Une femme, un paysage
190 pages
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Une femme, un paysage , livre ebook

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Description

« Mes sentiments ne seraient que le fruit d’une impulsion électrique ? D’une réaction chimique ? Non, non, je suis beaucoup plus que cela. Je suis sensible au scintillement des étoiles, aux reflets du soleil sur un champ de lavande et j’aime les potagers, les potirons, les fraises et les tournesols. J’aime ramasser des mûres au bord d’une route, manger du hareng avec de l’oignon et faire la sieste sous un olivier. Une corbeille de fruits, une meule de foin, un reflet dans l’eau, sont autant de spectacles qui développent et fortifient en moi l’idée de plénitude. Je suis une pure exaltation, capable de pleurer et de tendre la main, de douceur et de frémissements. »

Journal de Takeshi

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 juin 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332697042
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-69702-8

© Edilivre, 2014
Au bord du lac – Kuroda Seiki – 1897. Kuroda Seiki memorial hall. Tokyo



« De nombreux auteurs ont pris la ville comme sujet de roman ; pleine de qualités, celle-ci devenait personnage, principal ou secondaire, prenant par à l’action quand elle ne l’organisait pas. Des musées, des bâtiments administratifs, des pans de murs, d’immeubles, de ponts et de souterrains défilaient ainsi majestueusement sous nos yeux, rue par rue, quartier par quartier, et leur volume variait selon les besoins, afin qu’ils se déplacent plus facilement au milieu d’une foule d’existences provisoires. Dans ces romans géographiques ou urbains, mêlant l’imaginaire au réel, débordants d’objets littéraires, de points de vue et de perspectives, les villes se transformaient en produisant des héros. Mais dans aucun d’eux il n’a été envisagé qu’il y en ait d’immuables où, depuis les origines, des hommes se réincarnaient, reproduisant invariablement les mêmes actes, sauvegardant précieusement leur véritable identité ; ces villes immobiles, dont seule l’apparence changeait, dans l’ajustement nécessaire à l’expression des inévitables chamboulements physiques et climatiques, heureusement sans aucune incidence sur la perception, ne donnaient naissance qu’à une seule race d’individus, très particuliers, dotés du même caractère et de la même constitution ; en un lieu défini et unique, stable et intemporel, les destins se répétaient, sous des formes humaines à peine différentes ; d’ailleurs, d’après un architecte démiurge rencontré à Patmos, s’exprimant le plus sérieusement du monde, ce ne serait pas très compliqué d’identifier ces villes et d’accéder à leur réalité ; il suffirait d’y croire. »
Jacques Vieil
Chapitre 1 Miyajima
« Visite au musée de Sèvres, où sont conservés des cartons de dessins de fleurs que Kenzo a peints à Grez-sur-Loing. Certains ont servis de modèles pour un service de porcelaine, d’autres figurent au répertoire des emblèmes du magasin impérial de Tokyo. Motifs sur fond jaune. » Journal de Takeshi.
« Le monde a été préparé par Dieu, pour être le réceptacle de toutes les formes sensibles ; il répand de continuels effluves à travers l’âme de tous les genres et de tous les individus, d’un bout à l’autre de la nature. L’esprit divin infuse tous les êtres, jusqu’aux plus frustres et ceux-ci, inversement, sont les premiers maillons d’une chaîne qui, de proche en proche, d’image en image, remonte aux intelligences supérieures. Et parce que la Providence nous a communiqué les vertus de sa toute-puissance par les anges, les cieux, les étoiles, les éléments, les animaux, les plantes, les métaux, les pierres, nous pouvons pénétrer par les mêmes degrés chacun de ces mondes, jusqu’au même Archétype, fabricateur de toute chose. Ce texte de Cornelius Agrippa de Nettesheim est d’une beauté absolue. » Journal de Takeshi.
Miyajima est une petite île d’origine volcanique de la mer intérieure de Seto, au sud du Japon, d’une superficie réduite, approximativement 30 kilomètres carrés, d’une forme conique tellement parfaite qu’on dirait une structure qu’un habile géomètre, par ailleurs magicien, aurait posée sur l’eau ; en 591, elle est devenue le refuge d’un secte shintoïste ; depuis ce jour, les hommes n’ont cessé d’y construire des sanctuaires, de plus en plus éloignés de la côte, tournés vers le centre, en se rapprochant chaque fois un peu plus du mont Misen, point le plus élevé de ce minuscule territoire, jusqu’à bâtir à son sommet, un temple, lui aussi de dimensions sublimes ; vers l’an mil, afin de célébrer l’union de leur île avec les divinités, les habitants érigèrent dans une petite baie, un gigantesque portique shinto, un torii, flottant au-dessus des eaux selon l’heure des marées. Aujourd’hui, Miyajima est devenue un lieu de culte pour des millions de pèlerins, un Mont Saint-Michel japonais, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Un ferry assure tous les jours une dizaine de liaisons avec Hiroshima, distante seulement d’une dizaine de miles nautiques. Malgré sa notoriété et l’accroissement de la fréquentation touristique, sa situation économique n’a guère évolué, elle est toujours restée faiblement peuplée – d’après le cadastre, 750 habitants à l’année – préservant une apparence modeste, rustique, pas de routes goudronnées, pas de buildings, ni centres commerciaux, quelques boutiques de souvenirs et des pavillons en bois, les habitants privilégiant la conservation du lien avec l’état primitif. Une réglementation administrative rigoureuse rend quasiment impossible toute nouvelle construction. En fait, Miyajima n’a jamais encouragé le commerce, ni la spéculation immobilière. C’est une île sacrée, et son statut interdisant que l’on y naisse ou que l’on y meure, il n’y a ni maternité, ni cimetière ; mais pour éviter que les familles autochtones ne se reproduisent entre elles, tout en favorisant le renouvellement de la population, les ventes immobilières aux étrangers sont exonérées d’impôts, la fiscalité venant ainsi au secours d’une saine gestion de la démographie insulaire. A dix-neuf heures, les derniers visiteurs embarquent sur le bateau qui les ramènent à Hiroshima ; l’île redevient subitement silencieuse ; puis la nuit tombe ; on n’entend plus alors que les chants des moines dans les temples ; comme si, dans ce contexte nocturne – moins d’hommes, plus d’obscurité – la ferveur religieuse augmentait, incitant au recueillement ; ou bien serait-ce l’influence minérale et végétale, seulement perceptible par les odeurs, celles des roches basaltiques et des pins maritimes, renforçant la sensation d’une cause universelle, qui encouragerait les hommes à prier ?
Kenzo Imamura est né en 1850, à Hiroshima. A vingt-huit ans, après avoir obtenu son diplôme d’architecture à l’université de Kyoto, il décida de se consacrer à la peinture, quitta le Japon, émigra en France, et rejoignit une colonie de peintres qui avaient pris pension à l’auberge Chevillon, à Grez-sur-Loing ; c’est ainsi qu’il se lia d’amitié avec Corot, Turner, Sisley, Monet et Daubigny ; ceux-là n’avaient absolument aucune idée de ce qu’ils inventaient ; ça ne les empêchaient pas d’avancer ; aujourd’hui, on les appelle des impressionnistes, avec un sentiment d’évidence ; à l’époque, ça ne l’était pas. Tous étaient jeunes, insouciants, convaincus qu’ils devaient s’affranchir des règles que la société des experts et des critiques d’art leur imposait et en trouver de nouvelles ; parmi eux il y avait également un jeune écrivain écossais, Robert-Louis Stevenson, qui ne deviendra célèbre que beaucoup plus tard, grâce à ses romans, l’Île au Trésor, et Docteur Jekyll et Mr Hyde . Pendant cinq ans, Kenzo peignit des fleurs des champs, des arbres, des reflets dans l’eau, des étangs et des rivières, quelle que soit la saison, été, automne, hiver, printemps, chacune procurant une vision différente d’un même paysage ; chargé comme un baudet – entre nécessaire à peinture et provisions, cela représentait près de vingt kilos – il partait tôt le matin, parfois accompagné par Stevenson, tournait pendant des heures, puis, quand il avait enfin trouvé le lieu et le « motif », au grand soulagement de son compagnon, plantait son chevalet et déposait son matériel ; Kenzo a ainsi marché dans la campagne environnante tel un randonneur obstiné, pugnace, peignant des aquarelles, recueillant des échantillons pour son herbier, indiquant les dates et emplacements de ses relevés, notant scrupuleusement dans un petit carnet jusqu’au moindre détail topographique et toutes sortes de données pratiques, telles que les définitions en latin, la luminosité, le degré d’humidité, la caractéristique des espèces, le jour et l’heure exacte de la réalisation du dessin ou de la récolte ; car les planches de l’herbier accompagnaient les dessins, elles étaient fabriquée, presque en même temps, l’original végétal et la copie picturale, les mots et le pinceau, dans des collections parallèles. Et puis, un matin, Kenzo resta à l’auberge, annonçant à ses compagnons qu’il avait achevé son travail ; il avait épuisé les ressources de cette terre et retournerait bientôt à Hiroshima pour y ouvrir une galerie d’art, y exposer sa production et vendre les quelques tableaux dont il avait fait l’acquisition en France ; de sa part, il n’y avait là aucune spéculation, il faisait ça parce que partager ses émotions était une forme d’existence et que c’était un moyen comme un autre de subvenir à ses besoins ; si ces tableaux était restés dans la famille, celle-ci serait riche aujourd’hui et mènerait grand train. La veille de son départ de Grez-sur-Loing, Stevenson organisa en son honneur une fête qui se solda par une cuite mémorable pour chacun des participants.
Kenzo se maria en 1882, sa jeune épouse donnant naissance l’année suivante à un robuste garçon prénommé Inoue. Les Japonais qui s’intéressaient à cette production picturale venue de France étaient quand même peu nombreux, d’autant que les restrictions dues à la guerre que le Japon menait successivement contre la Russie et la Chine commençaient à produire leurs effets sur la population, même sur les classes les plus aisées. Les gens « faisaient attention ». Kenzo décida alors de se lancer dans l’industrialisation de l’élevage du ver à soie, activité qui se révéla beaucoup plus rentable que celle de marchand d’art. Rapidement, la maison Imamura devint un des principaux fournisseurs de la Maison Impériale ; Kenzo ouvrit une boutique à Kyoto et une autre dans la capitale, cessant pratiquement de peindre tant il avait d’activités et de déplacements à effectuer. Inoue succéda à son père, en 1940

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