René Magritte le double sens des images
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

René Magritte le double sens des images , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Le nom du peintre René Magritte est associé par le public au mystère et au surréalisme. L'artiste est le plus souvent présenté comme un intellectuel dialoguant avec les philosophes de son temps sur le rapport des images et des mots. Et pourtant il existe un autre Magritte laissé dans l'ombre qui apparaît dans cet essai comme « le peintre de l'absence ». Le premier complice de l'artiste, le surréaliste Paul Nougé, nous invite à approcher autrement son génie. À condition d'accepter de lire « au pied de la lettre » certains tableaux célèbres, l'histoire dramatique du peintre se révèle à mots couverts, comme il le dit, sous une forme nouvelle et jamais osée jusque-là. Au travers des propos de Nougé, ce que Magritte appelait lui-même « sa poésie inquiétante » livrerait ici son plus émouvant secret.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 décembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414002504
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-00248-1

© Edilivre, 2017
Dédicace

À Jacques, Anna et Thomas,
à mes proches et amis
à Marc Bélit,
en remerciement de sa lecture attentive et de ses conseils
à Charly Herscovici,
pour son geste amical
Exergue

« Mon cher Magritte, vous avez construit une machine infernale (…) Vous n’avez rien négligé pour faire sauter le mur (…) Vous risquez un danger dont vous ignorez la nature »…
Paul Nougé, Histoire de ne pas rire , Cistre l’Age d’Homme 1980 p.218.
« Je te cherche. Le monde où je te cherche (…) rien que des rues vides (…) J’ai suivi le lent chemin de tes pas sans ombre, sans savoir qui j’étais. »
Edmond Jabès, Le livre des questions , Gallimard 1963 p.48.
Préambule
Elle est là, élégante dans sa robe blanche, debout devant le parapet d’une rivière. Ses traits sont dissimulés par un bouquet de violettes étrangement posé sur son visage. Cette toile de René Magritte « La Grande guerre 1 » me touche plus que je ne saurai dire. Elle me saisit d’effroi et en même temps on dirait que ma pensée se refuse à comprendre ce qu’elle montre…
On ne sait pas pourquoi commence une aventure. Elle a débuté pour moi en ce point très précis, ce bouquet de violettes posé là, incongru sur le visage de la femme en blanc au bord de l’eau. J’ai écrit pour cette toile, pour une impression indéfinissable guidée par ce malaise qui ne se dissipait pas, pour ce choc, ce refus et cette attraction étrange à laquelle je me suis laissé prendre.
Ah ! Vous écrivez sur Magritte m’avez-vous dit interrompant ma rêverie, René Magritte, attendez voir, l’homme à la pomme sur le visage ? Comprendre ? Mais il n’y a rien à comprendre, justement, c’est surréaliste ! Sans me laisser le temps de répondre vous avez ajouté que Magritte ne cachait rien 2 , qu’il n’avait pas de secret et que tous ceux qui se demandaient ce que ses toiles voulaient dire faisaient la même erreur, celle-là même dont le peintre avait espéré les guérir. Vous repreniez les mots d’un prêt à penser qui a cours à propos de l’artiste, qui veut que le surréalisme « crée une énigme qui doit rester énigmatique car elle est le symbole de tout ce qui est énigmatique dans l’existence. »
Le nom du peintre René Magritte est associé par le public au mystère, au surréalisme et au « ceci n’est pas une pipe » écrit sur l’un de ses tableaux représentant l’objet devenu légendaire. L’artiste belge est présenté comme un intellectuel dialoguant avec les philosophes de son temps sur le rapport des images et des mots.
Et pourtant, il semble qu’il existe un autre Magritte laissé dans l’ombre, qu’il serait possible d’apprendre à connaître au travers de certains tableaux, en suivant le fil des écrits de son premier complice Paul Nougé. Tel est le projet de cet essai. Celui qui fut le chef de file du surréalisme belge, invite à écouter et à voir « au pied de la lettre 3 » certaines toiles de l’artiste afin de découvrir, dans le double sens de ses images, un autre versant de son génie. Les yeux qui regardent les toiles de Magritte, écrit-il, sont presque tous « des yeux aveugles 4 «. Certaines images sont « virulentes » et ne demandent qu’à être entendues. Magritte y aurait inventé « une forme inconnue », une « machine infernale » à faire sauter les codes de la peinture, quelque chose de nouveau, de jamais fait, de jamais osé.
L’artiste lui-même dans certaines interviews tardives ne démentait pas ces propos. Il disait que ses images étaient « des pensées visibles » exprimées « avec le plus de précision possible 5 » dans un « ordre évoquant le mystère ». Et qu’ainsi parfois l’invisible pouvait se rendre « visible 6 » au regard.
Je regardais encore « La Grande guerre ». René Magritte avait soixante-six ans quand il peignit ce tableau. Je me demandais s’il ne pouvait pas s’agir là « d’une pensée » refusée à l’oubli. Qu’y avait-il dans cette image de « subversif » et de « jamais osé » ? Ce tableau avait-il un secret ? Comment entrer en contact avec sa solitude et son mystère ? Comment lire « à la lettre » ce qui serait le double sens de l’image ?
Je décidai de suivre les indications de Nougé avec le plus d’attention possible : Il jouait avec le mot « bouleversant » pour décrire ce bouquet flottant qui bouleversait la logique du tableau, proposant au spectateur de se risquer hors des sentiers battus jusqu’à ce point où le sens vacille, où les conventions se défont où la morale se tait pour entendre enfin ce qui se disait dans l’image.
Le surréaliste belge évoquait à propos de René Magritte, son goût de la transgression, de l’ironie, de l’humour noir.
L’humour noir 7 … Il est dit-on « la politesse du désespoir » le « rire sacrilège et blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût ». Ce rire-là permet de se moquer de tout, mais aussi « d’exorciser les chagrins véritables 8 ».
Cet humour prisé des surréalistes comme l’outil qui porterait atteinte à l’arrogance bourgeoise, aux valeurs discréditées par les horreurs de la guerre, appartenait-il aussi aux œuvres de Magritte ? Permettait-il de déchiffrer certaines de ses peintures ?
Au fil du temps d’autres toiles sont venues à la rencontre de « la Grande guerre ». C’est à la traversée d’un musée imaginaire que vous invite ce texte où sont rassemblés quelques tableaux dont le sens subversif peu à peu se révèle.
Aller vers, s’attarder, essayer à la fois d’écouter et de voir autrement ces toiles énigmatiques. J’attache à dessein les deux verbes, le lecteur et spectateur comprendra bientôt pourquoi :
« écouter-voir » …
1 . René Magritte, La Grande guerre , 1964, Huile sur Toile 80x61cm, collection particulière, Bruxelles.
2 . C’est ce que dit en substance le critique d’art Bruno Ernst, in Le miroir magique de M.C. Escher , Paris, Ed du chêne, 1976, p.68.
3 Paul Nougé, Histoire de ne pas rire , Cistre. L’Age d’Homme, 1980, p.253.
4 . Paul Nougé, Opus cité, p.269.
5 René Magritte, Opus cité , interview Jan Walravens, novembre 1962, p.537.
6 René Magritte, Opus cité , Lettre à Michel Foucault du 23 mai 1966, p.639.
7 . Une expression d’André Breton, Anthologie de l’humour noir , Jean-Jacques Pauvert, 1966.
8 . Pierre Desproges, Les réquisitoires du tribunal des Flagrants délires , Tome 1. Seuil France-Inter, 2003.
Partie 1 Une impossible absence
I « La Grande guerre »
Elle est là, élégante dans sa robe blanche au plissé délicat, avec son petit col de dentelles, son ombrelle à la mode, ses mains gantées, son grand chapeau à plumes. Un petit sac de velours taupe pend à son bras. Sur son visage que l’on ne voit pas, un bouquet de violettes est posé, incongru. Cette femme peinte par René Magritte sous ce titre « la Grande guerre » qui est-elle ? Si c’est un portrait, pourquoi lui manque-t-il justement le visage ?
Elle est là, devant le spectateur, elle semble poser en robe de mariée au bord d’une rivière dont le bleu se détache à peine de la couleur du ciel. Quelques nuages s’effacent vers les hauteurs comme des pensées lointaines. Le parapet banal de pierres plates ne permet pas de deviner le lieu de la scène. Elle est là, et l’on ne sait pas où elle se trouve.
Avec ce bouquet de violettes qui flotte au premier plan de l’image, je suis laissée dans l’ignorance de l’expression de son visage, ne pouvant reconnaître ni son sourire ni ses lèvres crispées, ni son regard dont je ne puis savoir s’il est rieur ou bien mélancolique. Elle est devant moi et pourtant je suis privée de sa présence.
Le spectateur est intrigué, décontenancé devant ce portrait sans visage qui bouleverse ses habitudes mentales et semble s’affranchir des normes attendues. Privée de ce visage la compassion 9 s’éteint, le portrait perd son indulgence… Dans l’image, on n’apprend rien d’elle. Seul ce bouquet flottant, au sens indécis, capte le regard. Au silence de ce visage, de ce lieu, de ce temps, le nom de « La Grande guerre » offre une étrange correspondance. Pourquoi avoir associé ce titre à la toile, est-ce la représentation d’une idée, est-ce une allégorie ? Le peintre a-t-il voulu qu’à l’indicible de l’horreur de la guerre vienne répondre celui de la femme au bord de la rivière ? On ne peut pas parler de « la Grande guerre », tout ce dont on peut parler c’est de cette impossible évocation. De même que l’on ne peut pas parler de cette femme : On peut décrire ses vêtements, sa manière de se tenir, dire un mot de son sac à main, de son chapeau, de la grâce de ses mains gantées de blanc, mais sans son visage, on ne peut pas parler d’elle. Le peintre a-t-il voulu associer deux impossibilités afin que s’échangent leurs mystères ? Qu’est-il arrivé à cette femme sur ce bord de rivière dont il ne soit pas possible de parler avec les mots courants de notre vocabulaire, au point ce qui s’est passé ne puisse trouver à se dire que dans l’évocation du désastre attaché au nom de la Grande guerre ? Intriguée, sans savoir cependant ce que je cherchais, je consultai les monographies, les points de vue et interprétations des critiques d’art, les écrits de l’artiste…
1. Ce qui s’était passé…
C’était une autre version de l’enfer : Une famille tranquille en apparence, dans la petite ville belge de Châtelet et puis tout d’un coup ce chiffre sur une tombe : 24.02.1912. René Magritte était dans sa treizième année quand sa mère Régina née Bertinchamps se suicida par noyade dans la Sambre.
À la fin de la nuit, elle avait quitté la maison située au 95 de la rue des Gravelles, était descendue jusqu’à la rivière où elle s’était jetée. Au petit jour les trois adolescents s’étaient aperçus de son absence. Ils se précipitèrent vers la berge sans l’apercevoir. On ne la retrouva qu

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents