L Atomium
112 pages
Français

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Description

« Changer le monde ou se changer soi-même ? On change les conditions d’existence, mais l’être est-il changé ? Les sages hindous disent : “Je ne peux pas changer le monde mais je peux me changer moi-même”. Et les autres ? Par quelle transmutation ? Serait-ce le mystère de la voie ? En Inde, les sages disent aussi : “C’est quand le disciple est prêt que le gourou paraît.” »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748387513
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Atomium
Charles André Legrand
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Atomium
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://charles-andre-legrand.societedesecrivains.com
 
 
 
« Depuis les siècles, les millénaires de millénaires, le volume des erreurs a dû être considérable, puisque de fumée en fumée, c’est à ce jour une poussière dense qui emplit tout l’espace, le parcourt, diffuse sa couleur, et ceci, il faut le dire, à perte de vue, plus haut dans la nuit que la plus haute spire de la tour, là où s’achèvent les siècles de montée, là où se trouve la partie active du chantier, les assemblages d’assemblages, lieu lui-même complètement invisible, voire inimaginable, pour celui qui, d’en bas, lève la tête, et n’aperçoit, jusqu’aux hauteurs les plus écrasantes, qu’une muraille lisse qui se poursuit et recommence, baignée dans le jaune solennel des brouillards. »
Alain Badiou ( Almagestes , Trajectoire inverse I, Éditions du Seuil, Paris, 1964)
 
 
 
 
Essai
 
 
 
À la manière, éloignée, toutefois, d’Alain Badiou, qui a été mon professeur de philosophie et dont je connais l’humour autant que la rigueur, dans le respect d’une différence de pensée.
 
 
 
 
 
 
Les rumeurs ne parvenaient pas encore à couvrir le ronronnement des habitudes qui, mélangé au brouhaha des agitations, composait, outre les dires des plus médisants, une houle légère sur laquelle flottait, suprême luxe du capitaine, la nef bigarrée, aux yeux de tous frêle coquille, dédaigneuse des plus sûres routes maintes fois recommandées.
Depuis la côte attentive aux moindres vents, des yeux avertis pouvaient distinguer les rameurs, galériens du futur, tenter, en équilibre précaire sur le bastingage, de battre de leurs rames usées, rognées, croquées, le dessus de la mer. Le plus souvent ils ne frappaient, innombrables pales, vestiges désuets d’un énorme moulin, que la coque capricieuse. Il fallut s’en remettre à l’évidence : le bateau n’obéissait pas aux gesticulations des rameurs, les clameurs et les mises aux fers n’obtenaient pas plus de résultat.
Seuls quelques colosses, ténors, colonels ou tribuns parvenaient pour un temps – tentative subversive ou bien insaisissable insolence ? – à maintenir le cap.
Les requins se régalaient, viles créatures se repaissant de leurs compagnons de voyage, surgissant du fond des vagues pour happer les rameurs par la rame, si bien qu’aujourd’hui ceux-ci ne se servent plus que de raquettes trouées, casseroles cabossées, épées brisées, matraques, massues, compas tordus, équerres faussées, règles épaufrées, ustensiles, instruments ou autres outils autrefois entretenus et savamment utilisés, ici accessoires dérisoires d’une pièce de théâtre dont les clameurs, les grincements, les pets foireux sont autant de monologues que personne n’entend et que chacun conteste.
On raconte, dans les tréfonds d’une cale humide où les rats terminent de ronger les derniers fromages, qu’un énergumène malhabile se rendit coupable d’un coup de pioche aussi regrettable que malencontreux : en voulant assommer un vieil espadon qu’il avait pris pour un thon, il perça la coque du bateau.
Ceux qui sont encore du voyage, passagers, car il y en a, rameurs privilégiés qu’une pichenette n’a pas encore envoyés dans la gueule béante d’un requin ou débarqués sur une île oubliée, douce oasis pour un galérien usé, peuvent observer avec inquiétude quelques solides gaillards écoper en silence. Ils tentent de sauver l’embarcation.
Certes, du côté de la cabine du commandant, d’aucuns ont pu remarquer des allées et venues, des rencontres inopinées, des conciliabules ; il paraît que certains rameurs, et des plus efficaces, ont été entendus et ont pu témoigner de ce qu’ils ont vu, de ce qu’ils n’ont pu empêcher malgré diverses mises en garde et rapports circonstanciés. En effet, une équipe de rameurs étrangère à l’équipage du navire s’est trouvée embarquée, avec son commandement, il y a quelques années, pour entreprendre le voyage qui arrive à son terme ; certains se plaisent à dire qu’elle aurait été engagée à des conditions peu habituelles, bref, le capitaine lui aurait témoigné une confiance exagérée et accordé davantage de prérogatives qu’aux membres de ses propres bordées pourtant rompues aux longues traversées et aux manœuvres délicates.
L’affaire commençait de faire grand bruit. La moralité et la compétence de cette équipe ne pouvaient être mises en cause, celles du capitaine pas davantage. Après tout, il s’agissait d’un accident, les assurances paieraient.
Quiconque ne parvient pas à s’habituer à la banalisation des fausses déclarations, des fausses factures et autres commissions occultes comprendra ce ressenti, ce malaise qui commençait de gagner la majeure partie de l’équipage au terme d’une couvaison lente et oppressante. Les mêmes erreurs, les mêmes fautes répétées au long de ce qui semblait une éternité, pesaient de tout le poids de cette engeance qu’on ne pouvait écarter et qui empoisonnait le quotidien.
Immobile, l’embarcation suivie de loin par le navire amiral, vainqueur de mémorables tempêtes, sentait venir le vent d’est, un contrat mal géré, menace soudaine, imprévu, aléa mineur qu’une brèche ouverte, au grand jour, mais qui changeait la farce en dérision.
À bord du navire, rameurs séculaires, contremaîtres, lieutenants étaient consignés, dans les rangs, le silence devait être respecté. Cet incident allait retarder la marche du navire, usine, gigantesque estafette aux multiples missions, constructeur, bâtisseur, ingénieur, coordinateur, architecte, producteur, acheteur, vendeur, Babylone des temps modernes.
Formidable envolée au gré de la mariée, déviationniste la parole maîtresse enrobait tour à tour les plaintes puis les rancœurs avec de la farine puis avec du miel.
Depuis un moment déjà, nul ne pouvait en saisir l’instant précis qui se perd dans l’histoire propre du capitaine, la cote des rameurs, contremaîtres, lieutenants, subalternes ou commandeurs montait ou baissait sur le tableau des honneurs vendus à la criée.
 
Celui-ci qui se prend à s’interroger et qui, sincère avec lui-même, remet en question sa présence sur cette galère grouillante, hurlante, pesante, ne peut manquer de tituber sous le poids des insolences qui lui viennent à l’esprit et finit par se résoudre à regagner son poste pour ne pas succomber, fatale erreur d’inattention, sous la dent d’un requin à col blanc dont le cerveau se réduit à un ventre en attente.
Celui-ci donc qui se prit à s’interroger se consola de cette certitude : « Toi qui, au gré d’une impertinente charade, te permets de qualifier celui à qui tu as l’insignifiant honneur d’obéir, bien qu’il ne saurait t’indiquer le cap que tu sais, dis-toi bien que sur les cendres du feu que tu as connu, tu ne renaîtras qu’à la condition que les arbres et les fleurs qui t’appartiennent courent le risque encore et toujours de la destruction universelle. »
Au début était l’œuvre chargée d’histoire et figurative de l’âme des hommes. Nulle œuvre n’était de l’art qui n’eût contenu quelque symbole riche de significations. Aujourd’hui on ignore tout des symboles anciens, il s’en recrée sans cesse de nouveaux, aussi insistants que dérisoires, il suffit parfois d’un sigle sur un vêtement, une casquette ou une chaussure, nouveaux rites, nouveaux dieux. À chacun les dieux (ou le diable) qu’il mérite.
Qui sont ces êtres, martiens au teint vert, robots silencieux, barbots, moutons égarés au milieu de zèbres multicolores qui apparaissent au fond de ce miroir ? Qui sont ces monstres lubriques, rameurs sans rame, chefs sans subalternes, matelots solitaires sur l’océan tranquille au milieu des bateaux par milliers ? Gens déshumanisés, direz-vous, pantins désarticulés, citoyens du futur ? Tout simplement, ces travailleurs, soldats bataillant sans cause, ne se reconnaissent plus parmi le tintamarre.
 
Posée, scellée la clé de voûte, il ne restait plus qu’à la mettre en charge. Il ne s’agit plus ici de théâtre, mais bien d’un combat, d’une lutte permanente dans laquelle, inébranlable, la clé de voûte, faisant corps avec les autres éléments, chacun apportant sa propre contribution, permet à l’ensemble de fonctionner, merveilleuse architecture que les âges ont conservée, beauté troublante qui défie la mathématique.
Toutefois, la vermine a envahi les joints, le lierre a escaladé les murs et s’agrippe, ferme, aux aspérités, les loirs et les pierrots ont établi leurs nids douillets dans les anfractuosités et croyez-moi, amis, ça piaille !
S’il est loisible de débusquer de temps à autre quelque lézard ou caméléon, les aspérités et les anfractuosités sont telles qu’ils auraient tôt fait de disparaître de l’autre côté. Autant chasser l’écureuil sans casquette. Eh ! Oui, il fut des chasseurs qui mangeaient de l’écureuil, ils le tiraient après avoir déposé leur casquette au sol pour tromper le petit futé qui se cachait de l’autre côté de l’arbre ! Du moins, c’est ce que notre père nous a raconté au coin du feu, durant une soirée d’hiver…
On pourrait dénombrer plusieurs espèces d’individus, bien que les espèces intermédiaires, floues, indéfinies, vestiges ou témoins du révolu mériteraient elles aussi quelque intérêt quoique mineur. L’espèce la plus basse dans la hiérarchie (ou de ce qu’il en subsiste), pourrait être celle des rameurs. Au cours des siècles, elle s’est organisée et a conquis des avantages que plus personne ne conteste. Pour la plupart d’entre eux, la visée vers le cap ne les préoccupe pas. Ils se l

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