Détournement d État : Un bilan de quinze année du gouvernement libéral
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Description

« Au tournant des années 1960, tous s’accordaient pour dire que le Québec venait au monde et cela suscitait l’enthousiasme de la population. De nos jours, on chercherait en vain de telles espérances. L’époque est au ressentiment et à la résignation, car on ne désire pas l’État néolibéral. On le subit comme une fatalité. Tout bilan des quinze années de pouvoir du Parti libéral du Québec doit prendre acte de ce fait et l’expliquer : le Québec d’après 2003 ne sait plus, collectivement, ce qu’il veut. »
Depuis son accession au pouvoir, le PLQ a transformé le Québec en profondeur, si bien qu’aujourd’hui, la quasi-totalité des partis emboîtent le pas et acceptent l’héritage laissé par ceux qu’ils aspirent à remplacer. On critique certes les politiques libérales dans leurs menus détails, mais ce n’est souvent que pour mieux en honorer l’esprit. Il va sans dire que ce legs marquera durablement la société québécoise. Mais celle-ci se porte-t-elle mieux aujourd’hui qu’en 2003 ? Est-ce possible d’accepter la philosophie des réformes libérales sans pâtir de ses conséquences ? Ne devrait-on pas plutôt renoncer à cet héritage ?
Pour répondre à ces questions, Guillaume Hébert et Julia Posca rappellent à notre mémoire les grandes figures du règne libéral (Jean Charest, Monique Jérôme-Forget, Raymond Bachand, Nathalie Normandeau, Tony Tomassi, Philippe Couillard, etc.) et peignent un tableau réaliste de la révolution (néo)libérale qu’a connue le Québec.
Cet essai a été écrit par Julia Posca et Guillaume Hébert pour l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 août 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782895967453
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Lux Éditeur, 2018
www.luxediteur.com
Dépôt légal: 3 e  trimestre 2018
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN (papier): 978-2-89596-279-3
ISBN (epub): 978-2-89596-745-3
ISBN (pdf): 978-2-89596-935-8
Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la SODEC . Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada pour nos activités d’édition.

I NTRODUCTION
D E C HAREST ...
E N 2017, LE P ARTI LIBÉRAL DU Q UÉBEC (PLQ) fêtait ses cent cinquante ans. Au congrès du parti en 2013, Jean Charest n’avait pas tort d’affirmer qu’il s’agissait du «parti politique qui est le plus intimement lié à l’histoire du Québec». La plus vieille formation politique de la province a sans contredit accompagné le Québec dans son évolution. Loi sur l’assistance sociale de Louis-Alexandre Taschereau dans les années 1920, création d’Hydro-Québec par le gouvernement d’Adélard Godbout en 1944, ou encore réformes majeures adoptées dans la foulée de la Révolution tranquille, notamment en éducation et en santé: les politiques du PLQ ont contribué à changer en profondeur le visage du Québec moderne.
En 2018, le PLQ célèbre quinze ans presque ininterrompus à la tête du gouvernement de la province. Le 14 avril 2003, il fait en effet élire un gouvernement majoritaire avec Jean Charest à sa tête. Une réingénierie de l’État et quatre ans plus tard, un gouvernement minoritaire libéral est élu. L’année suivante, en 2008, le PLQ forme à nouveau un gouvernement majoritaire. Après une première vague d’austérité et un conflit étudiant historique, un mouvement populaire d’une force inédite chasse du pouvoir Jean Charest et son parti. On est en 2012. Il ne faudra néanmoins que dix-huit mois au PLQ pour reconquérir le pouvoir: en 2014, c’est au tour de Philippe Couillard d’être premier ministre du Québec.
En quinze ans, le PLQ a une fois de plus imprimé sa marque sur le Québec, mais il a pris une tout autre direction que celle choisie par la fameuse «équipe du tonnerre» de Jean Lesage dans les années 1960. Au terme de ce cycle, un bilan s’impose. Il faut donc se demander ce qu’est devenu l’État québécois sous la gouverne du PLQ et voir de près dans quel état celui-ci laisse la société québécoise.
* *   *
On ne peut cependant parler de l’État québécois sans d’abord faire référence au modèle qui a émergé dans la foulée de la Révolution tranquille et que l’on nomme «État-providence». Le «modèle québécois» s’est construit à partir d’un compromis social et politique axé sur un filet social étendu et des politiques redistributives importantes. Ce modèle a permis de hausser le niveau de vie des Québécoises et des Québécois tout en réduisant les écarts entre riches et pauvres. Mais cet élan historique n’aura-t-il été qu’une parenthèse ouverte et refermée par le PLQ? C’est une question que l’on peut se poser aujourd’hui. Il n’est par ailleurs aucunement question ici de glorifier cet épisode de l’histoire du Québec, de le magnifier ou de se complaire dans la nostalgie. La Révolution tranquille n’a pas tenu toutes ses promesses de refondation et d’émancipation du peuple québécois. Notre analyse dans Dépossession relativisait l’héritage des «révolutionnaires tranquilles» et montrait en outre que cette «révolution» avait surtout servi de levier pour la recomposition des élites [1] . Cela dit, le modèle québécois a quand même forcé les élites d’affaires à des compromis: pour rattraper le retard économique du Québec, notamment par rapport à ses voisins, elles avaient en effet besoin du soutien de l’État.
Au début des années 1980, une frange de l’élite politique commence à remettre en question le modèle québécois. Selon certaines analyses, les premières pierres qui vont servir à édifier l’État actuel sont posées en 1982 lorsque le premier ministre péquiste René Lévesque ampute de 20 % la rémunération des fonctionnaires de l’État. Pour d’autres, c’est plutôt la victoire éclatante [2] du PLQ de Robert Bourassa en 1985 qui sera le point de bascule. On appelle alors «État-Provigo» ce modèle qui se dessine sous l’inspiration de personnages issus du privé, dont Paul Gobeil, ancien haut dirigeant de la chaîne de supermarchés élu sous la bannière libérale. Ces personnalités associées au monde des grandes entreprises présideront à la privatisation de plusieurs sociétés d’État sous le premier gouvernement de Robert Bourassa. Pour d’autres encore, ce sont le déficit zéro et les politiques d’austérité brutalement imposées par Lucien Bouchard et le Parti québécois (PQ) en 1996 qui constituent le véritable moment fondateur du néolibéralisme au Québec. Cette année-là, en consacrant un dogme dont les fondements théoriques et empiriques sont plutôt douteux, la Loi sur l’élimination du déficit et l’équilibre budgétaire enferme l’intervention de l’État dans un carcan infernal. Depuis, le déficit zéro est devenu l’une des armes privilégiées des fossoyeurs de l’État-providence.
Toutes ces analyses sont sans doute assez exactes. On ne change pas en un claquement de doigts la direction d’une société, avec ses institutions, ses habitudes et ses intérêts solidement établis. L’État est un gros paquebot et il faut du temps pour le manœuvrer. Les effets de telles réformes ne se font donc sentir que progressivement. Ils sont souvent imperceptibles. Mais il vient un moment où l’accumulation des réformes change la nature de l’État. Et ce tournant, ce grand renversement, s’est opéré avec l’élection du PLQ en 2003.
À titre de premier ministre du Québec, Jean Charest a résolument conduit la province sur une autre voie. Avant d’être l’égérie du PLQ, ce natif de Sherbrooke était considéré comme le «sauveur» du Parti progressiste-conservateur du Canada. Il vient d’ailleurs d’une famille conservatrice, son grand-père ayant même été un organisateur de Maurice Duplessis dans les années 1930. Son père, Claude «Red» Charest, était un homme d’affaires bien connu de l’Estrie. Plus encore, l’avocat de profession a fait ses classes politiques avec son second père, l’artisan du libre-échange au Canada et le grand responsable de la privatisation de nombreuses sociétés d’État, Brian Mulroney. L’idéologie néolibérale s’étant déjà propagée autant chez les conservateurs que chez les libéraux, personne ne s’est étonné de voir Jean Charest faire le saut en politique provinciale pour prendre la tête du PLQ à la fin des années 1990.
Le Québec pour lequel s’est battu Jean Charest durant ses années au pouvoir est celui de l’équilibre budgétaire, ce pivot des politiques mises en œuvre dans les quinze dernières années. À l’occasion de l’anniversaire du PLQ en 2017, alors que les militants libéraux l’accueillent en héros, il affirme: «Je vais vous faire une confidence [...]: j’aurais bien aimé, moi, être le premier ministre du Québec qui était en poste au moment où la cote de crédit du Québec était supérieure à celle de l’Ontario.» Ce fétichisme de la cote de crédit, qui découle de celui du déficit zéro que prescrivent les agences de notation, a structuré l’action du gouvernement et transformé le visage de l’État québécois. Aujourd’hui, ce qu’on appelle le «modèle québécois de la solidarité sociale» existe toujours, mais ce n’est plus le fondement de l’État et de l’identité du peuple québécois. C’est au mieux une façade derrière laquelle se règlent les «vraies affaires». Il y a donc un avant et un après 2003, tout comme on peut dire qu’il y a eu un avant et un après 1960.
À cette thèse s’ajoute un constat dont on s’étonne qu’il ne suscite pas davantage de débats. Au tournant des années 1960, tous s’accordaient pour dire que le Québec venait au monde et cela suscitait une forte adhésion de la population. L’époque était largement optimiste. De nos jours, on chercherait en vain de telles espérances. Tout bilan qui se respecte devra prendre acte de ce fait objectif et l’expliquer. L’époque est au ressentiment et à la résignation. Autrement dit, si on a désiré et voulu le modèle québécois, pour le meilleur et pour le pire, on s’adapte à l’État néolibéral comme on subit une fatalité. Le Québec d’après 2003 ne sait plus, collectivement, ce qu’il veut.
* *  

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