L art du fragment
114 pages
Français

L'art du fragment , livre ebook

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114 pages
Français

Description

Si le fragment dans l'art évoque l'étude historique ou théorique des formes du fragment, l'art du fragment désigne plutôt un enjeu de l'éthique artistique. Fragment évoque les petites formes, fragmentation, le montage des morceaux, une révolte contre la totalité, une sorte de suspens, un assemblage ouvert... Dans toutes ces modalités, que cet ouvrage considère ici en littérature, musique et cinéma, s'instaure la variation entre frontières apparentes et frontières souterraines, entre limites de surface et déterminations sous-jacentes.

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Publié par
Date de parution 01 janvier 2016
Nombre de lectures 22
EAN13 9782336399171
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dominique Chateau
L’art du fragment Frontières apparentes & frontières souterraines
Série RETINA Collection Eidos
L’art du fragment Frontières apparentes & frontières souterraines
ème Ce livre est le 68 livre de la
dirigée par François Soulages & Michel Costantini Comité scientifique international de lecture Argentine(Silvia Solas, Univ. de La Plata), (Alberto Olivieri, Univ. Fédérale de Bahia,),Bulgarie(Ivaylo Ditchev, Univ. de Sofia St Clément d’Ohrid),Chili(Rodrigo Zuniga, Univ. du Chili, Santiago),Corée du Sud(Jin-Eun Seo (Daegu Arts University, Séoul),Espagne(Pilar Garcia, Univ. Sevilla),France(Michel Costantini & François Soulages, Univ. Paris 8),Géorgie(Marine Vekua, Univ. de Tbilissi),Grèce(Panayotis Papadimitropoulos, Univ. d’Ioanina),Japon(Kenji Kitamaya, Univ. Seijo, Tokyo),Hongrie(Anikó Ádam, Univ. Pázmány Péter, Egyetem),Russie(Tamara Gella, Univ. d’Orel),Slovaquie(Radovan Gura, Univ. Matej Bel, Banská Bystrica), Taïwan(Stéphanie Tsai, Unv. Centrale de Taiwan, Taïpei) Série RETINA 3 François Soulages (dir.),La ville & les arts11 Michel Gironde (dir.),Les mémoires de la violence 12 Michel Gironde (dir.),Méditerranée & exil. Aujourd’hui13 Eric Bonnet (dir.),Le Voyage créateur 14 Eric Bonnet (dir.),Esthétiques de l’écran. Lieux de l’image 17 Manuela de Barros,Duchamp & Malevitch. Art & Théories du langage 18 Bernard Lamizet,L'œil qui lit. Introduction à la sémiotique de l'image 30 François Soulages & Pascal Bonafoux (dir.),Portrait anonyme 31 Julien Verhaeghe,Art & flux. Une esthétique du contemporain 35 Pascal Martin & François Soulages (dir.),Les frontières du flou36 Pascal Martin & François Soulages (dir.),Les frontières du flou au cinéma37 Gezim Qendro,Le surréalisme socialiste. L’autopsie de l’utopie38 Nathalie ReymondÀ propos de quelques peintures et d’une sculpture39 Guy Lecerf,Le coloris comme expérience poétique40 Marie-Luce Liberge,Images & violences de l'histoire41 Pascal Bonafoux, Autoportrait. Or tout paraît42 Kenji Kitayama,L'art, excès & frontières43 Françoise Py (dir.),Du maniérismeà l’art post-moderne 44 Bernard Naivin,Roy Lichtenstein, De la tête moderne au profil Facebook 48 Marc Veyrat,La Société i Matériel. De l’information comme matériau artistique, 1 49 Dominique Chateau,Théorie de la fiction. Mondes possibles et logique narrative 51 Patrick Nardin,Effacer, Défaire, Dérégler... entre peinture, vidéo, cinéma e 55 Françoise Py (dir.),siècleMétamorphoses allemandes & avant-gardes au XX 56 François Soulages & Sandrine Le Corre (dir.),Les frontières des écrans 57 Agathe Lichtensztejn,Le selfie aux frontières de l’egoportrait 58 François Soulages & Alejandro Erbetta (dir.),Frontières & migrationsAllers-retours géoartistiques & géopolitiques 60 François Soulages & Aniko Adam (dir.),Les frontières des rêves 61 M. Rinn & N. Narváez Bruneau (dir.),L’Afrique en images. Représentations, idées reçues de la crise62 Michel Godefroy,Chirurgie esthétique & frontières de l’identité 63 Thierry Tremblay,Frontières du sujet. Une esthétique du déclin 64 Stéphane Kalla Karim,Les frontières du corps & de l'espace. La métaphysique de Newton65 Marc Veyrat,Never Mind, De l’information comme matériau artistique, 2 66 Vladimir Mitz,La transgression des frontières du corps. La chirurgie esthétique 67 Bernard Salignon,Frontières du réel. Où l’espace espace 68 Dominique Chateau,L’art du fragment. Frontières apparentes & frontières souterrainesSuite des livres publiés dans la CollectionEidosà la fin du livre Publié avec le concours de
Dominique ChateauL’art du fragment Frontières apparentes & frontières souterraines
ème Ce livre est le 44 de
Sous la direction de François Soulages FONDEMENTS DES FRONTIÈRES géoartistiques & géopolitiques, géoesthétiques & géothéoriques François Soulages (dir.),Géoartistique & Géopolitiques. Frontières,Paris, L’Harmattan, Coll. Local & Global, 2012 Gilles Rouet & François Soulages (dir.),Frontières géoculturelles & géopolitiques,Paris, L’Harmattan, Coll. Local & Global, 2013 Gilles Rouet (dir.),Quelles frontières pour quels usages ?,Paris, L’Harmattan, Coll. Local & Global, 2013 François Soulages (dir.),& frontières. Arts, cultures & politiques Mondialisation , Paris, L’Harmattan, Coll. Local & Global, 2014 Éric Bonnet & François Soulages (dir.),Lieux & mondes. Arts, cultures & politiques,Paris, L’Harmattan, Coll. Local & Global, 2015PROBLÈMES des Frontières géoartistiques & géopolitiques François Soulages (dir.),Biennales d’art-contemporain & frontières,Paris, L’Harmattan, coll. Local & Global, 2014 Benoît Blanchard,Circulations & frontières. La Polynésie des Biennales, Paris, L'Harmattan, coll.Local & Global, 2015 Pedro San Ginès & François Soulages (dir.),Fronteras, Conflictos & Paz, Granada, Edición de la Universidad de Granada, Colección Eirene Instituto de la Paz y los Conflictos, 2014 Pedro San Ginès & François Soulages (dir.),Frontières, Conflits & Paix, Granada, Edición de la Universidad de Granada, L’Harmattan, Colección Eirene Instituto de la Paz y los Conflictos, 2014 François Soulages, Alejandra Niedermaier & Alejandro Erbetta (dir.),La experiencia fotográfica en diálogo con las experiencias del mundo, Buenos Aires, Cuaderno 59, 2015 François Soulages & Alejandro Erbetta (dir.),Frontières & migrations. Aller-retour géoartistiques & géopolitiques, (dir.), Paris, L'Harmattan, coll.Eidos, série RETINA, 2015 François Soulages & Sandrine Le Corre (dir.),Les frontières des écrans, Paris, L’Harmattan, Coll.Eidos, Série RETINA, 2015 Suite des titresFrontièresà la fin du livre © L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-07646-1 EAN : 9782343076461
En guise d’introduction
C’est seulement dans l’œuvre fragmentaire, renonçant à elle-même, que se libère son contenu critique. 1 Theodor W. Adorno
Mon intérêt pour le fragment ne date pas d’au-jourd’hui. Au fil de mes lectures, il n’a cessé de croître. L’une d’entre elles m’a donné le coup de fouet décisif : l’idée exprimée par Charles Rosen demorceaux de musi-2 que qui commencent au milieu d’une phrase… À moins d’être blasé, pareille idée ne peut manquer de titiller l’esprit. Essayez de concevoir ce que voudrait dire, dans la conversation, le fait de commencer sa phrase non pas au début, mais au milieu. Ne pas commencer au début… Commencer au milieu de ce qui n’a eu pas de début… Commencer par ce qui n’est pas le com-mencement…
1.Philosophie de la nouvelle musique. 2.La Génération romantique,Chopin, Schumann, Lizst et leurs contem-porains, trad. par Georges Bloch, Paris, Gallimard, Coll. « Biblio-thèque des idées », 2002 (1995), p. 529.
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Et ce n’est pas seulement la question de l’ordre qui se pose là. Quand on parle de « commencer par la fin », on bouleverse l’ordre de l’énonciation, quitte à priver l’auditeur ou le lecteur, dans le cas d’un dis-cours, du suspense de la résolution finale, mais, sur-tout, on lance la supposition qu’il y a un début et que ce début est déjà là tandis qu’on commence, tout en n’étant pas à sa place. C’est un début virtuel qui concurrence le début actuel. Or, s’agissant de com-mencer au milieu, il y a encore autre chose au-delà du bouleversement du « bon ordre » : l’idée de couper là ou on ne doit pas couper la « bonne forme » ; l’idée d’élaguer plus ou moins sauvagement la formule (incipit ou non) qui établirait le « bon contact » avec le récepteur. Il ne s’agit pas de le plongerin media res, à la manière de Maupassant qui, dès la première phrase d’Une vie, nous parle de Jeanne comme si elle nous était familière (« Jeanne ayant fini ses malles, s’appro-cha de la fenêtre, mais la pluie ne cessait pas »), mais de trancher dans la substance textuelle elle-même pour mettre en lumière un lambeau de phrase, un fragment de discours, et pousser l’autre dans l’ombre — ce qui est une autre manière, d’ailleurs, de le mettre en lumière… Car cela signifie qu’il y a des frontières appa-rentes et des frontières souterraines. Les frontières apparentes du fragment sont claires et distinctes ; les frontières souterraines son floues et incertaines. Tout dépend, certes, du degré d’expertise du récepteur, auditeur ou lecteur. Profane, il ignorera l’intrigue. Expert de la chose, il y percevra le présupposé, le sous-entendu,le requis de la structure profonde qui affleure dans le débris exhibé.Je ne m’intéresse pas à ce conflit des points de vue, surtout s’il s’agit d’ériger la contrainte de l’ignorance en critère de création (sorte de nivellement par le bas qui profite aux morts-
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visants). Mon parti pris est tout à l’opposite : consi-dérer cetart du fragment qui ne tranche pas pour seu-lement jeter, mais choisit le clair-obscur du jeu de l’actuel et du virtuel par lequel l’écriture s’émancipe des servitudes de la communication ordinaire. J’ai donc choisi un sujet qui fleurte avec la ques-tion des frontières… Dans un recueil de textes paru récemment,Limites floues, Frontières vives, les auteurs proposent d’innover en ethnologie en prenant la frontière comme objet d’étude. Les directeurs du recueil partent, dans leur introduction, du constat qu’il y a « d’un côté (…) des limites claires imposées par la volonté politique, de l’autre des marges floues, témoi-gnages d’une histoire souterraine où interviennent les contraintes naturelles, les migrations des hommes, la 3 diffusion et l’attraction des modes, etc. » . Ils propo-sent néanmoins de remettre en cause cette dualité de départ et préconisent d’analyser plus finement les « processus complexes, plus ou moins volontaires, de construction des frontières culturelles (…) à différen-4 tes échelles spatiales et temporelles » . Je tiens cette démarche pour exemplaire d’un état d’esprit sur le plan de la méthode de pensée : on considère une dualité, non pas pour la supprimer, mais pour tenter de l’intégrer dans une relation supérieure, au bout du compte irréductible à l’opposition franche, au dua-lisme. D’un côté, le flou et la frontière, ou la limite, s’opposent. La limite du flou est un oxymoron. D’un autre côté, quand on examine des situations concrètes, on s’aperçoit que, au lieu de s’opposer systématique-
3.Limites floues, Fontières vive,Des variations culturelles en France et en Europe, dir. par Christian Bromberger et Alain Morel, Paris, Édi-tions de la Maison des sciences de l’homme, Coll. « Ethnologie de la France », 2001, p. 4. 4.Ibid., p. 6.
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ment, frontière et flou jouent une sorte de jeu subtil, tel que le flou s’arrête autant qu’il s’étend et que la frontière s’étend autant qu’elle arrête. Où observe-t-on ce jeu ? Dans les œuvres elles-mêmes, les œuvres d’art en tant qu’elles diffèrent des œuvres ordinaires en faisant, en voulant faire l’expé-rience des limites. Il n’y a rien à redire au fait que les œuvres ordinaires que l’humain produit ou consomme n’aient pas cette ambition. Chaque jour on se félicite que les couteaux coupent, autant que, pour la même raison pratique, on regrette que certaine chaise design soit si peu confortable. Si, devenant décoratif, l’objet utile déchoit de son titre, c’est pour espérer satisfaire le désir de possession ou la contemplation esthétique. Voilà déjà, modestement, comment une limite est franchie… On n’a pas à culpabiliser de ranger les choses du monde en catégories, ni les êtres. On range bien nos crayons dans un mug, nos clefs au porte-clef, nos photos dans des boîtes à chaussure, etc. Alors, pour-quoi ne pas ranger aussi ce qui est plus abstrait, ou ce qu’on ne considère que de manière abstraite, dans des catégories ? Aussi imparfaites soient-elles, d’ailleurs, telles les boîtes à chaussure où atterrissent les pho-tos… Lecteur, on sait bien qu’il y a des textes poéti-ques et des textes prosaïques, on sait bien les discer-ner. Cela constitue la partie cognitive de l’appréciation 5 esthétique. Et, au plus extrême de leur différence , on attend des uns un peu de rêve, des autres, une bonne information. Il se peut qu’ils se ressemblent tout for-
5. C’est plutôt leur rencontre au sein de laprose poétiqueque j’examine dans « Le flou rare de la prose poétique », commu-nication au colloqueLes Frontières du flou en littérature, dir. par Pascal Martin & François Soulages, École Nationale Louis Lumière, 25 mars 2015, à paraître (L’Harmattan, 2015).
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mellement comme se ressemblent l’art de la liste cultivé par Georges Pérec — par exemple, dans L’Infra-ordinaire, la « tentative d’inventaire des éléments liquides et solides que j’ai ingurgités au cours de 6 l’année mil neuf cent soixante-quatorze » — et la plus commune des listes des commissions. Mais on est prévenu que Pérec joue à la limite où la liste des commissions verse dans l’énigme : « Interroger ce qui 7 semble tellement aller de soi (…) » écrit-il en Préface . « Ce qu’il s’agit d’interroger, ajoute-t-il, c’est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos usten-siles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes » : ainsi la liste est-elle programmée comme tâches à faire, mais non plus pour les faire, pour les interroger. Interroger veut dire regarder autrement ou, suggérait Chklovski dans sa théorie de l’ostranenie, s’arracher à l’automatisme de la perception familière pour redé-8 couvrir la chose, le monde . Pour notre lecteur, la plus évident de ces diffé-rences de l’art avec l’ordinaire s’affiche dès la matière et la manière de son expression. L’énonciation est l’avant-garde de l’énoncé. Le vers nous prévient. La majuscule qui l’inaugure, la rime qui le clôt, la fragmentation phrastique sont comme des signaux. Devant le vers conventionnel, d’emblée, on est mis à distance. On ne parle pas comme ça, sinon en situa-tion parodique. Passer au vers, c’est changer de régime, comme si on pouvait être démocrate le jour et royaliste la nuit… Avec le vers libre, tombe la rime. Changement de régime : le roi est nu… Au vrai, c’est
e 6. Paris, Seuil, Coll. « La librairie du XX siècle », 1989, pp. 97-106. 7.Ibid., p. 12. 8. Cf.Sur la théorie de la prose, trad. Guy Verret, Lausanne, L’Âge d’homme, Coll. « Slavica », 1973.
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