexion sur la Déité à partir de deux penseurs importants : le philosophe du christianisme du Moyen Âge : Maître Eckhart (1260-1327) et un homme de connaissance, père actif de la nouvelle gnose européenne, philosophe et scientifique, très influencé par Maître Eckhart, notamment en matière de Déité, tout en lui étant très complémentaire de par sa formation et son parcours : Raymond Abellio (1907-1986). L’épilogue « Homo Deitas », comme son nom l’indique, souligne la prépondérance de la Déité, sa fonction de matrice, ainsi que sa présence incarnée dans chaque humain (l’étincelle de l’âme). Nous y ébauchons une démarche ascendante permettant de connaître puis de parvenir et, enfin, de se fondre en Déité.
* * *
Maître Eckhart ‒ qui est souvent traité de mystique alors qu’il s’agit d’un mot qu’il n’a jamais prononcé et d’une expérience qu’il n’a jamais évoquée ‒ était à la fois théologien, philosophe, orateur, poète, homme de lettres. Il voulait, à tout prix, percer l’écorce des mots pour en extraire la pulpe de la vérité . Sa pensée est intemporelle et universelle, elle juxtapose spiritualité et vie active, ce qui l’a, très rapidement, fait élever au rang de Maître de lecture et Maître de vie. C’est l’un des objectifs de cet ouvrage d’en faire de même, en tentant de mettre en pratique l’acquis, que nous a cédé ce guide spirituel, en matière de processus, venant de, et menant à, la Déité :
Déité → Créatures → étincelle de l’âme → détachement → percée → retour en Déité
Nous allons tout d’abord, dans ce livre, nous interroger sur la réalité d’une renaissance contemporaine de la pensée du Maître Thuringien, puis réexaminer les nombreuses sources qui l’ont amené à conforter sa vision philosophique, mais en y ajoutant, toujours, une touche riche de singularité et de puissance créative toute personnelle. À cela s’ajouteront de nombreux témoignages de sa profonde influence et de sa modernité.
Un chapitre entier aborde cette modernité en décrivant plusieurs regroupements constituant des cercles inattendus et spontanés se revendiquant peu ou prou du Thuringien. Ces agrégations couvriront des cercles très internationaux autour d’écrivains, poètes, philosophes, bouddhistes, peintres, musiciens. Ils témoignent de l’influence d’Eckhart qui s’est davantage manifestée dans les arts, chez les créatifs, mais aussi au sein des traditions de sagesse, que dans sa propre religion qui lui a imposé une chape de plomb pour presque sept siècles.
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Dans la seconde partie, nous nous sommes demandés que faire de cette pensée ‒ si longtemps absente ‒ au XXI e siècle ? N’y a-t-il pas lieu d’adjoindre, à cette pensée, certains apports en termes d’ouverture et de convergence, dont plusieurs courants, eux aussi chercheurs de vérité ? Lors de cette quête, nous avons vite réalisé que l’homme de la situation était Raymond Abellio , lui aussi homme de connaissance, fondateur de la nouvelle gnose européenne, philosophe et scientifique, tout en étant en accord parfait avec Maître Eckhart, sur les questions de percée en Déité. Il ajoute, à l’œuvre du thuringien, une ouverture de par sa formation et son parcours (polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, homme politique, philosophe, romancier). L’apport d’Abellio repose également sur la connaissance approfondie qu’il possédait quant aux courants ésotéristes et philosophiques des six à sept siècles qui séparèrent nos deux penseurs de la Déité. Deux autres intérêts notoires de la pensée de Raymond Abellio concernent à la fois sa vision du monde fondée sur la phénoménologie transcendantale d’Edmund Husserl , ainsi que l’élaboration de l’œuvre de sa vie : La structure absolue , reposant sur le postulat de l’interdépendance universelle. Ce postulat est une pensée de l’être, conçue comme un Tout, qui récuse tout dualisme, toute fragmentation, tout éclatement dans une multiplicité irréductible. La gnose abellienne est à la fois vision vécue globale, intégrative et intégrante. Elle est toujours « unifiante ». Dans cette interdépendance généralisée, toute situation parcellaire, toute insularité est transcendée pour aboutir et vivre l’Un.
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L’ouvrage s’achève sur un épilogue : Homo Deitas , dans lequel nous insistons sur la prépondérance de la Déité. Comme Eckhart, nous nous demandons pourquoi on parle toujours de Dieu et non de la Déité. Cela étant dit, nous allons plus loin que Johannes Eckhart et Raymond Abellio , de par cette importance de la Déité aux dépens de Dieu. On retrouve d’ailleurs ce Tout, qu’est la Déité sans Dieu, dans d’autres spiritualités telles que les traditions de sagesse orientales dont le bouddhisme Zen. S’il y a un Dieu, c’est celui représenté par la Déité distribuée dans le tout un chacun de notre humanité. Déité, tellement développée chez certains, qu’ils ont fait dire, à d’autres que, le Nazaréen, le Thuringien, et bien d’autres 3 étaient déjà, de leur vivant, en Déité.
En un mot comme en cent, cet épilogue dénoue l’écheveau de certains passages des deux parties de cet essai ‒ les quiproquos entre Déité et Dieu ‒ en proposant clairement une approche ascendante de la connaissance de la Déité, une Déité matrice de l’univers, une Déité sans Dieu.
Eckhart démontre que nous avons deux naissances : l’une dans le monde, et l’autre à partir du monde. Cette Déité représente donc l’incréé d’où nous venons et où nous retournerons. Elle est notre origine et notre futur. Notre vie de créature, entre ces deux extrêmes que représente la vie terrestre ‒ ou entre ces deux naissances ‒ n’est donc qu’un passage, comme le dit, très crûment, le logion 42 de l’Évangile selon Thomas 4 :
Soyez Passant.
1 . Sermon Nolite timere eos. AdL p. 388-389.
2 . Abellio, Raymond, Fondements d’Esthétique , Paris, Éditions de l’Herne, 1979, p. 156.
3 . Dont de nombreux bouddhistes ayant atteints le Nirvana, à commencer par Siddharta Gautama, le Bouddha.
4 . L’ Évangile selon Thomas fait partie des Manuscrits de Nag Hammadi découverts, en décembre 1945, par des paysans égyptiens, dans une jarre contenant treize ensemble de documents recouverts de cuir contenant 54 textes différents, jamais publiés auparavant, dont le désormais célèbre Évangile selon Thomas , p. 226-228.
Première partie : Maître Eckhart (1260-1327)
Jésus a dit : « Que celui qui cherche ne cesse pas de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve. Et quand il aura trouvé, il sera troublé ; quand il sera troublé, il sera émerveillé, et il régnera sur le Tout. »
Évangile selon Thomas, logion 2.
Ursula Fleming 1 n’a jamais prétendu être une érudite patentée d’Eckhart, mais aucun être humain ne l’a autant influencée, profondément, que Maître Eckhart ‒ pas même Marco Pallis , et c’est peu dire puisque, lorsqu’elle abandonna, dans sa jeunesse, la religion catholique de son enfance, pour devenir bouddhiste, elle choisit Marco Pallis comme guide spirituel ‒ un alpiniste, musicien, philosophe et lui-même bouddhiste ‒ qui lui dit alors : « Retourne à ta religion de naissance. Retourne à tes sacrements et lit Eckhart. » Après de premières lectures elle lui fit cette remarque : « J’apprécie beaucoup Eckhart, mais je ne comprends que des fragments de ce qu’il dit. » Marco lui répondit : « Ne cherche pas à le comprendre. Continue juste de le lire » 2 .
John Orme Mills.
1 . Ursula Fleming (1930-1992) est la co-fondatrice de l’ Eckhart Society , avec le Père Dominicain Conrad Pepler , en 1987.
2 . Extrait d’une présentation faite par le dominicain, John Orme Mills op (1930-2010), lors de la conférence annuelle de l’ Eckhart Society en 2002. John Orme Mills était journaliste avant de rejoindre l’Ordre dominicain. Il était le rédacteur en chef du journal dominicain « New Blackfriars » et de la revue an