Alberto Giacometti, ascèse et passion , livre ebook

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Qui était Alberto Giacometti, l’un des artistes majeurs du XXe siècle ? Anca Visdei est partie sur ses pas, dans le Val Bregaglia en Suisse, là où il grandit entre son père, peintre, et sa mère, figure maternelle puissante, à Venise où il fit ses études, puis à Paris où il fut l’une des figures marquantes d’une période artistique particulièrement féconde. Des témoignages privilégiés, des extraits de sa correspondance, une exploration de son œuvre au plus près du geste de l’artiste nourrissent un récit captivant et émouvant. On y découvre la personnalité d’un Giacometti tout en contrastes qui n’eut de cesse de travailler à « montrer les choses telles qu’il les voyait », soit l’homme qu’il était dans tous les hommes. Un voyage passionnant dans la vie et l’œuvre d’Alberto Giacometti. Anca Visdei a travaillé comme journaliste en Suisse, puis à Paris où elle vit aujourd’hui. Auteur de théâtre, romancière, metteur en scène, elle est aussi l’auteur de biographies, notamment celle de Jean Anouilh dont elle fit la connaissance dans les années 1980.
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Date de parution

23 janvier 2019

Nombre de lectures

2

EAN13

9782738146854

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

© O DILE J ACOB , JANVIER  2019 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4685-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Composition numérique réalisée par Facompo
Avant-propos

Monsieur Giacometti,
 
J’ai tenté d’écrire votre biographie.
C’est le troisième ouvrage de ce genre que j’entreprends.
Jean Anouilh, Orson Welles, Alberto Giacometti : ce sont mes choix.
Trois artistes qui, à travers des disciplines artistiques différentes, ont donné l’image de l’homme du XX e  siècle.
Un Français, un Américain, un Suisse.
Un écrivain, un cinéaste, un peintre et sculpteur.
J’ai commis trois substitutions d’identité – il s’agit bien de substitutions et non d’usurpations. Pour moi, comme écrivain, c’était la seule façon d’envisager une biographie : revenir sur les pas de mon personnage. De l’intérieur. Pour chacune de ces biographies, j’ai tenté d’investir la personnalité de mon sujet, d’habiter son corps, d’emprunter son regard.
Cela commence par une enquête : il faut que je sache tout, de la pointure des souliers à la couleur des yeux, du menu alimentaire au dossier médical, que je parle à tous ceux qui l’ont rencontré, que j’aille sur ses lieux de vie et de travail.
Ensuite vient l’exploration de l’œuvre, le moment le plus agréable. Suivie par le travail de reconstitution : faire en sorte que le puzzle s’assemble, confronter les divers témoignages, les mettre en miroir.
Ce n’est qu’après que l’on s’attelle à la partie émergée de l’iceberg : la rédaction. Refaire le chemin de la création, c’est créer… C’est ce que Giacometti a fait toute sa vie.
La littérature concernant cet homme qui n’avait eu à peu près que le travail en fait de vie privée était pléthorique. Sans parler de l’abondance de l’iconographie. Giacometti demandait à presque tous ceux qu’il rencontrait de lui servir de modèle. Et ceux qui ont posé pour lui ont écrit un livre, voire plusieurs, relatant l’aventure. J’étais écrasée. Par le poids de la responsabilité. Non celui du travail – je l’avais choisi pour cela. Mais écrire après tant d’autres… apporter autre chose qu’un texte de plus.
Mon étoile polaire était mon intuition : Giacometti était un saint laïc, très humain – jamais trop –, un homme sérieux, d’une seule pièce à la fois artisan, sage, ermite, travaillé par la tentation de la chair… Il était obsessionnellement entré, comme dans les ordres, dans une quête impossible. Il visait mieux que la perfection. Enrôlé dans la recherche constante de nouvelles perfections. L’inaccessible étoile.
Comment ai-je osé m’attaquer à lui ? Il est trop grand, trop concentré, trop profond ! Mais quelle chance de l’avoir choisi : il dépasse tout le monde de trois têtes… Lui qui, dans son travail laborieux, sans fin, eût aimé se faire oublier.
Quand, au milieu du gué, j’étais en proie au doute, je partais dans ses montagnes natales, je traversais ses mayens 1 et regardais sa maison. J’en revenais pleine de confiance, avec des réponses, évidentes. De la nourriture aux fleurs, des pierres aux balcons en bois, des traits sculptés des habitants du Bregaglia au climat rude, je me retrouvais sous perfusion de cet univers qu’il avait reproduit inlassablement : une terre éternelle où chacun a sa place acceptée, unique et indispensable à la marche du monde.
Parfois, je fonçais un jour ou deux à Venise dont il avait foulé si souvent les fondamente 2 et les ponts. Venise que je connaissais comme si j’y étais née, mais qui, revue à travers ses yeux, gris avec des éclats de plâtre 3 , me redonnait le la . Évidemment, je travaillais aux mêmes heures que lui. Il imposait la nuit jusqu’à l’aube. J’ai voulu travailler de jour, ce fut impossible.
Au moment de la pire incertitude, prête à renoncer, je me trouvais au Liban, en train de visiter la grotte de Jeita. Soudain, regardant les stalactites et les stalagmites, je me suis dit : « Mais c’est le travail d’Alberto ! Le temps à l’œuvre ! » C’était reparti !
Il me semble, maintenant quand je dois mettre le point final à mon texte, qu’il m’a tenu la main tout le temps. Qu’il m’a réconciliée avec le doute. Qu’il nous apprend le bonheur de chercher, d’essayer, d’effacer, de reprendre, de redire, de revenir, de ne jamais oublier ceci : plus la tâche est complexe, plus il faut simplifier. Merci, Monsieur Giacometti.
1 . Nom donné en Suisse aux alpages dotés de petits abris en pierre et bois pour y loger animaux et berger.
2 . Quais piétons de Venise, surélevés par rapport aux canaux, pavés, bordés de pierres, munis de garde-corps et de marches qui descendent jusqu’à l’eau.
3 . Témoignage d’Eberhard Kornfeld, entretien avec l’auteur, 9 octobre 2015.
Quelques remarques liminaires

« Une biographie est souvent un roman avec un index de noms cités. »
Pierre A SSOULINE

Je pensais parler d’un seul personnage, mais chaque Giacometti en cache plusieurs et ils sont indissociables. Indissociables de leurs rencontres aussi, et c’est de la sorte que je me suis retrouvée avec un portrait d’artiste avec groupe. Il savait voir en chaque personne ce qu’elle avait de remarquable, d’unique. Du même coup, celle-ci donnait le meilleur d’elle-même. Impossible de l’exclure du tableau puisqu’elle détenait l’ombre portée de l’artiste.
Traiter Alberto Giacometti sans son frère Diego relève non seulement de la cuistrerie, mais, pire, de l’aveuglement. C’est traiter Don Quichotte en oubliant Sancho. Et même si le premier, porteur d’oriflamme, est éclairé par les feux de la rampe, il n’aurait peut-être pas existé, ou du moins pas émergé à la notoriété, sans le second. Inutile également de vouloir chercher une égalité ou estimer les apports, là où ce n’est pas nécessaire. La complémentarité suffit amplement, avec ses rôles acceptés.
Je me suis permis, à de nombreuses reprises, de désigner Alberto Giacometti sous son seul prénom. Ce n’est pas une outrecuidante familiarité, mais les Giacometti sont plusieurs à avoir eu du génie et une vie publique, donc j’utilise le prénom pour éviter des confusions possibles. Le souci stylistique d’éviter les répétitions a également présidé à ce choix.
Systématiquement, j’ai privilégié les témoignages recueillis directement (docteur Eberhard Kornfeld, Marco Giacometti, Claude Delay, Adrien Maeght, correspondances) plutôt que ceux déjà publiés et reproduits dans d’autres ouvrages sur l’artiste.
Toutes les citations d’Alberto Giacometti se trouvent dans ses Écrits , ouvrage référencé dans la bibliographie. Des notes systématiques en bas de page risquaient d’alourdir la lecture.
Si je me permets parfois d’évoquer ma propre expérience, c’est par une humilité lucide car, tel Giacometti qui ramenait ses modèles à un type essentiel, je ne peux approcher le grand artiste qu’à partir de mon propre vécu. Ce sont ces passerelles qui m’ont fait à la fois choisir ce sujet et espérer l’éclairer d’une lumière personnelle.
Structurer une biographie, c’est reproduire le miracle d’une vie. « Je connais la solution, il me reste de trouver comment j’y suis parvenu », écrivait le mathématicien Gauss. De même que ses statues dictaient à Giacometti leur taille, c’est mon sujet, Giacometti, qui a dicté l’ordonnancement de l’ouvrage.
Quand il y a des redites, je prie le lecteur de m’en excuser, c’est par contagion avec la manière d’avancer de Giacometti : par cercles concentriques et retours constants.
Anca V ISDEI .
Chez Christie’s à New York

11 mai 2015

Derrière sa tribune acajou, estampillée en lettres d’or Christie’s , avec des airs de prédicateur vedette, se tient celui qui va mener les enchères. Rien de moins que Jussi Pylkkanen, président international de Christie’s. Le global président. Le meilleur. La star ! Chemise blanche, impeccable costume foncé avec mouchoir blanc plié à deux angles origami dans la poche poitrine, micro sur cravate affichant un violet d’hologramme. Tout de même, c’est une vente d’art ! Un WASP bon teint avec ses cheveux blonds coupés chic et les lunettes parfaites : modèle de l’année, mais discret. Pylkkanen est un monstre sacré : il s’agite avec grâce, fausse naïveté, vrai charisme sur son perchoir dont on a toujours peur de le voir… tomber.
À sa droite : les lots présentés vers lesquels il va se tourner souvent comme un grand prêtre vers l’autel. L’écran électronique, à la gauche de l’officiant, affiche blanc sur vert (hommage au billet vert qui est la devise de la vente ? tapis vert ?) la dernière enchère en dollars, euros, livres sterling, francs suisses, yens, dollars de Hong Kong et roubles. Les chiffres défilent à toute allure.
À la tribune de droite, deux hommes et une femme debout, les assistants des grands jours, veillent au bon déroulement. À côté d’eux, les greffières-secrétaires cachées derrière leurs ordinateurs. Dans la salle, une forêt d’experts et d’agents, le téléphone vrillé à l’oreille, le bras droit déjà levé, enchérissant, transmettant des ordres. Presque tout se fera par téléphone.
Une vente très attendue. Seulement trente-cinq lots, mais leur valeur, autant qu’on puisse l’estimer, fait rêver.
Les œuvres sont réunies sous le titre Looking Forward to the Past . Explorer l’avenir à travers le passé . Traduction officielle malheureuse. Tout le monde utilise le terme « enchères du siècle ».
La salle est pleine : il a fallu jouer des cartes de presse et des recommandations pour y pénétrer. Le moment s’annonce historique. Voici l

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