La Nature et le Divin
208 pages
Français

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La Nature et le Divin , livre ebook

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Description

« Pour les néoplatoniciens de Florence, l’homme devenait ce qu’il faisait, en étant l’ouvrier de son propre destin et pouvait changer le monde en se transformant lui-même ; il fallait aider l’homme à se construire librement, individuellement, à être l’artisan de lui-même, ce qui n’était nullement incompatible avec le christianisme et un bon usage de l’astrologie. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 juillet 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332724366
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-72434-2

© Edilivre, 2014
Dédicace


À Pierre Gouet (SJ)


Dürer. La grande touffe d’herbe . 1503. Vienne, Albertina.
Citation


« La plupart des événements sont indicibles ils se déroulent dans un espace où jamais un seul mot n’a pénétré ; et plus indicibles encore que tout le reste sont les œuvres d’art, mystérieuses existences dont la vie demeure, tandis que la nôtre passe. »
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète .
Introduction
Le parcours d’un artiste peintre est long, sinueux, chaotique, hésitant, dévoilant de tableaux en tableaux différentes attractions, et parfois de surprenantes initiatives ; la formation du « style » particulier d’un peintre est un résumé du processus de création, procédant de deux fonctions, l’acquis et l’inné, comme une espèce animale qui se transforme selon un processus d’évolution darwinien ; dans une succession de retouches, un peintre exprime en même temps la conservation d’un patrimoine global, d’un immense héritage culturel auquel s’ajoute la somme de l’apprentissage et de l’éducation qu’il a reçus, et dans une poussée créatrice, l’expression de sa propre inventivité. Pour analyser un tableau, il faut donc aller au-delà de la perception des formes et ne pas limiter sa préoccupation aux seuls éléments esthétiques, sous peine d’augmenter le risque de subjectivité ; isoler un tableau de son contexte social, politique et économique, n’a guère de sens dans la mesure où il n’est en lui-même qu’un aspect des mentalités et des idées répandues dans le public. Il est maintenant définitivement admis qu’une œuvre d’art résulte d’une psychologie des conduites permettant à un artiste de créer, et de rapports infiniment variables qui relient cette œuvre au milieu dans lequel elle surgit 1 . On ne peut apprécier les produits d’une culture qu’au terme de l’intégration de ses différents éléments constitutifs, tout ce que chaque catégorie de la société a produit pouvant influer sur elle, tout ce qui a pu avoir des répercussions sur l’activité artistique, même si ça lui était étranger 2 ; l’exercice se révèle d’autant plus difficile que les facteurs d’influence ne respectent pas toujours la chronologie ; les cycles d’histoire ne forment pas des zones étanches, il y a parfois chevauchement et mélange ; ainsi, entre Moyen-Âge et Renaissance, il n’y a pas fracture, des signes précurseurs apparaissent, disparaissent pour resurgir plus tard, d’un pays à un autre, pas forcément avec le même rendement ; à l’intérieur même de chacun de ces deux « grands moments », les séquences sont troublées ; de 1400 à 1500, les sociétés urbaines européennes vivaient dans le développement perpétuel, le changement permanent, des polarités se concurrençaient, des éléments épars s’agrégeaient les uns aux autres, se superposaient par couches sédimentaires, formant comme un fleuve dont le lit grossissait au fur et à mesure des échanges alluvionnaires, selon un continuum irrégulier mais incessant, dont le débit s’accélérait de villes en villes, de régions en régions, au point qu’on devrait peut-être bannir définitivement le singulier pour évoquer la Renaissance et la conjuguer au pluriel, en disant « les Renaissances » 3 .
Ainsi, l’historien d’art qui s’intéresse au Quattrocento florentin avec une approche plus globale identifiera aisément une inflexion dans le choix des sujets religieux et leur représentation, dans les tableaux et les fresques, à partir de 1460 ; or cette date coïncide plus ou moins, avec l’apparition dans la cité/état de Florence, de nouveaux commanditaires, des princes, des condottieri, marchands et banquiers, organisés en réseau, grâce aux extensions des lignes commerciales et à de nouvelles techniques bancaires, l’Église se retrouvant alors rejointe dans sa politique de production picturale par des hommes issus de la société civile, qui n’avaient pas forcément les mêmes motivations ; particulièrement sensibles au discours des philosophes, ces « nouveaux riches » auraient-ils modifié la nature du mécénat, délaissant les chroniques de la vie des saints pour privilégier d’autres thèmes, avec une autre « manière », qui leur semblaient plus appropriés à un message où la religion n’excluait ni le savoir, ni le profit 4 ?
Comme l’a admirablement écrit Jérôme Baschet, le rôle des images en Occident ne prend véritablement son essor qu’au 11 e siècle ; jusque-là, l’héritage est hostile. C’est l’accentuation de la domination ecclésiale qui a donné une impulsion irrésistible à la fabrication des images, pour une meilleure propagation de son pouvoir. Au Quattrocento, les « riches laïcs » déjà très impliqués dans la gestion de la cité, estimèrent qu’il était temps pour eux de « régulariser » cette situation et revendiquèrent une place non négligeable dans ce monde religieux ; et pour cela, rien de tel qu’une figuration omniprésente dans les images . (Jérôme Baschet – L’iconographie médiévale. Gallimard. Folio histoire.) Ce n’est qu’à partir du début du vingtième siècle que les historiens d’art du Quattrocento florentin s’intéressèrent à la relation entre ces mécènes et les artistes ; ils se penchèrent également sur les chiffres du commerce, les statistiques démographiques, la littérature « diplomatique » et sur les ricordanze ; le résultat dépassa toutes leurs espérances : non seulement ils parvenaient à isoler facilement les tableaux qui révélaient un dessein culturel, de ceux qui relevaient strictement de l’art religieux, mais plus ils « fouillaient » dans les tableaux, et plus ils y repéraient des symboles picturaux ; plus ils devenaient experts dans l’art du déchiffrement des codes hermétiques 5 , plus ils en identifiaient ; en un mot, plus ils cherchaient, plus ils trouvaient, aboutissant à ce constat que la Renaissance florentine fournissait, entre autres modèles, le cas exemplaire dans l’histoire des civilisations, d’une discipline, la philosophie, exerçant une influence décisive sur une autre, la peinture 6 . A ce stade, les historiens eurent avaient une idée un peu plus précise de ce qui s’était passé à Florence au 15 e siècle, et comprirent qu’il était absolument impossible, à cette époque-là, pour les marchands comme pour les artistes, d’y vivre tout en se tenant à l’écart de « l’ agitation humaniste » 7 ; et ce mouvement philosophique, inspiré par une approche magicienne du monde physique, qui voit la Nature comme un signe divin, dans une vision globale, où l’infiniment petit reflète l’infiniment grand, va s’étendre dans toute l’Europe.
Comment les « intellectuels » florentins s’y étaient-ils pris pour provoquer un tel engouement de la part des élites ? Quel circuit leur enseignement a-t-il emprunté ? Comment ont-ils transmis leur savoir, alors que l’imprimerie n’existait pas encore ? A cet égard, un texte de Marsile Ficin nous renseigne utilement. En 1470, après qu’il eut achevé la première traduction latine intégrale des œuvres de Platon, prenant conscience de la difficulté d’en faire comprendre le sens profond aux lecteurs, il s’adressa en ces termes à Laurent de Médicis : « Cependant notre Platon, tandis qu’il traite par des moyens souvent cachés du devoir nécessaire au genre humain, semble dans le même temps plaisanter et jouer. Mais les jeux et plaisanteries platoniciens sont bien plus graves que les discours sérieux des stoïciens. Car comme il ne dédaigne pas, ici et là, de s’étendre sur certaines choses très basses, cherchant ainsi à gagner peu à peu des disciples, il conduit facilement les plus humbles vers les choses élevées. Cependant il semble utiliser les mythes principalement pour que, parmi les fleurs de l’Académie, tout le monde en soit amusé, mais que seuls ceux qui ont été purifiés en cueillent les fruits, dont ils sont agréablement régalés, qu’ils digèrent plus facilement, dont ils sont nourris plus parfaitement. C’est pourquoi la Philosophie, unie avec toi, ô platonicien Laurent, aide à exhorter tous ceux qui désirent tant apprendre que bien vivre, à rejoindre les rangs de l’Académie platonicienne. Car ici, les jeunes gens acquerront agréablement, pleinement et facilement ou les règles morales en plaisantant, ou le raisonnement en jouant ». Ficin, s’inspirant d’une idée de Platon lui-même, conçut alors un jeu de cartes sérieux, nous dirions de nos jours un jeu éducatif – le Tarot de Marsiglio – susceptible d’éveiller les intelligences de son temps à ces mystères et de contribuer à une large diffusion du platonisme florentin dans toutes les couches de la société, pas seulement les plus aisées 8 . Les humbles et les illettrés, n’avaient-ils pas le droit, eux aussi, de connaître les thèses du grand philosophe grec ? Il aurait donc confié à quelques graveurs et peintres, dont Baccio Baldini et Botticelli, le soin de fabriquer quelques « planches », simples, claires, compréhensibles par le commun des mortels, faciles à distribuer et à manipuler, sortes de petites cartes à jouer imagées illustrant les théories platoniciennes après les avoir transposées dans des scènes mythiques célèbres 9 . En la matière, Ficin n’innovait pas. « C’est une chose d’adorer l’image, c’en est une autre d’apprendre par l’histoire que transmet l’image, ce qu’il faut adorer ; car ce que les mots enseignent à ceux qui savent lire, les images les fournissent à ceux qui ne peuvent pas lire mais seulement voir. Les images permettent à l’analphabète de lire », disait déjà Grégoire le Grand, en 603. C onvaincu que la peinture pouvait devenir l’instrument d’une pédagogie supérieure, Ficin écrivait donc à Bembo : « On ne donne des précepteurs aux disciples que pour découvrir et améliorer, par le moyen de l’art, ce que la nature avait

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