Contestation en Afrique
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Description

L’Afrique connaît d’intenses bouleversements dont les répercussions économiques et politiques sont à la fois considérables et préoccupantes. Des vagues contestataires prennent forme dans la région et on peut se demander quelles en sont les motivations les plus profondes. Ces mouvements sont-ils vraiment nouveaux ou prennent-ils racine dans une histoire beaucoup plus ancienne ? Pour bien comprendre les dynamiques qui secouent la région, faut-il mettre l’accent, comme on le fait actuellement, sur les jeunes et les nouveaux médias? Et comment se reconfigure le paysage politique africain à la suite de ces soubresauts ?
Écrit par deux spécialistes de l’Afrique francophone, de la sécurité et de la gouvernance, cet ouvrage brosse un large panorama de la politique africaine, des contraintes qu’elle subit et des espoirs qu’elle suscite.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 août 2022
Nombre de lectures 6
EAN13 9782760645967
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie-Eve Desrosiers et Yolande Bouka
Contestation en Afrique
Les Presses de l’Université de Montréal



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Contestation en Afrique / Marie-Eve Desrosiers, Yolande Bouka. Noms: Desrosiers, Marie-Eve, auteur. | Bouka, Yolande, auteur. Description: Mention de collection: Le monde en poche | Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20220002916 | Canadiana (livre numérique) 20220002924 | ISBN 9782760645943 | ISBN 9782760645950 (PDF) | ISBN 9782760645967 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Contestation—Afrique subsaharienne. | RVM: Afrique subsaharienne—Politique et gouvernement. Classification: LCC JQ1879.A15 D43 2022 | CDD 322.4/40967—dc23 Mise en pages: Chantal Poisson Dépôt légal: 3 e trimestre 2022 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2022 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) de son soutien financier.




Introduction
Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, un important mouvement de contestation politique secoue l’Afrique. Cet essor s’inscrit dans un historique déjà riche en mouvements protestataires, mais il fait également ressortir certains des enjeux économiques et politiques qui touchent la région aujourd’hui. Cette nouvelle vague de contestation marque-t-elle un tournant dans la politique africaine?
Certains épisodes de la dernière décennie ont aidé à faire connaître ce vent de fronde à l’échelle internationale. C’est le cas, notamment, la contestation au Burkina Faso en 2014, ou encore du soulèvement au Soudan en 2019, quand la rue a demandé la démission du chef de l’État et l’a obtenue.
De tels cas ne sont toutefois que la pointe de l’iceberg. Le regard que l’on porte sur ces épisodes marquants se borne souvent à ce qui se passe au moment même où il y a agitation, ce qui a pour conséquence de négliger un contexte de revendication plus large et plus ancien dans les pays où ils ont lieu. Ce regard sélectif tend également à ignorer toute une série d’autres épisodes, peut-être moins flamboyants ou dont les répercussions immédiates ont été moins évidentes, mais qui s’inscrivent tout autant dans un déferlement de protestations. L’ampleur de la vague est indéniable. Elle a touché l’Afrique dans son ensemble.
Pour autant, peut-on affirmer que ses conséquences sur la politique africaine sont tout aussi importantes? Alors que ce renouveau de contestation s’affirme depuis déjà plus de dix ans, le réflexe qui pousse à établir un bilan s’affirme lui aussi et aboutit bien souvent au genre de constat pessimiste qu’on accole typiquement au continent. Le désenchantement politique qui a généralement suivi ces soulèvements, comme au Burkina Faso, également récemment secoué par un coup d’État, tend à donner aujourd’hui l’impression d’un simple feu de paille qui se répète dans l’univers politique africain, sans transformer ce dernier de manière profonde.
Alors que les plus fatalistes n’imaginent la transformation de l’Afrique que par le conflit armé, on voit néanmoins que la contestation rivalise aujourd’hui avec la violence armée comme mode d’affirmation politique, ce que confirment les données de l’ACLED (Armed Conflict Location and Event Data). La contestation constitue une dimension incontournable de l’expression politique. Ainsi, si la transformation politique est un angle nécessaire à l’étude du phénomène contestataire puisqu’elle en est souvent le but, on doit, pour mesurer le changement, aller au-delà du «succès» ou non des processus de contestation eux-mêmes. Il faut également se pencher sur les formes d’affirmation politiques en soi, et les continuités et les ruptures qu’elles supposent, tout comme les cadres et les acteurs qui sous-tendent les mouvements.
Le but de cet ouvrage est dès lors de se pencher sur cette «décennie citoyenne». Ce panorama de la contestation politique africaine sera l’occasion d’aborder certaines questions plus précises. Par exemple, dans le paysage africain, ces mouvements sont-ils nouveaux? Comment expliquer la vague que l’on observe depuis les années 2010? Devrions-nous, pour la comprendre, focaliser l’attention, comme on tend souvent à le faire, sur les nouveaux médias ou sur les jeunes? Enfin, dans la foulée de cette décennie citoyenne, quelle forme prend aujourd’hui le paysage politique en Afrique?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il importe de préciser qu’en dépit du chevauchement géographique et temporel de la récente vague contestataire en Afrique et du Printemps arabe, généralement circonscrit de décembre 2010 à décembre 2012 et qui a touché certains pays africains comme la Tunisie, l’Égypte et la Libye, nous n’aborderons pas les événements dudit Printemps arabe. Les contextes, les dynamiques et les spécificités du Printemps arabe ont fait l’objet de nombreux ouvrages ces dernières années, d’où notre intérêt à regarder plutôt la contestation par-delà le Sahara. Les pays de l’Afrique du Nord occupent parfois un espace ambigu entre l’Afrique et le reste du monde arabe. Cependant, il n’en reste pas moins que les liens qui unissent l’Afrique du Nord aux autres sous-régions africaines sont des liens forts et historiques. Si notre regard se pose sur la vague de contestations en Afrique, ce n’est pas pour nier les ponts entre celle-ci et le Printemps arabe, mais plutôt pour discuter de réalités contestataires qui ont été moins couvertes et qui, peut-être, ont fait l’objet d’une tendance à les imaginer comme nécessairement dérivées d’autres contextes, y compris celui du Printemps arabe. Par ailleurs, même si nous illustrons notre propos à l’aide d’exemples et de vignettes, nous avons conscience des risques inhérents que fait courir une vision trop globalisante de l’Afrique. Ses contextes, qu’ils soient protestataires ou autres, sont loin de se fondre les uns dans les autres, comme le reste de l’ouvrage l’illustre. Même si nous cherchons à brosser un large portrait, il faut nous rappeler que l’histoire de la région n’est pas unique.


Un XX e siècle de contestations politiques
Si la notion de contestation politique fait aujourd’hui partie de notre quotidien médiatique, elle n’en demeure pas moins vague. Ce flou est alimenté par la variété de formes qu’elle peut prendre, allant des marches pacifiques aux campagnes dans les médias sociaux, en passant par les grèves ou les émeutes. Certains vont jusqu’à inclure dans sa définition des formes plus obliques et cachées de remise en question des ordres et des pouvoirs. Sur la base des travaux de chercheurs se penchant sur les mouvements sociaux et la politique contestataire ( contentious politics ), nous considérons la contestation politique comme tout mouvement collectif public visant à affirmer ou à revendiquer un positionnement, une demande ou un changement politique 1 .
La notion de politique fait référence à l’univers des attentes et des aspirations, de l’influence et du pouvoir, et des conflits que cet ensemble fait naître entre différents acteurs de la société, y compris les autorités. Elle ne fait pas nécessairement référence à la politique établie, puisque les mouvements protestataires opèrent souvent en dehors des canaux que constituent les institutions politiques formelles, si ce n’est pas en les défiant. Si l’on parle ici de contestation populaire, c’est pour attirer l’attention sur les mouvements portés par ceux qui ne sont justement pas les autorités, ou qui n’appartiennent pas au système politique en place. Toutefois, l’image du «peuple» derrière ce mot «populaire» peut être trompeuse puisque la contestation politique recoupe, et tout particulièrement dans ses mouvements les plus larges, des élites (opposants politiques, leaders économiques, militants influents notamment) tout autant que des citoyens dits ordinaires.
La contestation politique s’accompagne parfois de violence, jusqu’à susciter des émeutes ou même des révoltes. La distinction entre ces formes d’expression politique est parfois difficile à établir, d’autant plus que les révoltes naissent généralement de mouvements de contestation politique. Au cours des années 2010, la non-violence semble avoir été un outil des plus efficaces du changement politique 2 . Cette tendance paraît cependant s’inverser depuis quelque temps, ce qui nous amène à ne pas exclure de notre analyse les formes violentes de la contestation, qu’elles soient réprimées par les forces de l’ordre ou parce que les manifestants s’en prennent eux-mêmes violemment à celles-ci. L’univers de la contestation politique est donc très varié, et c’est cette diversité qui transparaît dans toutes ses incarnations historiques et contemporaines en Afrique.
Les vagues précédentes
L’esprit de résistance et d’opposition ainsi que l’espace contestataire ont toujours existé en Afrique. On s’est mobilisé contre les pouvoirs en place bien avant la colonisation, comme on l’a fait contre l’emprise croissante des pouvoirs européens dans la région et leur entreprise dite de pacification ou de stabilisation coloniales, pour employer les euphémismes de l’époque. On cite souvent la guerre des Zoulous contre les Britanniques comme l’un des exemples emblématiques d’une résistance affirmée. De nombreux autres cas existent, comme la résistance à la colonisation en Côte d’Ivoire et en Algérie.
Deux vagues révolues méritent que nous nous y arrêtions, leur ampleur justifiant l’utilisation du mot lui-même 3 . D’une part, une première vague s’est constituée à partir des mouvements syndicalistes et anti­colonialistes en amont des indépendances, des années 1940 au début des années 1960. D’autre part, une deuxième vague s’est bâtie sur les mouvements accompagnant les politiques d’au

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