Corps de guerre
258 pages
Français

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Corps de guerre , livre ebook

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Description

Il est des corps par nature différents, aux expressions singulières, interagissant avec la guerre, de manière qu'on ne puisse plus parler des uns sans parler des autres… L'intuition de ces corps, d'un devenir-dans-la-guerre-contre-la-guerre que ces corps tracent, incite à nommer un Corps de Guerre. Et ce, pour saisir non plus les corps que la guerre régénère et ceux qu'elle détruit, mais la vie dans la guerre, pour élaborer une poétique de la rupture. Ce faire rupture s'accomplit à travers un questionnement sur les œuvres et la parole d'écrivains, de poètes et d'artistes…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 36
EAN13 9782296486225
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CORPS DE GUERRE
Ouverture philosophique
Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot
Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques.
Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu’elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques.
Dernières parutions
Patrick KABAKDJIAN, La pensée en souffrance , 2012 .
Luca M. POSSATI, Ricœur et l’analogie, Entre théologie et déconstruction , 2012.
François URVOY, Le temps n’est pas ce que l’on croit , 2012.
Stanislas DEPREZ, L’homme, une chose comme les autres ? , 2012.
Bertrand DEJARDIN, Ethique et esthétique chez Spinoza, Liberté philosophique et servitude culturelle , 2012.
Stefano BRACALETTI, Le paradigme inachevé. Matérialisme historique et choix rationnel , 2012.
Laurence HARANG, La valeur morale des motifs de l’action. Motivation éthique et motifs , 2012.
Olivier LAHBIB, Avoir, Une approche phénoménologique, 2012.
Dimitri TELLIER, La métaphysique bergsonienne de l’intériorité. Se créer ou se perdre, 2012.
Alessia J. MAGLIACANE, Monstres, fantasmes, dieux, souverains. La contraction symbolique de l’esprit chez Sade, Dick, Planck et Bene , 2011.
Xavier ZUBIRI, L’homme, sa genèse et sa durée. Etudes anthropologiques II , 2011.
Xavier ZUBIRI, L’homme, sa réalité et ses structures. Etudes antrhopologiques I, 2011.
Leyla Mansour
CORPS DE GUERRE
Poétique de la rupture
Préface d’Abbas Beydoun
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-96473-0
EAN : 9782296964730
A Fadoie et à Jamal, mes parents, et à Tarek, mon frère.
qui a le courage du non
trouve une autre mémoire

Bernard Noël
préface : l’aventure rhizomatique
La bombe a explosé pendant que j’étais dans la rue. J’y étais exposé, mais elle ne s’est pas approchée de moi. Elle a tué un homme que je connais, devant la porte de sa maison.
Une femme m’a raconté qu’elle était en compagnie de sa sœur, lorsqu’une bombe a éclaté près d’elles. Sa sœur lui a alors dit : J’ai vu ta chair dispersée sur les murs. Dès que le grondement se rapprochait, nous nous abritions à la maison, derrière un mur protégé par un autre ; la salle de bain était l’endroit privilégié dans ce cas. Ainsi, nous nous trouvions dans l’intimité d’un espace clos. Nous ne commettons pas d’erreur, si nous pensons qu’il s’agit d’un autre corps ; c’est le corps dans lequel le nôtre entre et dont il reçoit la sécurité, mais aussi, éventuellement, le danger. En s’y joignant, cependant, il déploie l’écriture de la peur. La ville sous les bombardements est, elle aussi, des corps qui s’imbriquent, et la peur les relie, les entasse en les poussant les uns contre les autres. L’écriture de ces corps, qui se tisse de maison en maison, constitue alors le Corps de Guerre, et c’est aussi le corps de la ville dans la guerre. Et lorsque la bombe tombe quelque part, la destruction qui se produit est une sorte de rupture ; la liaison se rompt à ce point, mais une autre connexion se crée, sous les ruines, et peut-être au fond de la terre ; la destruction a, elle aussi, son écriture. Le paysage des souks à ce moment-là et celui de zones dévastées à Beyrouth montrent en quoi consiste l’écriture de la destruction ; c’est également une écriture qui se continue d’une maison à l’autre.
Elle permet une autre lecture de la ville, avec des informations différentes et une autre ornementation ; la destruction est aussi un autre genre d’arabesque. Je crois même que l’écriture de la destruction est plus continue que celle de la construction. Rapidement, cet alphabet s’enchaîne, et, rapidement, l’écriture se dessine d’un immeuble à l’autre, et, rapidement, il s’en forme un seul corps. Nous regardons un quartier démoli comme un seul bloc, et voyons les débris humains, les trous et les interstices qui s’entremêlent et deviennent dans leur ensemble une œuvre-vestige achevée.
L’écriture de la destruction est aussi celle du temps. Les choses dévoilent brusquement leur âge, ou plutôt, elles s’écrivent avec les lignes de cet âge et avec ses rides. Le temps s’en est retiré et s’est vêtu de leur visage, elles sont alors apparues sous leur âge réel, ou encore, elles ont acquis un âge réel ou hypothétique, peu importe. L’essentiel, c’est ce temps arachnéen qui se tisse et s’étend à l’intérieur de chaque quartier et à l’échelle de la ville. Ce temps capillaire qui se transforme rapidement en une écriture arachnéenne, qui s’enchaîne autant qu’elle s’éloigne et s’achève.
Leyla Mansour dit ici qu’en se référant à Gilles Deleuze, elle interroge la mémoire courte et écrit avec des idées courtes.
Cela implique une écriture rhizomatique, c’est-à-dire une écriture expansive qui ne se fixe nulle part, ni ne se centre, et qui n’est pas directe ni adjacente, mais qui traverse, s’éloigne et se noue à chaque fois autour d’un nouvel axe, pour en dévier vers un autre nœud. L’écriture de l’association (des idées), de la discontinuité, de l’écart, de la diversité et de la multiplicité. Ce que dit ici Leyla Mansour est effectivement le trait caractéristique de son livre, car il s’agit d’une écriture rhizomatique ; dès que nous ressentons que l’écriture se ramasse, elle se disperse, et dès que nous la voyons se nouer autour d’un axe, elle s’en écarte. Le corps a été dès le départ la préoccupation de Leyla Mansour. Elle était soucieuse de transformer l’écriture en corps, et finalement, elle a atteint non pas l’écriture du corps, mais le corps de l’écriture.
Transmuer le corps en pensée et la pensée en corps.
Transmuer le biographique en Histoire, le poétique en prose, et le prosaïque en poésie. L’écriture semble quêter ici les corps des choses. C’est pour cela qu’elle aboutit au Corps de Guerre, au corps de la ville, au corps de la pensée, et au corps de l’écriture, mais elle n’atteint un corps que pour s’en détacher et le mêler à un autre corps, qui entre dans un autre corps, et ainsi de suite.
Nous ne sommes pas ici face à une écriture rhizomatique seulement, mais face à une invitation au rhizomatique. Leyla Mansour ne cesse d’inciter à s’extraire des zones de sécurité de la pensée, à ne pas s’immobiliser dans des lieux et sur des axes stables. Elle exhorte l’individu à oser s’égarer, à s’ouvrir aux guerres de sa pensée et à se livrer à ses démons ; à échapper au fini et au défini, et à s’exposer à l’hétérogène, à l’hybride et à l’incomparable. Elle invite à séjourner dans les sphères dangereuses ; à résider dans les lieux découverts, là où il n’est pas de maisons, ni de toits ou de murs pour nous.
Elle invite à percevoir le monde avec la peau d’un enfant, à rechercher le corps du monde et sa peau, à rassembler ses dispersions et à se positionner, sans recourir à des points d’appuis inventés, et sans libérer l’esprit de ses troubles.
Quant à la condition qui détermine tout cela, c’est vivre dans la rupture, c’est-à-dire s’affranchir de toutes les identités : tous les systèmes et les structures qui fonctionnalisent la vie et l’asservissent ; les identités nationales et les identités religieuses ; les identités qui ancrent l’individu dans une race, une couleur, une fonction, ou un lieu, ou qui le rattachent à une ethnie, une nation, une langue, une culture, un peuple, ou même une ville. Leyla Mansour nous dit qu’elle aime Beyrouth parce que Beyrouth ne lui appartient pas et qu’elle n’appartient pas à Beyrouth, et au moment où elle pense Beyrouth, elle n’est pas arabe ni musulmane ni chrétienne ni même beyrouthine. Leyla Mansour invite de la sorte l’individu à être étranger en tout lieu, et l’étranger est celui qui s’adapte, et c’est celui qui sait comment se glisser dans le corps de l’autre et comment s’en détacher, à la fois. Nous nous rappelons alors que Leyla Mansour vit à Paris depuis longtemps, elle vit à Paris et écrit en français ; elle a fait l’expérience de sa rupture et c’est à partir de cette rupture qu’elle peut désormais parler de Beyrouth et de sa guerre. Si le poète est l’étranger à sa langue, Leyla Mansour est aujourd’hui l’étrangère à sa ville et l’étrangère à sa vie. C’est pourquoi, elle ré

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