La Pomme de terre de l oncle Badaoui
114 pages
Français

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La Pomme de terre de l'oncle Badaoui , livre ebook

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Description

Tout commence à l’acte zéro (muet), durant la période de famine qui a sévi à Alger après la seconde guerre, quand l’oncle Badaoui, un homme vaincu par la vie, retrouve un peu de dignité à l’idée de déguster une petite pomme de terre, denrée de luxe. Il se délecte à différer ce moment crucial, quand deux hommes armés se ruent sur lui et l’en empêchent... S'ensuivent six autres actes parlants : chaque acte relate par décennie une forme de frustration. D'abord, la pomme de terre fait son entrée en douceur pour monter en crescendo dans l'horreur au fil des histoires... Les scènes se déroulent, à chaque fois, dans une unité de lieu, un bouiboui à la sortie du port d’Alger, tenu par Hamid.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 avril 2017
Nombre de lectures 3
EAN13 9782414037117
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-03709-4

© Edilivre, 2017
Didascalie
L’introduction de chaque acte est projetée sur un tableau noir, en diapositives.
L’acte zéro est muet, les personnages maquillés devront exagérer leurs gestes et leurs mimiques comme si l’action se déroulait en accéléré, en noir et blanc, (à la Buster Keaton et Chaplin) Seul L’oncle Badaoui reste mesuré, voir éteint.
Prologue
Nous sommes à Alger dans les années 50. La famine se répand depuis la fin de la deuxième guerre dans les foyers arabes. La ville est exsangue : la mort rode et frappe plus souvent que de coutume ; c’est que le renfort alimentaire, que pouvait espérer, en temps de disette, chaque citadin, de ses proches de la campagne, se tarit. Alger enregistre au contraire, un intense exode d’hommes honteux ayant quitté leurs terres qu’ils ne peuvent plus cultiver par manque de semences, et parfois même juste par lâcheté !
Acte 0 (années 50)
Même au marché noir, la pomme de terre est devenue un luxe. Hamid, un garçon de café travaillant depuis ses quinze ans « chez Mme Adrien », le seul bouiboui du port, reçoit son oncle Badaoui, venu de Kabylie dans l’espoir de se faire embaucher comme docker… à cinquante ans passés !
Hamid
Sur son épaule gauche un torchon et dans la main droite un chiffon, il se met à dresser frénétiquement les deux uniques tables vides qui garnissent sa terrasse. Il s’interrompt de temps de temps et jette un regard inquiet sur les deux ruelles qui débouchent sur le bouiboui : l’une montant vers le front de mer via un interminable escalier et l’autre débouchant par une descente pavée sur le port. Visiblement déçu, il reprend aussitôt sa besogne.
La femme en haïk 1
Du haut de l’escalier, déboule brusquement une silhouette frêle en haïk, un panier au bras… Elle s’arrête devant Hamid et t l’embrasse sur les deux joues.
Hamid
Affolé, le jeune homme repousse son étreinte et jette un regard inquiet sur le panier.
La femme en haïk
Elle acquiesce de la tête, sans trop d’enthousiasme.
Hamid
Hésitant , puis , avide, il se penche sur le panier, avant de brandir avec ravissement une grosse et belle pomme de terre qu’il s’empresse de remettre à l’abri. D’un geste preste, il lui arrache le panier des mains, et tourne aussitôt les talons, avant de revenir tout aussi brusquement sur ses pas. Il remercie la jeune femme d’un geste vif de la tête, lui glisse fermement quelque chose dans le creux de la main, qu’il avait tiré nerveusement de la poche de son tablier et repart en trombe à l’intérieur.
La femme en haïk
Le suit du regard, puis repart vers l’escalier comme si de rien n’était en serrant fort le poing toute en se dandinant.
Noir
Arrive du port, au loin un homme à la peau tannée par le soleil, maigre, hagard et pauvrement vêtu d’une toile de jute avec sur le crâne en pointe une sorte de fichu poussiéreux, qui lui retombe majestueusement sur les épaules.
L’oncle Badaoui
Grimpe péniblement la pente, écrasé par un soleil brûlant. A mi-chemin, il se redresse de tout son long. Là, on se rend compte qu’il est, en fait, très grand : épaules larges, longues jambes bien maigres que l’on devine sous la toile du saroual. Il se palpe les reins, et d’un geste automatique pose sa main largement ouverte au-dessus des sourcils pour se protéger de la lumière. Il lève lentement la tête et jette furtivement un regard vers le ciel, avant de reprendre, encore plus courbé, son chemin.
Noir
Hamid
S ifflote tout en dressant ses tables, à cet instant, il aperçoit le vieil homme et se précipite vers lui. Il le serre fort dans ses bras, puis l’interroge du regard.
L’oncle Badaoui
Reste sans réaction.
Hamid
Donne une tape chaleureuse sur l’épaule de son oncle avant de l’installer d’un air décidé à l’une des tables.
L’oncle Badaoui
Impassible, les bras ballants, il attend…
Hamid
Entre prestement à l’intérieur pour ressortir aussitôt avec une assiette creuse dans laquelle on aperçoit une petite pomme de terre flottant au milieu d’une sauce un peu trop liquide. Il la pose sur la table devant son oncle et se retire.
L’oncle Badaoui
Surpris, il regarde son assiette avec émotion. Pour la première fois, il sort de sa réserve, un sourire fugace et timide fait une apparition dans ses yeux verts délavés. Sans un mot, il se met aussitôt à siroter avec un petit bruit le jus de ragoût. En s’aidant d’un morceau de pain coincé entre trois doigts démesurément longs, il repousse avec soin sa petite pomme de terre qu’il préfère, visiblement laisser pour la fin.
Noir
Deux hommes en costume sombre
Sortant de l’ombre, armés de pistolet, se dirigent vers le bouiboui. Ils s’arrêtent juste devant L’homme en toile de jute.
L’oncle Badaoui
Le nez dans son assiette, il ne semble pas s’être encore aperçu de leur présence.
Le premier homme
Secoue vigoureusement L’oncle Badaoui par l’épaule…
L’oncle Badaoui
Lève la tête et blêmit ! La surprise cédant vite la place à l’inquiétude. L’oncle Badaoui suspend toute activité, la cuillère à la main intimement proche de ses lèvres.
Le deuxième homme
N e bouge pas. Le doigt bien crispé sur la gâchette de son pistolet, il guette le garçon de café et ne le lâche pas des yeux.
Hamid
Pétrifié devant l’entrée du restaurant, son torchon dans les mains, il ne risque aucun mouvement.
Le premier homme
D’un geste de l’index, il ordonne à Badaoui de se lever et de le suivre.
L’oncle Badaoui
Fait mine d’obéir, mais sans crier gare, il se jette sur sa pomme de terre…
Le deuxième homme
D’un geste ferme et rapide, il empoigne au vol de sa main restée libre le poignet de L’oncle Badaoui, qui manque ainsi sa cible.
Le premier homme
Tire Badaoui par le bras en ouvrant largement la paume de sa main devant les yeux épouvantés du vieil homme pour lui signifier qu’il n’en aura pas pour longtemps.
L’oncle Badaoui
Résigné et sans résistance, il se laisse encercler par les deux hommes avant de les suivre.
Hamid
P orte la main à sa bouche, et les regarde disparaitre dans l’ombre.
Tout d’un coup, on entend le bruit d’un coup de feu suivi de celui d’un corps qui s’écroule avec fracas.
Hamid
Entonne un youyou… !
1 . Le Haïk est une étoffe blanche recouvrant l’ensemble du corps que portaient les femmes d’Alger dans l’espace public.
Acte 1 (début des années 60)
Une dizaine d’années plus tard, l’Algérie est tout juste indépendante. On est toujours dans le même bouiboui, rien n’a changé en apparence, hormis l’enseigne juste au-dessus de la porte en bois bleu roi, ou l’on peut maintenant lire « chez Hamid « et non plus « chez Mme Adrien » comme auparavant.
Au milieu d’un après-midi printanier, on voit Hamid en bleu de travail, s’affairer joyeusement autour des tables. La na’na’a 2 , légèrement fanée, qu’il avait pris soin le matin même de glisser au- dessus de son oreille, lui tombe maintenant négligemment sur la joue. Entre deux tâches, il passe l’index sur l’une des feuilles moles et part dans ses rêveries…
A une table, celle de Badaoui d’il y a dix ans, sont assis côte à côte une femme et un homme, l’air très amoureux mais néanmoins animés par une discussion houleuse. L’homme aux cheveux brun coupé court, surmonté d’une légère banane à la mode de l’époque, plutôt mince, lunettes aux verres fumés, a décalé légèrement sa chaise en oblique, de manière à être plus proche de sa compagne.
Elle, très peu maquillée, est vêtue d’un tailleur strict et sombre. Cette austérité apparente est atténuée par une belle chevelure blanc-vénitien, séquestrée dans un savant chignon, d’où s’échappent quelques mèches rebelles qui se baladent négligemment sur une peau lisse et laiteuse parsemée de minuscules grains de beauté.
Quand Hamid apporte deux bières au couple, on le sent mal à l’aise…
Hamid
Pose rapidement une « maadjra » 3 devant La femme comme pour s’en débarrasser et s’empresse de servir L’homme !
Mais, la dame l’apostrophe avant qu’il ne réussisse à éviter son regard !
(En arabe algérois :)
La femme
Issadjik ! Koul li, idjiw bazaf n’ssa yecharbou hwidja fel qahwa taak ? 4
Hamid
Non !… Euh ! En tout cas, rarement les femmes de chez nous. Juste les autres…
(Moqueuse :)
La femme
Les autres ? Qu’elles autres exactement ?
(Très gêné :)
Hamid
Il balbutie dans sa barbe une réponse inaudible… et devint cramoisi, quand vient à son secours le jeune homme en costume sombre qui n’avait pas encore desserré les dents…
L’homme
S’il te plait, ma chère, arrête de tourmenter ce pauvre garçon !
(S’adressant à Hamid avec le sourire :)
Merci, ça ira pour le moment…
La femme
Elle boit une longue gorgée de bière… puis d’une voix distraite, entonne…
On n’aurait jamais dû obéir au Président en acceptant de nous marier ! Non que je sois malheureuse qu’on soit mari et femme… mais tout de même, je me sens trahie !
L’homme range ses lunettes dans la poche intérieure de sa veste, il s’apprête à parler…
Elle approche la tête de son visage, et l’embrasse brusquement sur la bouche !
Surpris, il regarde autour de lui, puis prend son poignet, le fait pivoter en douceur en arrière… songeur, il y dépose un baiser.
L’homme
Quand on a décidé de se libérer du colonialisme et de se débarrasser du statut de l’indigénat, on aurait dû en même temps défier ce qu’ily a de plus archaïque en nous et dans notre société et qui est tout aussi désastreux que la perte de la liberté. Au lieu de quoi, nous, qui sommes censés donner l’exemple, nous avons plié dès le premier obstacle, devant des arguments fallacieux pour raison d’Etat, soi-disant ! Mais, aujourd’hui, on le sait, ces arguments en cachaient d’autres, bien plus sombres et plus sournois.
La femme
Tu me comprends alors ?
L’homme
(D’une voix

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