Nos derniers beaux jours
394 pages
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Description

« Il paraîtra sans doute insensé d’appeler beaux jours ceux que nous vivons en ce moment alors que nous traversons une crise grave. Bien que je ne sois ni économiste ni expert, j’ose affirmer que notre système économique repose sur des contradictions insolubles qui finiront par nous ramener au niveau des pays africains les plus pauvres. Cette affirmation semblera sans doute grotesque... Mais qu’on veuille bien garder à l’esprit deux réalités indéniables : - notre espèce est beaucoup trop nombreuse - les Occidentaux, c’est-à-dire une petite minorité d’êtres humains, consomment parfois en quelques minutes ce que la nature a mis des siècles à produire. Je n’ai pas la prétention de connaître l’avenir mieux que quiconque ; cette détérioration que je décèle s’est imposée à mon esprit en comparant les jours de ma jeunesse à ceux que nous vivons maintenant. Nos possessions ont certes augmenté, mais le nombre de S.D.F. aussi, alors qu’il y a un demi-siècle ce concept n’avait pas encore été inventé. Si rien ne permet d’affirmer que ces démunis trouvent un jour la prospérité, tout laisse présager que leur nombre risque d’augmenter de façon considérable. Oui, nous vivons nos derniers beaux jours... » Paul-Louis Spaak

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748374827
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nos derniers beaux jours
Paul-Louis Spaak
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Nos derniers beaux jours
 
 
 
 
Du progrès
 
 
 
Il est difficile de concevoir que l’on aime le travail. S’il en allait autrement, l’amélioration des techniques, dont le but est de le rendre moins pénible et plus rapide, n’aurait aucun sens. Pourquoi abréger un plaisir ? Admettons que creuser un trou avec les ongles soit une tâche agréable. Il n’y aurait pas lieu de prendre un bâton que plus tard on perfectionnerait en y adjoignant une pierre, puis du métal, à l’une de ses extrémités et d’inventer bêche, pioche, perforeuse, engin pneumatique, bref tout ce qui fait des trous, plus rapidement et mieux qu’une main. Le progrès technique va dans le sens d’un allégement du travail et l’idéal serait que la machine remplace le travailleur. Ainsi, lorsqu’Adam et Ève furent chassés du Paradis, pour les raisons que l’on sait, Dieu les condamna à la multiplication et au labeur. Il est évident que, dans l’esprit du Créateur, le travail avait une valeur de punition et non de récompense. Ce mot et celui de torture ont la même étymologie latine : tripalium. Pendant des siècles, travailler paraissait une nécessité désagréable, un devoir peut-être, mais sûrement pas un plaisir, alors que de nos jours, ce n’est plus aussi vrai, si l’on en juge par la peur de le perdre.
Il existe cependant des gens que la vocation anime, comme certains artistes, quelques savants ou bien encore, ces rares individus qui, depuis la plus tendre enfance, ont toujours su que, plus tard, ils exerceraient leurs talents dans une discipline bien précise. Il nous est donc possible de concevoir que Mozart, par exemple, aimât travailler et ne fût heureux que dans la besogne. Les autres, tous les autres qui ne sont ni des génies, ni même des gens remarquables, pourquoi font-ils, pourquoi faisons-nous semblant ? Ne dites pas que vous passez la plus grande partie de votre vie active dans un bureau, une usine, un magasin, en raison d’une vocation de toujours… Le hasard, un concours de circonstances décide souvent de nos occupations professionnelles. De même, il est fréquent que des personnes changent de métier ou bien, malgré des études destinées à exercer une profession précise, se retrouvent faisant autre chose. Pour la majorité d’entre nous, le travail est une nécessité, puisqu’il nous permet de gagner notre vie. Remarquons donc qu’il ne suffit pas de recevoir celle-ci de nos parents, mais qu’il nous faut également la gagner, sinon, et c’est logique, nous la perdons. Ici, le mot ne signifie pas forcément mourir ; il peut aussi être pris dans le sens de gâcher, de rater. On s’aperçoit alors que l’expression, j’aime mon travail , est chargée d’un sens social, psychologique, émotionnel. La vérité est autre : pour s’en convaincre, il suffit de regarder les embouteillages de voitures à l’époque des départs en vacances. Si le travail nous rendait heureux, nous verrions arriver avec effroi cette contrainte insupportable de le cesser, pour prendre un repos injustifié. Et que penser de ces jours fériés, de ces ponts qui nous arrachent de nos bureaux, magasins, usines ?
Notre labeur, détestable en-soi, nous procure cependant de grandes et multiples satisfactions, d’où une certaine confusion. Non seulement permet-il à l’individu de s’offrir les objets qu’il convoite, mais lui donne aussi l’illusion de son importance, du caractère unique et irremplaçable de sa personne, alors qu’en réalité, le monde tourne très bien sans lui. On sait que beaucoup de retraités vivent mal leur nouvel état. Ils affirment ne pas être habitués à ne rien faire, comme si toute activité leur était interdite. La vérité est autre : ils s’aperçoivent que l’entreprise qui les employait ou mieux encore qu’ils dirigeaient, que la société, dans laquelle ils pensaient jouer un rôle, que les hommes qu’ils commandaient, se passent d’eux et que la vie continue, aussi bien, aussi mal. Ce sentiment d’avoir une raison d’être – qui différencie l’homme de l’animal, lequel ne se pose sans doute pas ce genre de questions – se remarque principalement parmi les grands de ce monde, à commencer par les hommes politiques. Nous savons bien que les avantages liés à la fonction en motivent quelques-uns, mais ce serait une erreur de croire que seul l’argent les intéresse. Depuis toujours, il y a des volontaires pour assumer des responsabilités politiques, sans pour autant bénéficier d’avantages énormes. À l’Âge de la pierre, le chef de clan, de tribu disposait-il déjà d’une caverne de fonction ? Et si, au cours des siècles, la situation est devenue profitable, c’est sans doute pour compenser l’augmentation des sacrifices. Plus on gravit les échelons de la hiérarchie sociale et politique, plus la liberté personnelle décroît. Le succès d’une carrière se fait presque toujours au détriment de la vie familiale. Cette ambition, qui dévore beaucoup de personnes, trahit une faiblesse, une angoisse de n’être rien. Alors, pour se rassurer, on veut laisser une trace dans l’histoire. Lorsque la foi animait encore nos ancêtres, ceux-ci ne se posaient pas ce genre de questions. Ils acceptaient leur condition, souvent humble, sans rechigner et la vie qu’ils menaient avait un sens. Alors, pourquoi avoir changé tout cela avec des guerres et des révolutions ? Avant d’essayer de répondre à cette question, remarquons que nous commettons souvent l’erreur de prêter aux autres nos idées et nos sentiments.
Savoir ce que pensait une personne vivant au XVIIe siècle n’est pas chose aisée, malgré les nombreux textes dont nous disposons. Cependant, il est possible de l’imaginer en communiquant avec ceux dont l’existence matérielle est proche de cette époque révolue. Pour ma part, j’ai eu cette chance de vivre dans un monde très semblable à celui d’avant la Révolution Industrielle. C’était en Inde, non pas celle des villes, mais des campagnes dites arriérées en raison de l’absence de route, d’électricité et où les gens se déplacent encore à la même vitesse qu’au temps de Jésus-Christ. Certes, la philosophie des hindous ne ressemble en rien à celle de l’Honnête Homme ; bien que le contenu soit totalement différent, il existe toutefois une certaine similitude dans la façon de penser et de réagir. On trouve dans ces deux sociétés – éloignées l’une de l’autre, autant par le temps que par l’espace – une acceptation presque identique des privilèges et avantages que la naissance confère à certains. Le sacré possède une valeur quotidienne, du fait que les gens vivent avec Dieu, comme s’Il était un voisin de palier. Superstitions, croyances, foi, appelez cela comme vous le voulez, jouent dans la vie de ces gens un rôle prépondérant auquel nous ne sommes plus habitués, parce que nous avons remplacé, sans nous en rendre compte, notre foi par la télévision, le match de foot, les sorties en boîte, le restaurant et bien d’autres choses encore.
Il y a cependant quelques individus dont la nature fait qu’ils ne se contentent pas de la réalité. Certains sont de grands génies, créateurs, inventeurs, découvreurs, d’autres très ordinaires, mais qui se posent sans cesse des questions et remettent tout en cause. Le langage populaire les qualifie d’emmerdeurs . Ne pas accepter l’ordre établi, questionner l’Autorité, contredire les meilleurs auteurs – péché d’orgueil ou esprit de contradiction – n’est pas ce qui caractérise monsieur Tout-le-Monde. Par exemple, comment le chanoine Copernic fit-il l’une des plus grandes découvertes de tous les temps, dont la conséquence détrônait l’homme du centre de l’univers ? Avant d’en arriver à cette conclusion, il fallait bien qu’il fût du genre raisonneur pour oser pressentir que la version officielle, étayée par la Bible, pouvait ne pas être la bonne. Du reste, connaissant les risques encourus à contredire la vérité selon l’Église, il évita d’ébruiter sa découverte. Voilà une des causes qui fait évoluer l’esprit des hommes.
Le monde se porte mal : les nations pauvres comme les riches. La production alimentaire des pays développés pourrait, en principe, nourrir tous les habitants de la planète. Malheureusement, les démunis n’ont pas l’argent nécessaire pour satisfaire leurs besoins. Sans être un autre Copernic, faisons donc le raisonneur et cessons de croire aveuglément ce que racontent dirigeants et experts, qui, depuis qu’ils nous gouvernent, se trompent régulièrement. Vous souvenez-vous d’une seule année où tout allait bien, où personne ne se plaignait ? Les époques qui paraissent aujourd’hui heureuses avaient leurs difficultés, différentes des nôtres, mais très réelles. Le regret du temps passé n’est que celui de notre jeunesse.
Ce grand désordre mondial, dont personne ne se sent responsable, traduit une crise de la pensée collective. Nous continuons à souscrire à un grand nombre d’idées du passé, alors que la situation a fort changé. La Révolution Industrielle, au XIXe siècle, n’a pas seulement bouleversé l’existence des hommes ; elle a aussi modifié les esprits en diffusant le matérialisme. Par la suite, d’une part l’évolution rapide du savoir, des idées, de la conscience et d’autre part le développement des techniques – lesquelles par rétroaction s’influencent mutuellement – n’ont pas donné naissance à une philosophie nouvelle. Nous continuons, comme nos grands ou arrière-grands-parents, à jeter un regard matérialiste sur le monde. La seule véritable innovation de notre époque est l’Écologie, laquelle fait déjà figure de vieille dame rangée, dans la mes

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