Etudes de comptoirs
114 pages
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Etudes de comptoirs , livre ebook

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Description

Grâce à ce recueil de nouvelles, on entrevoit les faiblesses de l’individu et les difficultés qu’il a à affronter le quotidien. Il parvient pourtant à survivre, grâce à cette superbe capacité d’adaptation dont il est doté. Les nouvelles traitent de l’addiction de l’homme aux nouvelles technologies, de notre perception de l’autre mais aussi, un peu, de l’amour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 août 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332589958
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright




Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-58993-4

© Edilivre, 2013
Point com
Vous allez supprimer définitivement votre profil, est-ce bien ce que vous souhaitez faire ?
Bien évidemment que je souhaite le faire, sinon je n’aurais pas cliqué sur désinscription. Je confirme. Un dernier message : mais vous êtes sûr comment ? Je suis décidé à effacer mes traces ici, sale bête ! Je clique une dernière fois. Votre désinscription est bien prise en compte, nous sommes désolés de n’avoir pu vous apporter le service souhaité mais soyez certain que nous continuerons à vous spammer allègrement. Si ça te fait plaisir, de toute manière, je vais supprimer ma boîte e-mail !!! Haha ! Vous spammerez dans le vide !
Voilà, c’est fait, je viens de quitter définitivement le monde du point com. Du moins, je l’espère. Comme l’alcoolique repenti, qui vide sa dernière bouteille dans son évier, je me suis fait la promesse de ne plus y toucher. En effet, je suis point com addict, cette dépendance étrange des temps modernes qui nous fait passer notre temps sur les réseaux sociaux d’Internet.
Pour comprendre comment je me retrouve aujourd’hui à entamer une cure de désintoxication, il est essentiel que je vous narre les mécanismes à l’œuvre m’ayant conduit à cette addiction.
Sans Internet, jamais je ne serais tombé si bas. Je vous sens pourtant sourire, peut-être même rire, mais attention, nous pouvons tous être confrontés à cette terrible maladie. Petit test. Êtes-vous capable de ne pas twitter plus d’une semaine ? N’avez-vous jamais, au cours d’une journée particulièrement ennuyeuse au travail, répondu aux multiples tests de Facebook ? Sur quel site vous êtes-vous inscrits lorsque vous avez été jetés par l’être aimé ? On sourit moins tout à coup ! Il semblerait que certains d’entre vous se reconnaissent même dans une de ces affirmations !
Comme vous – je préfère vous inclure, je me sens moins seul et blanchi de toute honte – j’ai été pris dans la spirale infernale sans m’en rendre compte, par petites touches. On teste, on goûte, c’est nouveau, on trouve même cela un peu ras des pâquerettes et inoffensif, donc aucun risque d’y revenir. C’est à ce point précis que se situe l’erreur commune.
On commence par le « chat » et autres messageries instantanées de base, où l’on retrouve avec plaisir ses amis, pour se donner quelques nouvelles, partager nos impressions sur le temps qu’il fait, se mettre d’accord sur la prochaine soirée, ou simplement partager l’ennui d’une journée de travail. Rien de bien méchant, on ne vole ni le temps de l’employeur, du moins pas plus qu’auparavant, ni vraiment encore le sien propre.
Très vite, cela se gâte avec l’élargissement du cercle d’amis restreint à de parfaits quasi-inconnus issus de nos tendres années d’enfance, ces personnes avec qui nous étions en classe en primaire, au collège, au lycée, ou bien encore membres actifs d’une même association. On se refile des e-mails qui explosent rapidement un carnet d’adresses qui n’est plus maîtrisé.
Que recherche-t-on en s’inscrivant à ces sites « potos d’hier ». Retrouver l’amour du bac à sable ? Le copain qui a déménagé et qui nous avait tant manqué ? Pas sûr ! Pourtant, on est prévenu, ces sites ont un nom bien explicite : potes d’avant, c’était… hier, le passé, bien révolu. Il est à noter que si le contact avait été rompu, c’est qu’il y avait bien souvent une excellente raison. D’ailleurs, est-ce que j’étais réellement pote avec Duschmol ? Pas vraiment, nous étions camarades, voilà tout. Malgré cela, nous cherchons à savoir ce qu’ils sont devenus. L’idée est plaisante à vrai dire, les différentes routes de la vie nous ont menés sur des chemins si divers. Mais passé les premières minutes de découvertes de ce qu’est devenu l’autre, ces différences de chemin se rappellent à notre esprit très vite. On n’a pas grand-chose à se dire et encore moins à partager, sauf rares exceptions. Trop tard, le contact est renoué, alors en ouvrant sa messagerie instantanée chaque jour, on est salué par tous ces fantômes du passé. Ça va ? Ça va ! Et toi ? Ça baigne ! C’est cool, @ + !
C’est à ce stade que l’on commence à passer un temps non négligeable devant l’écran, à zoner, sans but précis, dans une sorte d’attente indicible, passant à côté de l’essentiel, les vrais potes qu’on ne prend plus le temps d’appeler.
Heureusement, la technologie est venue au secours de l’espèce humaine en général et de ma pomme en particulier, en créant les réseaux sociaux.
Le principe est simple : un profil, des amis, une mise en relation desdits profils, et la possibilité de partager ses émotions, ses coups de gueule et autres délires du quotidien. Sur le papier, du très très bon, on ne peut qu’en convenir. Et pour la société de l’éclatement qui est la nôtre, dans laquelle le nomadisme est une norme acceptable, si ce n’est encouragé, c’est une possibilité intéressante de ne pas rompre le fil ténu de la vie amicale et familiale. Avec un avantage suprême, la date d’anniversaire qui s’affiche, fini les loupés qui exacerbent les susceptibilités. On a beau se foutre de son anniversaire, nous sommes bien malheureux si les autres n’y pensent pas. Petite vanité humaine.
Au départ, bien innocemment, j’ai rempli mon profil. Le strict minimum, nom, prénom, date de naissance. Et puis, sans crier gare, on se retrouve à présenter la totalité de son pedigree. La différence avec Big Brother ? Le consentement de la victime à donner toutes les informations. Mes amis du net et du pas si net savaient tout de moi, mon orientation politique et religieuse, sans pouvoir y exprimer la nuance et la mesure qui sied à toutes choses en ce bas monde ; mes livres préférés, mes phrases cultes, mon parcours professionnel, mes diplômes ou du moins leur absence. Des petits morceaux de moi qui pourtant ne font pas moi. Trop partial. Mais après tout, ce qui fait le sel de ce lieu, ce n’est pas tant son propre profil que celui des autres, que l’on peut disséquer sans limites. Je pensais connaître quelqu’un, je découvre une autre personnalité. Toujours instructif. Pour le meilleur et parfois pour le pire.
Tant que je me limitais à de simples échanges, par messages ou petites phrases « ma pensée profonde du jour », je gérais encore mon addiction. Mais l’enchaînement des catastrophes m’ôta alors toute raison et proportion dans la gestion de mon petit penchant :
La toute première fut la découverte des tests dits « à la con » des réseaux sociaux. Une batterie de petits jeux que l’on répugne à faire sur papier, de ceux que l’on trouve dans les magazines féminins ou à la plage, l’été. Du flatteur d’ego, quel grand personnage es-tu ?, au coquin, dominateur ou dominé ? Je les ai tous remplis, je crois. Des tests réalisés par les soins de la population du réseau, c’est-à-dire avec l’approche scientifique d’un comité d’experts de bar-tabac-PMU. Des tests qui se contredisent, au français flottant, pour ne pas dire inexistant. Mais délicieusement drôles.
On partage ses résultats avec ses amis, on se compare, on commente. Un vrai boulot en somme. À raison de trois heures de pratique quotidienne, il ne me restait à combler que les cinq autres de mon travail officiel. Ma productivité en prenait un coup, je rentrais le soir avec des yeux rouges et exorbités, un début de tendinite des métacarpes, mais heureux de connaître des traits de ma personnalité que je n’aurais jamais soupçonnés autrement. Et puis je savais ce que faisaient mes amis : comme moi, des tests. J’avais quelques remords pour l’économie du pays qui pouvait fléchir à tout instant, du fait de la conjonction de nos oisivetés, tout en étant émerveillé du fait qu’elle tourne toute seule, sans avoir besoin de nous selon toute vraisemblance. Enfin presque, heureusement que la majorité n’a pas accès à Internet sur son lieu de travail. Autrement, déconfiture assurée.
La deuxième catastrophe fut la gestion de mes amis. Du moins ce que l’on appelle « ami » en ces lieux. Je me trouvais rapidement emberlificoté dans des réseaux d’échanges sur mes centres d’intérêt dans lesquels je côtoyais aussi bien Casimir que d’obscurs inconnus qui souhaitaient être de « mes contacts » pour l’unique raison de notre appartenance commune au club « l’été je bois du pastis en tong ». J’étais bombardé de messages que je n’arrivais plus à lire, de demandes d’acceptation d’événements, sans parler des commentaires que je laissais ci et là, sur les photos ou bien les liens de mes correspondants, auxquels d’autres répondaient à leur tour dans une chaîne sans fin. Il ne me restait qu’une heure par jour pour travailler.
On pourrait me reprocher de n’avoir pas tout simplement coupé le débit. Je ne m’y résolvais pas, en dépit d’éphémères tentatives, y revenant sans cesse, après avoir travaillé cinq minutes tout au plus. La bête s’était emparée de mon esprit, j’étais pris au piège. J’avais basculé du côté obscur de la force des réseaux sociaux. D’ailleurs, je commençais à twitter. Je me lève. Je suis à la gare. Mon chef est un con. Le chinois de ce midi ne passe pas. Mortelle la une de Libé . Des instantanés sans saveur, de 140 caractères, balancés à la face du monde. Une bouteille lancée dans un océan de bouteilles.
Aussitôt rentré chez moi, je me connectais à nouveau dans ces univers parallèles, me détachant pas à pas de mes activités extraprofessionnelles. Je ne voulais pas rater ce qui aurait pu se dérouler si je n’étais pas présent, et qui, bien entendu, n’arrivait jamais. La myxomatose empirait chaque jour, je mangeais et dormais devant l’écran, mon régime alimentaire en pâtissait, tout comme la propreté de mon habitation. M’enfermant un peu plus à chaque connexion dans cette bulle, c’est bien trop

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